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Rubrique Tendances

Journée ordinaire d’un confiné au temps du corona (4)

Voilà, je suis à la quatrième semaine de confinement. Je ne sais pas pour vous. Perso, je me refuse de sortir de ce confinement. Cette maladie est terrible ; les médecins en perdent leur savoir. Dès lors, je me confine. Je conjugue ce verbe à tous les temps, à tous les modes. ça me fait toujours une révision de conjugaison. A défaut de trouver un passe-temps, je refais les leçons du cours élémentaire. ça pourra toujours servir pour passer le Styx. Car j’ai l’impression que ce confinement n’est pas près de s’arrêter. On ne voit pas le bout du tunnel. On n’est pas sorti de l’auberge, me dit la petite voix. Je lui réponds, un brin bravache, qu’on n’est pas encore rentré dans cette foutue auberge. C’est bien peu dire «une foutue auberge». 
En ce temps-là, les frontières se fortifient, les espaces se distendent, les marges se fragilisent, les certitudes s’écartèlent et les rêves sont remis aux calendes algériennes. Au fond de moi, je le ressens comme un ciel qui refuse de dire, encore, sa colère. Dès lors, il faut réinventer la vie. L’espace commun. La gestuelle sociale. Les urbanités. Il faut réinventer l’intime et «l’extime». Comment de soi aller vers l’autre. Comment l’autre devrait réagir. Il faut réinventer l’école. Le savoir. Les connaissances. La recherche. Il faut réinventer les soins. Il faut faire table rase de cet avant- Covid-19. Car, il y aura en tout état de cause un avant et un après. L’humanité doit se réinventer. Les relations internationales ne seront plus jamais les mêmes. L’homme a appelé de ses vœux la globalisation, il y est dedans jusqu’au cou. Jusqu’au corona. La Chine a toussé, le reste du monde s’est trouvé grippé. Plus que cela, je dirais. Dans ce nouveau monde qu’il faudra accepter, de gré ou de force. A moins d’appeler à la fin de l’humanité. L’homme n’a de cesse de prouver ses biscotos. Après la Seconde Guerre mondiale et ses millions de morts, l’ONU — invention des puissants — se dore la pilule à coups de veto américains et autres. C’est toujours la raison du plus fort qui prime. Hitler se sentait invincible, il a «quiné» le monde  de 39 à 45. Les alliés se sont dits : «Plus jamais ça !» Je t’en foutrais des «plus jamais ça». Rien ne bouge sans les Américains. Et depuis quelques années, sans les Chinois. Dès lors, la démocratie doit être mondiale. A moins de démocratiser les possibilités des puissants, il faudra penser à sacrifier les tiers Etats, et ce qui vient après. Imaginons un monde où il ne restera que les puissants du moment ! Qui sont-ils, ces puissants ? Ceux dont l’économie est incroyable. Ou ceux qui disposent de la bombe atomique. Alors, messieurs les «immenses», appuyez sur le bouton fatidique, et on en aura fini avec ce virus.
Je ne délire pas, les amis, c’est ce qui se dessine dans mon crâne confiné. Je pense à beaucoup de choses dans cette solitude «esseulée». Beaucoup de choses se bousculent dans ma tête, à croire que je ne suis pas seul dans ma caboche. On est nombreux, désormais. Je ne sais pas ce que penserait mon ami le toubib. ça se bouscule dans ma tête. Je n’ose pas dire que j’entends des voix ; ça a une signification en psychiatrie. Je ne suis pas encore fou. Je ne suis pas Jeanne d’Arc, non plus. Et il n’y a rien de messianique dans cet affect. Comme tout le monde, je m’occupe comme je peux dans ces moments terribles de souffrance. Il m’arrive même de parler, à haute voix, tout seul, dans mon coin. 
D’ailleurs, mon canapé en voit de toutes les couleurs. Il n’y a pas un coin de ce truc domestique où je n’ai pas posé mon popotin. Je vais à gauche. A droite. Au centre. Je m’y asseois. Je m’y allonge. Je gamberge le matin. L’après-midi, je me détends avec un documentaire. Je suis devenu spécialiste des vieilles bagnoles. Des fonds marins. De l’espace. Tiens, parlons d’espace ! Qui sont ces hommes, qui,  avoir après asphyxié la Terre, tentent de coloniser Mars ou la Lune ? Mais on est bien sur Terre, messieurs. Qu’allez-vous cherché dans le cosmos ? Créer un nouveau monde ? Une nouvelle humanité ? Vous êtes fous, ma parole ! 
Durant ce confinement, j’ai revu tous les vieux films français. Heureusement que la parabole n’a pas été contaminée par le Covid-19. J’ai revu tous les films de Louis de Funès. La saga des gendarmes. Rabbi Jacob. Je ne loupe aucun documentaire. Ah ! ces voitures en ferraille qui se transforme, par des mains d’artiste, en œuvre d’art. Des R4. Des 404. Des Land Rover. Des Triumph, etc. Je me délecte. Et j’oublie, le temps d’une transformation de ferraille, le confinement. Le Covid-19. La solitude. La peur de la contamination. Les amis au loin. La vie sociale au ralenti. Et j’oublie la mort ! Tiens, en ce moment, sur le petit écran, le Gendarme se marie dans un burlesque totalement français. Ah ! la frimousse de Louis de Funès. 
Pour ne pas être branché uniquement au petit écran, je me laisse guider par mon instinct de vieux lecteur. Je choisis une demi-douzaine de recueils de poésie. Et je me mets à traîner de vers en vers, jusqu’à l’ivresse. La poésie est nécessaire en ces temps de confinement. J’imagine la solitude et la souffrance de ces poètes qui, stoïquement, taillent au burin des poèmes sur les rochers de l’inspiration. J’essaie de faire comme eux. Pour être au diapason, je vous propose quelques morceaux des uns et des autres : «Boire/Intensément/La sève/Du temps/Intérieur/Qui bat le cœur/Jusqu’au liminaire/Intime» (Yaminé Ghebalou). Ou : «Et qui suis-je moi/Qui talonne aujourd’hui/Sur d’autres pavés/Les voix qui me parviennent/Singulières me distinguent vaguement/La foule me perd/Me disperse et m’observe» (Saleha Imekraz). Ou : «Las de ma paisible attente/Las de vous chanter qu’au-delà de ce chemin/Il y a une vie et qu’au-delà de cette vie/Il y a la nocturne volonté de rester en vie» (El-Mahdi Acherchour). Ou : «Et puis les rues/Et puis les parcs/Et puis ta chambre/Et puis ta tête/Je n’ai pas peur du vide/La brèche est un instant lointain/Un soleil qui renaît/Dans la surface fraîche/ D’un matin d’hiver silencieux/Où je veux penser au rien qui ouvre/Où je veux penser à l’espace qui reste/Tout est possible» (Samira Negrouche).
Et de Paris, l’auteur de La parésie, Hamid Tibouchi, m’envoie ce poème de circonstance : «Si tu te crois confiné mais en vérité tu es en vadrouille au Sahara/Si l’erg issaouane tu croises/un coronavirus ébouriffé/En train de bronzer sur une belle/Rose des sables/Ou à l’intérieur de la coque vide d’un crâne de chameau/Surtout ne le dérange pas/Passe ton chemin/Fuie-le/Comme d’autres avant toi/En d’autres temps ont fui la peste ou le choléra.» 
Y. M.

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