Actualit�s : CIMETI�RE D�EL-ALIA
Ces vivants qui �bousculent� 250 000 morts


Cimeti�re d�El-Alia. Lieux de la plus grande concentration de morts du pays. Musulmans et chr�tiens y sont enterr�s. Des historiques, des personnalit�s ou de simples citoyens partagent la m�me terre. Des tombes chinoises ont fait leur apparition en 2000. Alors que, 70 ans auparavant, les premiers �trangers y sont d�j� enterr�s. Le carr� anglais. Des Australiens, des Canadiens, des Anglais, des Am�ricains et m�me des Pakistanais y reposent. Des soldats du contingent des alli�s �tomb�s au champ d�honneur�, apr�s de rudes combats qui les ont oppos�s � l�arm�e nazie sur le sol alg�rien. A El- Alia, il n� y a pas seulement que des morts. Des vivants y habitent �galement.

Reportage r�alis� par Abder Bettache

Mardi 2 juin. Il est 9 h 30 min. Le calme est total dans ce cimeti�re de 78 hectares. Sous un soleil de plomb, une dizaine d�ouvriers appartenant � l�Etablissement de gestion des pompes fun�bres EGPFC) de la wilaya d�Alger entament, depuis la veille, une op�ration de d�sherbage. Premi�re �tape : le carr� n�1 r�serv� aux chr�tiens. L�op�ration va certainement durer plusieurs jours. L�herbe est � la fois tr�s fournie et dense rendant certaines tombes invisibles. �Il faut qu�on fasse vite avant les grandes chaleurs de l��t�. Il nous reste beaucoup de travail � faire�, nous explique le chef de groupe. Le carr� n�2 sera la seconde �tape des ouvriers de l�EGPFC. C�est � ce niveau que sont recens�s les premi�res tombes chr�tiennes d�El- Alia. Le carr� date des ann�es 1950. On y trouve les noms de familles connues sur la place d�Alger. Les tombes familiales des Dupont, des Toldini ou des Perol sont vite identifi�es. Les premi�res tombes musulmanes sont situ�es, quant � elles, � l�entr�e sud du cimeti�re. Elles datent de la fin des ann�es 1950, d�but des ann�es 1960. Avant cette �poque, les �Alg�rois� enterraient leurs morts � El-Kettar, dans les cimeti�res dits �arabes�. �Il a fallu qu�El- Alia fasse don de son immense lot de terrain, pour que les �autochtones � enterrent leurs morts dans ce qui est appel� aujourd�hui le cimeti�re d�El-Alia. Cette dame a lutt� � sa mani�re pour l�ind�pendance de notre pays�, t�moigne Mustapha, la quarantaine pass�e, ayant v�cu les trois quarts de sa vie au niveau de ce cimeti�re.
Des vivants �bousculent� 250 000 morts
Toutefois, le pr�nom El- Alia, la donatrice de ce vaste terrain, constitue une v�ritable �nigme. Qui estelle ? �Elle descend d�une tr�s riche famille alg�roise. En h�ritant d�une colossale fortune, elle a d�cid� d�acheter ce vaste lot de terrain aupr�s d�un colon, offrant ainsi � ses concitoyens musulmans un espace pour enterrer leurs morts�, t�moigne-t-on. Sauf que notre interlocuteur n�a pu r�pondre � notre question de savoir si �El-Alia est toujours en vie ou enterr�e dans ce cimeti�re �. �R�cemment, j�ai lu dans un journal qu�El-Alia est d�c�d�e et enterr�e dans un cimeti�re en Syrie. Mais personne ne peut te donner la v�ritable information �, ajoute notre interlocuteur. Situ� sur la RN 5 � la sortie est de la capitale, le cimeti�re n�est pas seulement un lieu r�serv� exclusivement aux morts. Des vivants y �reposent� �galement. D�autres y habitent depuis pr�s d�une quarantaine d�ann�es. �Le plus �tonnant est que des gens viennent faire leur jogging � l�int�rieur du cimeti�re. D�autres accompagnent leurs enfants pour jouer au football. Il y en a m�me qui viennent pour apprendre � conduire. C�est vraiment grave. Ils confondent jardin public et cimeti�re. Il n�y a que dans notre pays o� les morts sont d�rang�s par les vivants. Ce sont des pratiques condamnables et cette situation ouvre la voie � toute forme de d�rapage�, souligne un visiteur rencontr� sur les lieux, qui ajoute : �Vous savez qu�il y a des familles qui habitent � l�int�rieur m�me du cimeti�re. Il y a bousculade contre les 250 000 morts�. Des propos confirm�s par le doyen des fossoyeurs du cimeti�re. Originaire de Sour-El-Ghozlane, ammi Ahmed nous a vite identifi�. �Vous �tes journaliste ! Je vous ai reconnu. J�ai d�j� parl� � vos coll�gues sur notre situation. Faites quelque chose pour nous. Transmettez notre d�tresse �, s�est-il exclam�. Et pourtant � l�entr�e du cimeti�re, une grande plaque est suspendue : �Visites permises de 8 h du matin � 16 h 30 mn�.
Les �r�sidents� d�El-Alia

�On est sous la menace de l�expulsion. On risque du jour au lendemain de se retrouver sans domicile. Ils nous ont promis des maisons. Mais ce ne sont que des promesses. Nos enfants sont n�s et �lev�s parmi les morts. Ce n�est pas de leur faute s�ils jouent entre les tombes. Ils n�ont pas une vie normale comme tous les autres enfants�, tente de justifier notre interlocuteur. Qui sont les �r�sidents� du cimeti�re d�El-Alia ? A l�origine, ce sont des ouvriers de la wilaya et de l�Etablissement de gestion des pompes fun�bres (EGPFC). Selon des t�moignages, la plupart d�entre eux sont venus des wilayas de l�int�rieur s�installer sur le p�rim�tre limitrophe au cimeti�re. �Les autorit�s de l��poque, ayant pris conscience des cons�quences que cela allait engendrer, ont attribu� des lots de terrain � b�tir pour la premi�re cat�gorie et des chalets pour la seconde. Contre toute attente, non seulement ces ouvriers n�ont pas quitt� les lieux mais, en plus, profitant de la conjoncture de la d�cennie noire, ont ramen� leurs familles pour carr�ment occuper une partie du cimeti�re en y construisant des mansardes�, nous explique un responsable. Si l�on conna�t le nombre des familles qui habitent ce bidonville et qui est de 102, selon l�EGPFC, on ne conna�t pas celui des baraques, �car aucun recensement n�a �t� fait dans ce sens. Ce qui est certain, c�est que ce bidonville est en extension � une vitesse qui soul�ve des interrogations. Plus loin, � des centaines de m�tres du bidonville, se trouve �Wembley�.
Le carr� anglais : le Wembley d�El Alia
Ce n�est pas le fameux stade anglais. C�est le carr� anglais du cimeti�re. Ici on le surnomme le Wembley d�El Alia. La pelouse est bien entretenue. Le gazon est partout. Le carr� Anglais, o� sont enterr�s pr�s d�un millier de soldats originaires des pays du Commonwealth, est g�r� depuis Tunis. Le correspondant d�Alger en charge du carr� s�appelle Tayeb. Il est charg� par son employeur d�entretenir et de veiller sur l��tat du carr� qui, aux yeux de tous les observateurs, est le meilleur carr� d�El-Alia. D�o� l�appellation Wembley. Tayeb a h�rit� ce m�tier de son p�re. Il �tait fossoyeur dans ce m�me cimeti�re et habitait lui aussi El-Alia. Il a d�ailleurs pass� toute sa jeunesse parmi les tombes, parmi les morts. Son souhait ? �continuer � exercer ce m�tier. Mais je souhaite que mes enfants ne subissent pas ce que leur p�re a connu et v�cu. Je prie Dieu pour que mes enfants disposent d�une v�ritable maison. Qu�ils ne recourent ni au piratage ni � la construction illicite. Nous voulons seulement une maison et libre � eux de choisir le m�tier qu�ils veulent�.
Les Fran�ais � la rescousse
La direction de l�Etablissement de gestion des pompes fun�bres compte prendre des mesures pour mettre fin � cette situation. Au niveau du cimeti�re, il n�y a plus de place pour les enterrements, et la solution r�side dans la r�cup�ration des terres actuellement squatt�es par les �indus occupants �. Pour cela, un plan de r�organisation sera mis sur pied, prochainement, at- on appris. L�op�ration de r�novation occupe une place importante dans le processus. Le projet a �t� confi� � un bureau d��tude fran�ais. Il est question de la r�alisation d�une morgue d�une capacit� de 500 cadavres, des salles de m�decine l�gale et d�autopsie ainsi que des salles d�attente et d�orientation. Mais en attendant, � El- Alia, on consid�re que la priorit� est au relogement des familles qui occupent une partie des assiettes devant servir aux projets d�extension. �Il faut redonner � ce cimeti�re sa v�ritable vocation. Les morts doivent reposer en paix. C�est le minimum pour eux�, affirment des personnes rencontr�es sur les lieux.
A. B.
youcefabder@hotmail.com

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