Actualit�s : Fid�lit�
Par Fouad Boughanem
Voici donc 20 ans que Le Soir d�Alg�rie donne quotidiennement
rendez-vous � ses lecteurs. Le 3 septembre 1990 �tait en effet mis en
vente le num�ro un du premier quotidien alg�rien n�appartenant pas � l�Etat.
Pr�curseur d�une s�rie d�autres titres dont la publication interviendra
quelques semaines plus tard, Le Soir d�Alg�rie peut nourrir quelques
motifs de fiert� d�avoir accompagn� les Alg�riens tout au long de deux
d�cennies de souffrance et de drames mais aussi de mutations,
d�esp�rances et de combat. Cependant, pr�tendre que le journal qui est
entre vos mains aujourd�hui est la r�plique exacte de l�id�e que s�en
faisaient ceux qui l�ont initi� rel�verait de la tromperie. Lanc� comme
publication du soir en raison de l�exp�rience accumul�e par ses
fondateurs au sein du quotidien Horizons, le journal se destinait au
d�part � �tre largement ouvert sur les ph�nom�nes de soci�t�. Ce
profilage nous semblait conditionn� aussi bien par le choix d�une
parution en milieu de journ�e que par la volont� d�affirmer une identit�
diff�rente de celles d�El Watan et d�El Khabar, dont la publication
devait intervenir quelques semaines seulement apr�s la mise sur le
march� du premier num�ro du Soir d�Alg�rie. Les �v�nements terribles qui
auront marqu� l�Histoire r�cente de notre pays ont eu rapidement raison
d�une configuration de d�part n�int�grant pas suffisamment un
environnement politique chaotique qui, en l�espace de deux ann�es,
jettera l�Alg�rie sous les fourches caudines de l�islamisme et du
terrorisme. Tr�s rapidement et naturellement, Le Soir d�Alg�rie s�est
engag� dans la bataille qui a mobilis� la majorit� des Alg�riens et une
grande partie de la corporation pour emp�cher la Nation de sombrer dans
le chaos.
Ce fut le premier reproche adress� au journal au nom d�une n�cessaire
�quidistance sacralis�e par les �ternels donneurs de le�ons au sein et �
l�ext�rieur de la profession. Le combat contre le terrorisme produira
in�vitablement son lot de violence � l�adresse du journal. Yasmina Drici,
correctrice, sera assassin�e � Rouiba. Une camionnette bourr�e
d�explosifs explosera le 11 f�vrier 1996 aux abords du journal tuant des
dizaines de citoyens le long de la rue Hassiba-Ben-Bouali et faisant
perdre au journal Allaoua A�t Mebarek, son r�dacteur en chef, Mohamed
Dhorban, son carricaturiste-chroniqueur, et Mohamed Derraza, charg� des
pages de d�tente. Leur souvenir ne nous quittera jamais. Toutes nos
pens�es vont vers eux en ce 20e anniversaire de la fondation du Soir
d�Alg�rie.
Engagement
Totalement ras� par la bombe de f�vrier 1996, Le Soir d�Alg�rie n�a
interrompu sa parution que quelques jours. Gr�ce au courage de toute
l��quipe et la solidarit� de confr�res et d�amis, la disparition
d�finitive du titre a pu �tre �vit�e. Il est loisible aujourd�hui
d��piloguer sur �l�absolue n�cessit� pour la presse de ne pas prendre
parti et de ne s�en tenir qu�� l�information�. Le Soir d�Alg�rie se
serait ainsi sorti indemne de tous les drames et aurait travers�
l�Histoire r�cente de notre pays sans inqui�tudes. Il se trouve que ce
n�est pas notre conception du journalisme tant il est vrai que la
d�vitalisation de cette profession r�side justement dans son absence
d�engagement. Depuis deux d�cennies, l��volution du journal s�est
articul�e autour de quatre engagements majeurs. D�abord un engagement
patriotique : l�Alg�rie passera toujours avant toute autre consid�ration
de quelque ordre que ce soit. Deuxi�mement, un engagement professionnel
dans la mesure o� nous veillons scrupuleusement � un exercice loyal et
sain du m�tier d�informer. Troisi�mement � un engagement politique qui,
m�me s�il nous a valu moult accusations, ne nous fera pas vaciller. La
presse desincarn�e qui se d�cline par dizaines de titres n�a jamais
convaincu les lecteurs alg�riens. Le Soir d�Alg�rie pour sa part n�a �
aucun instant fait myst�re de ses convictions m�me si cela le met
souvent en situation de survie. Enfin, un engagement moral au sens o�
nous nous interdisons de reproduire dans nos colonnes des valeurs
contraires au respect de la dignit� humaine et aux libert�s
fondamentales des citoyens. Cette fid�lit� � des convictions qui fondent
notre pratique quotidienne nous vaut � l��vidence quantit� de d�boires
judiciaires et financiers dont les origines malveillantes sont
parfaitement identifiables. Ceux qui escomptent du journal une honteuse
flexibilit� ne l�sineront pas sur une utilisation abusive des moyens de
l�Etat pour r�duire de mani�re significative l�espace d�expression du
journal. C�est certainement le prix � payer pour continuer � ouvrir nos
colonnes � des expressions libres porteuses de valeur ajout�e
d�mocratiques et plurielles. Apr�s 20 ans d�existence, c�est ce besoin
absolu d�informer, de dire sans complaisance, de s�engager sans calcul
qui continuera � nous guider. Parce que c�est finalement la raison
d��tre du Soir d�Alg�rie.
F. B.
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