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Rubrique Tendances

Des destins improbables

Des hommes ont répondu présent le jour où il a fallu tout abandonner pour vaincre l’hydre coloniale. C’est déjà de l’histoire ! Mais l’Histoire ne doit pas être oublieuse ; elle doit porter la mémoire collective pour éduquer les générations futures. Car ces hommes, dont je parle, ont conjugué l’espoir à la dignité pour enfanter, un jour de juillet, bien après des sacrifices, la liberté ; cette liberté dont nous jouissons aujourd’hui ! Ceux qui sont tombés au champ d’honneur, durant cette longue nuit coloniale, ont mon respect et mon admiration incommensurables. Et le respect et l’admiration de l’Histoire des hommes libres ! Ceux qui sont rentrés, chez eux en 1962, ont connu par la suite des destins improbables. Et ce destin n’épargne personne ! Parmi ceux-là, Mouh Ou Ramdane Sadaoui, enfant des At Mendès, est parti sans faire de bruit ; lui qui a connu le bruit et la fureur de la Révolution algérienne. Membre actif de l’OS, Dda Mouh (comme nous l’appelions par respect) a su rester libre et révolté même après la libération. Saber, de son nom de guerre, chef d’un groupe de choc, a porté la guerre au cœur de la France coloniale ; intrépide, il l’était, disent les anciens. Volontaire. Engagé. Et rebelle. Malheureusement, là-bas (à Paris), il a connu la lutte fratricide contre les militants messalistes. Dda Mouh ne renie rien de son parcours ; j’ai eu à discuter avec lui. Malgré le handicap de sa maladie, il est resté droit dans ses convictions profondes ; il a su garder, malgré certains aléas, sa dignité, qui illuminait son regard quand il repartait vers ce passé glorieux. Il a entamé et fini la rédaction d’une partie de ses mémoires de guerre ; l’ouvrage est prêt pour l’édition. J’ai eu l’honneur de lire le premier jet ; Dda Mouh a gardé la justesse du combat dans ses propos. Malheureusement, il n’aura pas le loisir d’assister à sa mise sur le marché, puisqu’il y a quelques jours, il a rendu l’âme au Créateur. Dda Mouh repose, désormais, au cimetière de son village, At Mendès, là où ses pas, très tôt, ont tracé son destin de révolutionnaire. Paix à ton âme, Saber ! 
La vie est une catin insaisissable ; elle offre des possibilités de rencontre d’hommes que, personnellement, j’aurais aimé qu’elle soit éternelle. Ce n’est malheureusement pas le cas ! A l’ENA, où les illusions esquissaient pour nous un itinéraire glorieux ; beaucoup d’entre nous le pensaient, sûrement. Dans ces promotions qui se sont entrecroisées, il se fabriquait des amitiés. Et des inimitiés. Des amours ont fleuri, aussi. Où sont maintenant ces visages juvéniles, fleurant bon l’espérance d’un avenir radieux ? Belkacem est ambassadeur, quelque part en Afrique ; celui-là avait les «Contemplations» de Victor Hugo comme livre de chevet ; ça paraît paradoxal, mais c’est la vérité ; nous étions copains de chambre. Mourad n’a montré son don d’écriture qu’après avoir connu le destin improbable de l’opération «mains propres». Comme une empreinte digitale, cher ami ! Puis, je ne sais pas si Amar, qui n’a pas cessé de compter à la Cour des comptes, a rejoint la «Colline oubliée» de ses ancêtres ; il me tarde de le savoir. Car la mort a de ces caprices ! C’est ça, la mort est venue ravir NKH, cette encyclopédie vivante, plein de Sénac et de ses «Citoyens de beauté». Djelfa n’a pas été seulement une escale salutaire ; elle est la terre qui l’accueille désormais pour un sommeil éternel. Encore une fois, la vie est une catin innommable ! Djilio, le baroudeur, le militant, le patriote, l’idéaliste, n’a pas pu résister aux chocs du destin. Son cœur n’a pas tenu, me dit-on ! Mon pote de toujours a abandonné la lutte, qu’il savait perdue d’avance. Même à l’ENA, il avait le militantisme du progrès chevillé au corps ; il refusait le moule de l’uniformisation du commis de l’Etat ; il était libre dans sa tête et dans ses actions. La machine l’avait broyé, en ces temps-là. La machine bureaucratique n’a jamais voulu de cette jeunesse libre ; il fallait coûte que coûte garder le moule intact. Je n’ai pas eu le temps de lui dire adieu ; il me rassurait, au téléphone ; ce n’est qu’un rhume, me disait-il ; comme prévu, on se verra l’autre mardi, à Alger. Puis, Djilio – mon pote – est parti ! Je voudrais bien savoir, dans ces souvenirs en fusion, ce que deviennent Nacer, Saïd, Alloua, Ho, Mohamed, Mahrez… Aujourd’hui, ces destins improbables bousculent ma mémoire et, dans cette canicule juilletiste, je tente de dévider l’écheveau de mes souvenirs. Comme ça !
La dictature de la mémoire est tyrannique, qui me plonge dans un remue-ménage des méninges intolérable. Oui, j’ai été bidasse, moi aussi. Il y a de cela fort longtemps. J’ai connu Blida et les frimas de son hiver. Il soufflait de Chréa un vent glacial. L’ordre serré, quelle galère ! Le parcours du combattant demande des poumons d’athlète. Les séances de tir. La garde. La levée du drapeau. Et le fameux plat (cinq-cinq), un régal ! Mais au fait, que devient Slitane ? Et Bayou, l’homme de base ? Et Kamel, le Bônois, à la voix de velours ? Et Joe, le Sétifien ? Et Mohand-Salah, féru de la musique d’Aït Menguellet ? Et Blida, a-t-elle changé ? Y a-t-il enfin une rose qui a réussi à pousser dans cette ville des roses ? Là-bas, j’ai eu ma première boule à zéro. Et les injections dans le dos qui, la nuit, nous donnaient une fièvre de cheval ? N’empêche que nous rigolions à chaque instant. Boudefa, le Constantinois, champion de la belote, faisait tout pour ce faire. Puis, à Soukiès, il fallait porter le galon. Et faire comme si. Mais, il faut d’abord connaître Soukiès, la porte du désert. Au fait, que devient le Barrage vert, qui devait freiner l’avancée du désert algérien ? Et le vent de sable qui blessait le regard. Et l’immensité du reg. De la rocaille. Et de la solitude. Et ses scorpions qui nous faisaient la nique. Et des gerboises qui filaient comme le vent. Et ces bidasses qui, la nuit venue, pleuraient dans leur sommeil. Et ces jeunes qui, ne supportant pas la rigueur de Soukiès, s’offraient une désertion à l’algérienne. Et Abdi, de Jijel, chante-t-il toujours le chaâbi ? Et Laouira, le sage de Ferdjioua, a-t-il fait une carrière de magistrat ? Que devient Othmane, le rouquin de Blida ? Ah, pour mémoire, à Soukiès, on ne captait que la télévision tunisienne. Je sais que Sellami a fini directeur d’école à Fouka-Marine. Et Houari, l’Oranais ? Et Travolta, le coiffeur de la caserne ? Et Selmi, le zoologue, qui se trouvait dans son élément à Soukiès. Et Zembrek n’est pas plus hollandais que n’importe quel Algérien. Si j’ai un retour d’écoute, c’est bien. Sinon, j’ai, comme qui dirait, vidé une partie de ma mémoire, avant l’ultime épreuve.
Y. M.

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