Corruptions : LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION N'EST PAS UNE AFFAIRE DE DISCOURS
Etat de droit, garde-fous et contre-pouvoirs


La lutte contre la corruption doit obligatoirement s'inscrire dans le cadre de programmes de r�formes � mettre en place pour assurer des prestations de qualit� par des services publics � la fois efficaces et efficients et qui apportent leur contribution au d�veloppement durable, pour garantir le fonctionnement du gouvernement selon le principe de l'Etat de droit, lequel prot�ge les citoyens de l'arbitraire et pour asseoir des strat�gies qui permettent d'am�liorer la qualit� de vie de l'ensemble de la population, pas seulement celle de quelques �lites.
Mais comment lutter contre la corruption ? Le plus souvent, il est difficile de trouver un point de d�part pour mettre en place des programmes de r�formes efficaces et durables. La lutte contre la corruption est souvent au c�ur des promesses �lectorales, mais dans certains cas, il ne s�agit que d�un discours d�magogique sans r�elle intention de s�attaquer au probl�me. Dans d�autres, les dirigeants mettent en place des r�formes qu�ils ne s�appliquent pas � eux-m�mes. Il arrive aussi que les dirigeants nouvellement �lus aient des intentions sinc�res, mais soient rapidement d�bord�s par l�ampleur de la t�che. Certains gouvernements sont parfois discr�dit�s, voire renvers�s pour leur inaptitude � combattre efficacement la corruption, malgr� le capital de confiance dont ils ont b�n�fici� � leur accession au pouvoir. Une analyse des initiatives pass�es permet d�identifier un certain nombre de raisons qui expliquent l��chec des tentatives de r�formes. Des r�sistances sont tr�s souvent rencontr�es par le pouvoir ex�cutif et �manent aussi de ce pouvoir. Un pr�sident nouvellement �lu peut r�ellement avoir l�intention de s�attaquer au probl�me, mais ses efforts sont parfois entrav�s par l�environnement corrompu dont il h�rite. L�absence de volont� politique omnipr�sente au sommet de l�Etat est l�obstacle majeur dans la lutte contre la corruption. Les fonctionnaires et personnalit�s politiques qui souhaitent sinc�rement entreprendre des r�formes peuvent voir leurs initiatives bloqu�es par les r�sistances au changement et l�absence d�engagement sinc�re observ�s au sommet. Quand des r�formes ont uniquement cibl� les �chelons inf�rieurs du pouvoir politique et administratif, l��chec est quasi certain. Une loi qui ne cible que les niveaux subalternes � parce que la hi�rarchie serait per�ue comme n�ayant pas besoin de r�forme ou parce qu�elle est effectivement hostile au changement � est per�ue comme in�quitable et injuste. Une telle r�forme cesse in�luctablement d��tre appliqu�e. Des promesses ambitieuses mais irr�alisables tendent � cr�er, au niveau du public, des attentes qui seront n�cessairement d��ues. Ceux qui font des promesses qu�ils ne peuvent pas tenir finiront par �tre per�us comme d�magogues et perdront rapidement la confiance de ceux qui les soutiennent. Des r�formes sont con�ues sans objectifs sp�cifiques et r�alisables, et ne sont donc pas en mesure d�op�rer d�authentiques changements. Ou des r�formes sont mises en place de mani�re fragmentaire et non coordonn�e et parfois m�me la prise simultan�e de mesures contradictoires. Des r�formes ont aussi trop mis� sur les lois et leur application, et donc n�ont pas donn� de r�sultats probants. Le seul usage de la loi est d�une efficacit� limit�e et en tout cas incertaine en mati�re de changement de comportements sociaux g�n�ralis�s. Le recours excessif � la loi peut engendrer des abus de pouvoir, le recours immod�r� � la r�pression et l��mergence de nouvelles opportunit�s de corruption. D�ailleurs, lorsque la justice ne fonctionne pas, c�est plus souvent d� aux d�faillances du syst�me judiciaire (retards, corruption et incertitudes) qu�au contenu des lois elles-m�mes.
Non-application des dispositions institutionnelles
 Il est n�cessaire de mettre en place des m�canismes institutionnels pour permettre aux r�formes de survivre � leurs initiateurs. Il faut aussi relever la pr�sence d�int�r�ts particuliers auxquels toute r�forme se trouve confront�e. Ceux qui b�n�ficient de la corruption pour alimenter leurs revenus craindront de perdre leurs acquis et sont susceptibles de r�sister au changement, en ayant parfois recours � la violence. Ainsi, de nombreux observateurs consid�rent que l�un des obstacles � l�adoption de lois contre la corruption dans certains pays tient aux r�sistances des l�gislateurs eux-m�mes dont les int�r�ts se trouveraient menac�s par les projets de r�formes. Les dangers potentiels encourus par les promoteurs de r�formes existent. Les risques auxquels ces derniers s�exposent sont r�els. Les changements n�cessaires � la mise en place d�un syst�me d�int�grit� efficace requi�rent, de la part des responsables, � la fois du courage et un grand talent politique. De nos jours, il est g�n�ralement reconnu qu�un gouvernement moderne a l�obligation de rendre des comptes et doit �tre transparent. Sans cela, aucun syst�me ne peut fonctionner de mani�re � promouvoir l�int�r�t g�n�ral plut�t que les int�r�ts particuliers de ceux qui ont le pouvoir. Alors qu�un peu partout dans le monde, la vague moderne de d�mocratisation a suscit� beaucoup d�espoir, en Alg�rie, les gains d�mocratiques sont menac�s et min�s par certains des ph�nom�nes contre lesquels la d�mocratie �tait cens�e prot�ger les citoyens : la corruption, l�abus de pouvoir, le n�potisme, etc. Le simple passage d�un r�gime despotique � un autre r�gime qui donne p�riodiquement la voix au peuple ne garantit pas l��dification de la d�mocratie et le respect des r�gles de la bonne gouvernance. Pour les pays en voie de d�veloppement et en transition, qu�il s�agisse au d�part de r�gimes clairement autoritaires (domination d�un tyran, d�un chef d�Etat � parti unique ou d�une �lite autocratique ayant un type de gestion essentiellement directif) ou m�me de r�gimes plus d�mocratiques, un des changements souhaitables consisterait � passer � un syst�me bas� sur une d�mocratie repr�sentative cr�dible et avec l��mergence d�une d�mocratie participative o� la soci�t� s�implique davantage.
Red�finition des rapports entre le citoyen et l'Etat

C�est tout un syst�me de contre-pouvoirs et de garde-fous qu�il s�agit de mettre en place pour s�assurer que les organismes et les institutions publiques rendront des comptes et garantir le respect des principes fondamentaux contenus dans la loi ou dans la Constitution. Ces organes sont par principe ind�pendants du pouvoir politique. On peut citer, sans �tre exhaustif : les tribunaux, les Assembl�es l�gislatives, ainsi que des m�dias libres et ind�pendants et les associations de citoyens. Ce syst�me doit assurer la s�paration des pouvoirs. Il se cr�e un cercle vertueux o� les diff�rents intervenants sont responsables les uns envers les autres et o� aucun dirigeant ni aucune institution n�est plus en position de dominer le reste du syst�me. Des liens entre les diverses parties d�un syst�me d�int�grit� se tissent et se consolident. Le cercle se referme par la sanction des �lections qui obligent � rendre des comptes au peuple. Dans un tel contexte, l�obligation ultime de rendre des comptes au citoyen demeure la cl� de vo�te du syst�me d�int�grit� � mettre en place. Les associations doivent �tre habilit�es � jouer pleinement leur r�le consistant � interpeller les pouvoirs publics et il est souhaitable qu�elles en aient la capacit�. Cela suppose une red�finition des rapports entre le citoyen et l�Etat, entre gouvern�s et gouvernants. Les m�canismes qui accompagnent l�obligation de rendre des comptes, lorsqu�ils sont con�us comme faisant partie d�un effort national pour r�duire la corruption, participent des syst�mes d�int�grit�. De tels syst�mes d��quilibre et de contr�le mutuels des diff�rents pouvoirs et organismes �tatiques doivent g�rer les conflits d�int�r�ts au sein du secteur public et assurer une fragmentation effective des pouvoirs. Cela permet de limiter les effets n�gatifs �ventuels de tels conflits sur le bien commun et n�cessite � la fois pr�vention et sanction. Ces syst�mes r�sultent d�une vision d�ensemble de la r�forme qui s�attaque � la corruption dans le secteur public � travers des proc�dures �tatiques et des r�formes au sein de la soci�t�. Une corruption end�mique signe la faillite du syst�me de gouvernement en place, qui ne pr�serve plus les int�r�ts de la grande majorit�. Aussi convient-il de mettre en avant la r�forme des syst�mes, plut�t que le traitement des cas isol�s. Une telle strat�gie doit s�inscrire dans une d�marche holistique, c'est-�-dire dans sa totalit�. Tout en l�inscrivant dans une vision globale, cette strat�gie exige la d�finition de priorit�s quant aux domaines d�intervention. Une action qui embrasse trop de secteurs simultan�ment risque d��tre rapidement vou�e � l��chec.
Djilali Hadjadj

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