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Rubrique Tendances

Journée ordinaire d’un confiné au temps du corona (6)

Voilà, les amis, je suis à ma sixième semaine de confinement. Sérieusement, je commence à m’habituer. A ce qu’on dit, l’être humain s’habitue à tout. Sauf que ce n’est pas dans les règles humaines de rester cloîtré des semaines durant. A moins d’être un ermite ! Oui, on s’habitue à tout ; c’est tout. Avec sidna Ramadhan, le jour, je suis amorphe. Je ne bouge pratiquement pas. Je vois d’ici certains sourcils bigots faire l’accent circonflexe. Oui, c’est comme ça, je ne lève pas le petit doigt. Ni le gros orteil. Il faut dire que je n’ai pas le choix. Je suis confiné dans le confinement. Je ne suis vraiment pas tenté de quitter l’abri du toit familial. Je me sens en sécurité. Je n’ai pas à mettre le masque contre le Covid-19. Je respire à plein nez. Puis, je ne pense pas que mes oliviers soient contaminés par ce virus à la dégaine traîtresse. 
Aujourd’hui, j’ai été obligé de quitter le nid familial, contrôle médical oblige. Je prends mon tacot, direction la poste pour retirer un peu de sous. Dans les rues, les bagnoles circulent normalement. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait moins de trafic. Pas autant, je crois. C’est juste une impression. En mon for intérieur, je ne croyais pas qu’il y aurait autant de tires. Les gens circulent, également. Ils sont nonchalants, comme d’habitude. A croire qu’il n’y a rien de changé. Avec mon masque, je me sentais différent. Ils ne sont pas nombreux à utiliser ce moyen de protection. Les gens ont les narines et les babines totalement libres. C’est la migration pendulaire entre le domicile et l’extérieur. Les gens ne donnent pas l’impression qu’une terrible épidémie fait son sale boulot. L’Algérien est-il philosophe ? Fataliste ? Suicidaire ? Il ne donne pas l’air d’être conscient de l’enjeu. Ça se croise. Ça se double. Ça se recroise. Ça discute. Sans protection aucune. 
A la poste de la Nouvelle-Ville, qui n’a de nouvelle que le nom, un policier — à cheval sur la discipline — organise la queue. La distance est respectée. Par là, les hommes. Par là-bas, les femmes. Deux en un ! J’ai quand même vu quelques séquences qui en disent sur la psychologie de l’Algérien. Celui-ci n’aime pas faire la chaîne. Il faut qu’il voit ce qu’il se passe à l’intérieur du bureau de poste, sans perdre une miette de la rue. Quant à lui faire respecter les quelques centimètres de distanciation, c’est une autre paire de manches. Surtout que personne n’est «masqué». A un moment donné, un usager demande à son suivant de respecter la distance ; l’autre obtempère, en bougonnant. Je l’ai entendu dire : «Nous sommes un peuple mort et nous avons peur de la mort !» Je n’en croyais pas mes oreilles. Le monsieur, tout vivant qu’il est, vient chercher ses sous pour croûter, parce qu’encore une fois, il est vivant et «plus solide que l’ennui», se permet de dire que tout le monde est mort, bel et bien mort. Que dire ? Rien, justement. J’aurais aimé pouvoir lui dire que s’il voulait mourir, il n’a qu’à mourir seul. Mais j’avais peur de prendre une tannée. Il y a de la nitroglycérine qui coule dans les veines de l’Algérien. Alors, je me suis tu. «Laisse béton», me suis-je dit.
Tiens, revoilà le policier qui replace un citoyen. Ce dernier ne l’entend pas de cette oreille. «Je n’ai aucune raison de me mettre à cette place. Sauf si vous me certifiez que cette place a été désinfectée. Monsieur l’agent, pouvez-vous me garantir que ce monsieur n’est pas infecté par le fameux virus ?» Le policier s’est mis à se gratter la tête, lui qui voulait bien faire son job. C’est comme ça, l’endroit n’a pas été désinfecté, comme s’il s’agissait d’un bloc opératoire, aussi l’Algérien a fait sa propre police. Au fait, celui-ci n’était pas protégé ; il n’avait pas de bavette. Je suis à peu près sûr qu’il n’avait pas dans sa poche le fameux gel. J’en mets ma main à couper. 
A la fin, j’ai pris mes sous, repris ma bagnole et me suis taillé dare-dare, sans demander mon reste. 
En voiture, j’ai fait tout de même le tour de quelques rues commerçantes. Waouh ! les pâtisseries et autres halaouyate, là, franchement, il y a de quoi voir. Les adeptes du sucre sont collés les uns aux autres. Sérieux, ils le sont vraiment. Il y a une impression de queue, sans plus. Juste pour casser cette envie irrépressible de forcer le destin du diabète ! Puis, je me suis promis d’aller voir du côté du «Tounsi». Yakhi, les commerces ont été autorisés à rouvrir. Vous constatez que, là-dessus, je ne fais aucun commentaire. On confine tout en «déconfinant» !
C’est de la responsabilité des gouvernants. Chez le «Tounsi» donc, on fait la chaîne pour se payer de la zlabia, du maqroute et autres sucreries. Sérieux, j’ai eu la chair de poule. De la zlabia, sous forme de treillis soudé, d’où coule un liquide censé être du miel. Qui peut me dire ce que c’est ? Là, également, je n’ai pas demandé mon reste, je suis vite reparti me confiner. Je préfère la compagnie des quatre murs de ma chambre, et sa nudité. 
C’est là où je ne trouve plus rien à dire. On a beau se préparer à ce presque journal d’un confiné, il n’en demeure pas moins que, parfois, les doigts se font gourds. Et n’arrivent pas à «taper» une phrase cohérente. Je voudrais dire, néanmoins, que ce confinement m’a fait plonger plus que jamais dans les livres. Oui, j’ai découvert et redécouvert des écrivains qui font de mon émerveillement un plaisir de tous les instants. D’abord, j’ai découvert Hanane Bourai et son écriture qui oppose, dans le monde de la femme, deux tracés de vie totalement à l’opposé l’un de l’autre. Deux mondes s’opposent : le traditionnel et ledit moderne. D’une écriture aérienne, Hanane dresse deux portraits, deux destins, voire deux choix, aux prises avec une réalité impitoyable. Puis, il y a Lynda Chouiten qui questionne la folie, une folie douce, dirai-je, pour portraiturer la «rébellion» d’une femme qui, vaille que vaille, se prend en charge, malgré la solitude, l’adversité et ses nerfs qui lâchent jusqu’à pratiquement le suicide. Ces deux plumes tiennent le plan de marche comme il se doit. Je suis sûr qu’on entendra parler d’elles d’ici quelques années. Ce sont deux auteures de qualité. Enfin, j’ai redécouvert Kamel Bencheikh, un poète des années soixante-dix, qui a porté — à côté de Chakib Hamada, Tahar Djaout, Hamid Tibouchi, Hamid Nacer Khodja, etc. — le verbe très haut la poésie. Prélude à l’espoir est son unique recueil, malheureusement. Cette fois-ci, il s’est mis au roman. Et l’essai est plus que concluant. Kamel nous retrempe dans ces moments terribles de la soldatesque française. Je le connaissais poète, je le retrouve écrivain de talent.  Il y a d’autres noms pour d’autres jouissances livresques, on essayera d’en parler dans la prochaine chronique. En attendant, sortez masqués le Covid-19 peut se nicher n’importe où. La preuve, le confinement est prolongé au 14 mai. 
Y. M.

 

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