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Rubrique Tendances

Digressions aoûtiennes(3)

C’est d’abord une maladie mystérieuse. Il faut relever qu’il n’y a que chez nous que les maladies mystérieuses apparaissent. Curieux, non ? Ailleurs, on cherche. On trouve. Ici, on tâtonne, en cherchant. Si on ne trouve pas, on se fait trouver. Puis, à force de chercher, on s’est dit qu’il s’agissait simplement d’une dysenterie aiguë (autant dire une diarrhée en cru). Oui, pourquoi pas ? Une maladie mystérieuse, disions-nous. L’est-elle vraiment la dysenterie ? C’est du domaine du possible. Puis, à force de chercher, une recherche forcée, on a trouvé. Euréka ! Ce n’est que du choléra ! Rien d’autre. Il n’y a rien de mystérieux dans cette maladie. Puis, nous ne sommes pas le seul pays à s’offrir quelques cas de choléra, une maladie que nous allons éradiquer d’ici quelques jours (parole de ministre de la Santé !) ; il suffit seulement que les malades se présentent rapidement aux hôpitaux (re-parole de ministre de la Santé !) Diantre, pourquoi râler plus que d’habitude ? Gardons notre calme d’Algériens résignés, fatalistes, «mektoubisés», cyniques et désabusés. Puis, si on meurt, ailleurs ne sera pas pire ! Avons-nous entendu les autres se plaindre ? Au Niger. Au Yémen. Au Tchad (re-re-parole de ministre de la Santé). Du tout ! On se plaint de tout : de la cherté de la vie, de l’état de nos routes, du manque d’eau potable, du niveau de nos universités, de tous les mandats, de nos députés (el-massakine), de nos walis et nos ministres et, maintenant, du choléra. Dès les premiers symptômes, il faut fissa se diriger vers l’hôpital le plus proche ; il ne faut surtout pas tenter une prise en charge à l’étranger. Walou ! Ce n’est pas pour nos pommes. Il faut juste se diriger vers le sbitar du coin, la prise en charge sera immédiate. Rapide. Et bénéfique. Le sbitar, c’est pour nous. Nous, les amateurs du vibrion ! Au fait, quid de la communication officielle ? De la veille sanitaire ! Et de la solidarité agissante !
J’ai ouï-dire que nous allons payer l’utilisation de l’autoroute. Ah, le fameux péage ! On ne cesse pas de payer, me dit l’autre. Mais, on n’a plus de sous, lui répond son compère. Comment as-tu fait pour t’offrir le mouton de l’Aïd ? rétorque l’autre. Ce n’est pas la même chose, répond le compère. C’est toujours une dépense, un problème de fric, insiste l’autre. L’Aïd, c’est l’Aïd… Le mouton, c’est… heu ! C’est quoi, ne cesse d’insister l’autre, un brin excédé. J’ai bouché les oreilles. Je ne pouvais plus entendre cet échange byzan…, échange algérien. L’Algérien qui se fait «moutonner», à longueur d’année. Alors, payons l’autoroute ! Chut, qu’on se taise ! L’autoroute est payante, voilà tout ! Alors, payons l’autoroute ! Au fait, de quelle autoroute parlons-nous ? Ah, Est-Ouest ! Ah, bon ! Oui, c’est une autoroute. Ailleurs, ce ne sont que des chemins communaux. Ailleurs, je veux dire au Yémen, au Tchad et au Niger. Avec tous le respect que j’ai pour tous les pays du monde ! Celui d’entre nous qui refuse de payer l’autoroute n’a qu’à emprunter des raccourcis. Voilà, c’est dit ! Personnellement, je paierai l’autoroute et dès les premiers symptômes du choléra, je ne prendrai pas le risque de demander une prise en charge dans un hôpital français, j’irai tout bonnement vers le sbitar de ma cambrousse. 
Ouf, je suis rassuré. Il ne s’agit en fait que d’une rumeur. Je peux quitter le territoire national, sans présentation d’un certificat médical. J’ai eu peur un moment. Je me vois face au «pafiste» exhibant mon passeport, mon visa, mon hébergement, ma tronche et mon certificat médical. Ben non, je n’ai pas le choléra. Je n’ai pas bu à la source de Sidi-el-Kébir. Ni l’eau de l’oued El-Harrach. Quoique ce oued sente bon depuis un moment. Je peux donc, en toute légalité, passer quelques jours chez vous, monsieur le pafiste. Je me suis même permis le luxe d’acheter de la devise au café du coin. Chère la devise ? Ça va. Comme j’ai pu m’offrir le mouton, je me suis offert des euros. Aussi, si j’ai bien compris, je ne risque pas de me faire rembarrer dans ces mythiques frontières. Ainsi, le dossier est clos ; n’en parlons plus ! Le sbitar est prêt à nous accueillir ; la France, aussi ! 
Je pensais que l’inquisition relevait du passé. Et que la concorde avait fait son œuvre. Il semble qu’il n’en est rien. L’intégrisme «intégrise» toujours. Et la pensée unique restera toujours inique. La morale a bon dos. L’Islam, aussi. Et dans la morale islamique, ces néo-musulmans arrivent à tout mettre. Je pensais naïvement que l’Algérie avait payé son tribut à tout ceci. Je le pensais sincèrement. Bien qu’au fond, j’aie toujours craint le pire. Le pire est là, comme un mal insidieux. Comme une maladie qu’on détecte au pire moment. Je pensais que la décennie noire est loin derrière nous. Loin derrière chaque Algérien ! Sauf que les «frères-vigilants» sont toujours là. Qui surveillent le moindre de nos propos. Le moindre pas. Le moindre clin d’œil. Le moindre geste. Comme s’ils étaient missionnés pour ce faire. Le billet d’Amin Zaoui était dans le sillage de ce que nous vivons actuellement. Pire encore, nous importons notre bédouinité. Comme nous importons notre savoir. Comme nous importons notre religion. Qu’on ne se voile pas la face ! Pourquoi donc chercher ailleurs notre bédouinité ? Qu’elle soit islamiste ou chrétienne, l’Algérie est mise entre parenthèses. Car nous voulons être ce que nous ne sommes pas. Ce que nous n’avons jamais été. Ce que nous ne serons jamais. Etre saoudien, allons donc. Etre français, allons donc. Aussi, Amin Zaoui a raison de s’insurger, comme il l’a fait dans son dernier billet. Car la «rurbanité» fait son sale boulot ! Le constat est fait, il faut désormais trouver le remède. Qui a peur de la propreté dans nos villes dans ce bled ? Qui a peur des esprits libres ? Qui a peur de la démocratie ? Qui a peur des intellectuels ? Qui a peur du vivre-ensemble ? Qui a peur du débat transgressif ? La concorde, allons donc !
Août ramasse ses frusques ; il s’apprête à faire un somme d’une année pleine. Il aura brûlé nos dos fouettés par la haine. Il aura réveillé une maladie archaïque. Mais il n’a jamais appris la leçon à la cigale de se la fermer, pour aller bosser un moment. Pour les mauvais jours. Comme une retraite, à la CNR.
Y. M.

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