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Rubrique Tendances

Denis Martinez et les autres

La culture s’entête à occuper le moindre espace possible de libre. Il est admirable, cet entêtement. Ici et là, des cafés littéraires accueillent des auteurs, qui acceptent d’aller à la rencontre d’un public. Un public, souvent difficile à contenter, pour des raisons diverses. D’autant que la culture (faut-il la définir comme vécu social ?) est souvent considérée comme un élément de moindre importance. Oubliant, par là, que la culture peut déterminer un projet de société. Ce que je constate, néanmoins, c’est que cette dimension vitale de toute société s’accroche désespérément au moindre souffle d’espoir, dans un pays souvent navrant, pour tenter de porter le message du rêve. Je vois d’ici des esprits aigris reprendre le slogan que la culture ne nourrit pas son homme. Et que le rêve s’édifie lors du sommeil. Et qu’il s’efface dès le réveil. A ceux-là, j’ai toujours dit que nous ne parlons pas de la même culture ni du même rêve. Je parle de la culture structurante et du rêve qui porte l’homme, jusqu’à son aboutissement sur le terrain de la réalité. J’y vais, aussi souvent que possible, à ces espaces de culture, de rêve et, donc, de liberté.
Amirouche Malek n’est plus à présenter, désormais. Depuis des années, il traîne son entêtement à porter des projets culturels, ici et là. Malgré les difficultés, il n’arrête pas de pousser son café littéraire, invitant différents acteurs de la chose culturelle. Ici, un écrivain. Là, un chercheur. Un poète. Ce samedi, à la salle Aminel (en fait, la salle d’un restaurant que le propriétaire, mécène s’il en est, met à sa disposition), il a reçu Mohamed Attaf, poète et écrivain, auteur de Samy El Djazaïri, la voix des astres, édition Dar El Houda, 2018 ; et Abdelkrim Tazaroute, auteur de Djamel Allam, de Ourtsrou au Youyou des anges, édition Anep, 2018. Amirouche Malek a bien fait de réunir ces deux auteurs, car il est question dans leur ouvrage de la vie et l’œuvre de deux chanteurs algériens, aujourd’hui disparus, dont l’apport à la chanson a été admirable. Conçus comme de beaux livres, les deux auteurs retracent l’itinéraire et l’œuvre de chanteurs, Samy et Djamel, qui ont bercé ma génération, l’un en chantant le asri et l’autre en modernisant la chanson kabyle. 
Samy El Djazaïri, de son vrai nom Ali Kanouni, tizi-ouzien, a fait ses premiers pas dans sa ville natale. Percussionniste d’abord, il a, par la suite, pris le micro pour chanter, car doté d’une voix cristalline, chaude et envoûtante. Lui-même amoureux de Lamari, dont il a repris les chansons (comme Djazaïria), avant de chanter ses propres compositions. Son biographe, Mohamed Attaf, a expliqué à l’assistance l’enfance de Samy dans un quartier populaire de Tizi-Ouzou, sa scolarité contrariée à l’école Jeanmaire, l’aide apportée à son père dès son jeune âge ; puis la découverte de la musique avec un groupe de sa ville, Rachid Mesbahi, Rachid Kellas, Mazouni… et Alger, un peu plus tard, accueille en son sein un amoureux de la chanson qui, de Radia à Rahla en passant par Ay Aheddad Nat Yenni, a subjugué un public, fort nombreux. Du reste, lors du débat, beaucoup ont avoué avoir écouté Samy à côté des grandes vedettes étrangères de l’époque. 
Abdelkrim Tazaroute, de son côté, connaissant son sujet sur le bout des doigts, a résumé le parcours de Djamel Allam, cet enfant du Vieux-Béjaïa, en revenant sur son apprentissage avec Sadek Abdjaoui, ses reprises des standards français de l’époque (Moustaki, Ferré…) dans un cabaret, à l’ouest d’Alger. Jusqu’au jour où M’hamed Issiakhem, lassé de l’entendre dire dans une langue autre, lui crie : «Chante dans ta langue… » Selon l’auteur, Abdelkrim Tazaroute, Djamel Allam a été interpellé au fond de lui-même. Cette nuit-là a été blanche pour l’auteur de Salimo. Il a été bousculé par l’intervention du peintre de génie, Issiakhem. C’est à partir de là qu’est née la chanson Ourtsrou qui, en fait, a donné le point de départ à la carrière brillante de Djamel. 
Pourquoi Denis Martinez ? C’est simple ! Il a été l’invité d’honneur du Salon des arts plastiques Djurdjura, tenu à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi. Je pense qu’un salon des arts plastiques a des normes, qui n’ont pas été totalement réunies lors de cette édition. Je pense que la Direction de la culture devrait aller plus loin, plus haut et être plus audacieuse. Un salon d’envergure départementale doit réunir la crème des peintres locaux. Enfin, revenons à Denis Martinez, l’invité d’honneur ! Son apport a été visible, dès l’ouverture. Ses œuvres reflètent le travail d’un professionnel, égal à lui-même, avec ses éclairs de génie, ses fulgurances, ses coups de pinceaux rageurs, la chaleur de ses couleurs et ses tourbillons de traits, de points, de signes et de figures, qui emmènent l’amateur dans un délire de lumière, de sens et d’interrogations salvateurs. Les tableaux de Denis Martinez remuent en nous, sans complaisance aucune, un certain nombre de réminiscences qui remontent d’un passé lointain. Un passé enfoui, oublié, archaïque, qui ne cesse pas de nous houspiller, de sorte à revenir à l’essentiel, l’authentique et la vérité première. Enfin, comme il ne cesse pas de le clamer, «Revenir vers nous-mêmes !» 
Pourquoi Denis Martinez ? C’est simple. Parce qu’il charrie derrière lui un cortège d’éléments vitaux qu’il extirpe d’une mémoire populaire assoupie, du fait d’objectifs domestiques immédiats. Il prend le passé par le collet et lui fait dire la vérité vraie. Sans concessions. Sans contre-vérités. Sans nuances. Et c’est là où intervient le fameux «point central» d’où vont et viennent les leçons de la vie. Le concentrique, dans la peinture de Denis Martinez, est obligatoire. Un passage aimé, en fait. Comme la tajemaât de nos villages. Tout va et tout vient de là. Décisions. Amitiés. Mariages. Règlements. Convivialités. C’est le destin de ce peintre, je crois, de revenir à l’Essentiel, pour ne pas dire l’Essence, de l’Etre social algérien. Sans fioriture. Sans oripeaux. Sans autorisations d’ailleurs. Tout bonnement, nous reconnaître dans la glace chaque matin ! L’avenir est à ce prix !
Y. M.
 
P. S.  : cette chronique est dédiée à Dominique Devigne et Hassan Metref. 

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