Corruptions : RATIFICATION ET MISE EN �UVRE DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES CONTRE LA CORRUPTION DANS LES PAYS ARABES
Une question de d�mocratie et de volont� politique avant tout


Les Nations unies mettent les bouch�es doubles pour faire avancer le processus de ratification de la Convention internationale contre la corruption. Elle organise depuis quelques mois des conf�rences r�gionales o� se r�unissent les repr�sentants des gouvernements, les responsables de l�UNODC (Office des Nations unies contre les drogues et le crime, dont le si�ge est � Vienne) et des experts, afin de faire le point sur la ratification de la convention et le processus qui doit suivre la ratification (pour les pays qui l�ont d�j� ratifi�). C�est ainsi que du 19 au 21 d�cembre 2005 a eu lieu la conf�rence r�gionale pour les pays arabes.

De notre envoy� sp�cial au Caire Djilali Hadjadj

Ce s�minaire r�gional des pays arabes intitul� �de haut niveau� n�a pas tenu ses promesses en mati�re de repr�sentation des gouvernements : un haut fonctionnaire de minist�re, le plus souvent celui de la justice, pas toujours au fait de l�objet de la r�union, pas pr�par� ou non mandat� pour s�exprimer sur des sujets pr�cis ou n�cessitant une expertise, et souvent sans aucune motivation vis-�-vis de la convention contre la corruption. Il y a m�me des pays arabes qui �taient carr�ment absents. Pour rappel, la Convention des Nations unies contre la corruption a �t� adopt�e en octobre 2003, le processus de signature puis de ratification a commenc� en d�cembre 2003, et � la date du 15 d�cembre 2005 seuls 38 pays l�avaient ratifi�, (sur plus de 140 � l�avoir sign�e), dont pour les pays arabes, l�Alg�rie, l�Egypte, la Jordanie et la Libye, auxquels il faudrait ajouter Djibouti. C�est l�UNODC de Vienne qui a organis� cette conf�rence avec l�aide de son antenne r�gionale du Caire, conf�rence pilot�e par Dimitri Vlassis, chef du bureau des trait�s et des conventions, et l�implication du minist�re de la Justice �gyptien, repr�sent� d�ailleurs par une tr�s forte d�l�gation. Cette rencontre s�est tenue juste apr�s l�entr�e en vigueur, le 14 d�cembre 2005, de la dite Convention des Nations unies (il fallait pour cela qu�il y ait au moins 30 pays qui la ratifient ). Dans son discours d�inauguration, M. Vlassis a rappel� les objectifs de la conf�rence : faire le point sur la ratification et la mise en �uvre de la Convention des Nations unies contre la corruption et �laborer des recommandations. Il a tenu � pr�ciser qu�il ne suffit pas de ratifier la convention mais il faut la mettre en application. Il a donn� le calendrier international des Nations unies propre � la convention : la fin janvier 2006 � Vienne se tiendra la derni�re r�union de la commission intergouvernementale qui a �labor� la convention, et avant le 14 d�cembre 2006, aura lieu la 1re session de la �Conf�rence des Etats-parties� de la convention, conf�rence qui r�unira uniquement les pays qui ont ratifi� la convention et qui est une sorte d�organe de suivi de la mise en application de la convention. Cette importante r�union aura lieu certainement en Jordanie, � la demande de ce pays.

La grande corruption s�vit dans les institutions gouvernementales et dans celles du pouvoir

M. Vlassis a fait �tat des principales questions et pr�occupations qui devront �tre prises en charge : il faut que l�on ait une image exacte de l��tat des lieux de la corruption dans chaque pays et des mesures prises contre la corruption. A ses yeux, seule l�ONG Transparency International a donn� une perception de la corruption dans chaque pays. Deuxi�me question pos�e par le repr�sentant de l�UNODC : est-ce que cette voie � ratification, mise en application de la convention et loi contre la corruption � est partag�e par tous ? Selon lui, un des th�mes de la prochaine �Conf�rence des Etats-parties� � cadre d��change d�informations et d�exp�riences �, sera la pr�vention de la corruption. Troisi�me pr�occupation : il est temps de pr�parer la �Conf�rence des Etats-parties� et la mise en application de la convention, en assurant le suivi et le contr�le de cette mise en application. M. Vlassis consid�re � ce propos que �nous avons d�j� une exp�rience�, tout en demandant �quels sont les nouveaux instruments � mettre en place par la conf�rence des Etats-parties ? Enfin, quatri�me et derni�re question abord�e par le repr�sentant de l�UNODC : �Comment conserver l�enthousiasme qui a pr�valu autour de la Convention des Nations unies contre la corruption, comment la rendre effective et doper l�expertise ?� Avant l�ouverture des d�bats, M. Vlassis �souhaite qu�il y ait une discussion franche, libre et non officielle� : v�u pieux car il ne sera pas entendu. Hormis les membres de la d�l�gation �gyptienne et le repr�sentant du gouvernement libanais qui ont, � eux seuls, aliment�s l�essentiel des interventions, tous les autres participants se contenteront dans le meilleur des cas de dresser l�inventaire l�gislatif de lutte contre la corruption pr�valant dans leur pays ou d��voquer les projets de loi et de r�glementation en pr�paration. Le procureur g�n�ral libanais fera tout au long des trois jours de la rencontre une s�rie de r�flexions, de commentaires et de propositions, remarqu�e et remarquable. Selon lui, la Convention des Nations unies n��voque que l�agent public : et la classe politique ? Et les dirigeants ? A ses yeux, la grande corruption s�vit dans les institutions gouvernementales et dans celles du pouvoir, qui, pour lui, sont deux niveaux diff�rents. Il consid�re que l��tape la plus importante est le suivi et le contr�le de l�application de la Convention des Nations unies. Les notions de dur�e d�application de la convention et la prescription n�cessiteront des clarifications, selon le repr�sentant du gouvernement libanais, ainsi que les contradictions possibles entre certaines dispositions de la convention et les Constitutions nationales. Il estime que les affaires de corruption n�cessitent des exp�riences sp�cifiques et des comp�tences particuli�res. Il ajoutera qu�il est tr�s difficile, pour les magistrats notamment, de s�attaquer aux grandes affaires de corruption surtout quand elles impliquent des personnalit�s politiques, des hauts responsables de l�Etat ou de diff�rents centres de d�cision au niveau du pouvoir en place.

L'implication de la justice et des magistrats est essentielle

Il a �voqu� le principe d�une justice dite de �r�conciliation� qui serait une sorte d�amnistie ou une n�gociation judiciaire, avant les poursuites judiciaires, contre un all�gement de peine pour les corrompus et les corrupteurs qui reconna�traient leurs m�faits tout en collaborant avec la justice, notamment pour r�cup�rer les fonds � l��tranger issus de la fuite des capitaux, avec le soutien de l�opinion publique, de la soci�t� civile et des m�dias, ce qui, selon lui, pourrait faciliter les d�marches des autorit�s charg�es d�enqu�ter et les poursuites judiciaires : la justice, dira-t-il, ne peut pas combattre et faire front contre tous les grands corrompus et les grands r�seaux de la corruption. La repr�sentante du Pnud a �voqu� les grandes lignes du programme de �bonne gouvernance� de son organisme, reposant principalement sur la coop�ration judiciaire et la formation des magistrats. Elle a fait �tat de trois projets du Pnud : la cr�ation d�un centre de recherches sur la science du crime dont la corruption, qui ferait notamment des �tudes de terrain sur la corruption, ses diff�rentes formes et ses m�canismes. La mise en place d�un site Internet d�informations, d�initiation et de formation est pr�vue, et enfin, la cr�ation d�une biblioth�que virtuelle (�lectronique) qui faciliterait les �changes entre les diff�rents secteurs de la justice de la r�gion Maghreb et Moyen-Orient. Plusieurs expos�s ont �t� pr�sent�s par des responsables de l�UNODC et des experts internationaux, lors de cette conf�rence r�gionale : la convention et la chronologie des n�gociations ; la criminalisation ; la coop�ration internationale, au plan judiciaire notamment ; le recouvrement des fonds ; et la pr�vention dans la lutte contre la corruption. L�ONG Transparency International a �t� invit�e � participer � cette rencontre o� elle �tait repr�sent�e par l�Association alg�rienne de lutte contre la corruption qui a ax� son intervention sur la compl�mentarit� des quatre conventions suivantes : celles des Nations unies et de l�Union africaine � adopt�es toutes les deux en 2003 � ; celle de l�OCDE de 1997 p�nalisant la corruption de fonctionnaires �trangers dans les transactions commerciales internationales ; et enfin la quatri�me, et dont on parle tr�s peu, celle des Nations unies de 2000 contre le crime transnational organis�, dont le blanchiment d�argent.

La "conf�rence des Etats-parties", une �tape cruciale

Avant la s�ance de cl�ture r�serv�e aux recommandations, M. Vlassis de l�UNODC a pr�sent� les mesures n�cessaires � la ratification et � l�application de la convention pour la p�riode 2006-2008, ces mesures s�int�grant dans un programme global contre la corruption compl�t� par les assistances techniques aux pays qui le souhaitent et qui ont besoin d�expertise et de soutien. Ces mesures pourraient faire partie de l�ordre du jour de la �Conf�rence des Etats-parties� dont la 1re session aura lieu cette ann�e. La premi�re consisterait � mesurer la corruption et les capacit�s � lutter contre la corruption, avec une mention particuli�re pour la corruption dans le secteur de la justice.

La seconde mesure a trait � l�identification des institutions en charge de la lutte contre la corruption et � leur renforcement. La troisi�me est relative au soutien des politiques, des mesures et des plans d�action contre la corruption ; et enfin, la quatri�me et derni�re mesure, la plus importante, concerne le soutien et le renforcement de l�expertise et des capacit�s pour rendre effectifs les plans d�action contre la corruption, notamment dans le secteur de la justice, et l��laboration de plan d�action pour l�application de la Convention des Nations unies. Dans la r�gion du Maghreb et du Moyen-Orient, la justice est un des secteurs les plus gangren�s par la corruption. Or, ce secteur doit �tre � l�avantgarde de la lutte contre la corruption et de l�application de la Convention des Nations unies. Il faut donc commencer par lib�rer la justice de cette gangr�ne, de ses tuteurs et tutelles, lui donner l�expertise et la comp�tence n�cessaires afin qu�elle puisse jouer son r�le dans la lutte contre la corruption : mission impossible dans l��tat actuel des choses.
Djilali Hadjadj

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