
Alors que l’attention du monde se détourne vers Téhéran, les civils palestiniens continuent de mourir par centaines en tentant d’accéder à de la nourriture. Des responsables onusiens dénoncent un « carnage » et une déshumanisation systématique.
Des corps jonchent les couloirs d'hôpitaux. Des mères s’agrippent à leurs enfants blessés. Des enfants risquent leur vie pour quelques sacs de farine. Depuis la levée partielle du blocus sioniste sur Ghaza, il y a un peu plus d’un mois, les morts se multiplient aux abords des sites de distribution d’aide. « Le simple fait de vouloir survivre est devenu une condamnation à mort », dénonce Jonathan Whittall, chef du bureau humanitaire de l’ONU pour le territoire palestinien occupé.
Le haut responsable onusien s’est exprimé dimanche, depuis Deir al-Balah, dans le sud de la bande de Ghaza, où il a visité l’hôpital Nasser, « débordant de blessés ». Selon ses informations, plus de 400 personnes auraient ainsi trouvé la mort, en tentant notamment de rejoindre des points de distribution américano-israéliens « délibérément installés dans des zones militarisées ». Le 18 juin, « plus de 60 personnes ont été tuées et des centaines blessées lorsqu’un char a tiré sur une foule rassemblée dans l’attente de camions d’aide ».
Une stratégie létale et délibérée
Des tirs à balles réelles, des bombardements, des gangs armés, des embuscades : chaque tentative d’acheminement se transforme en guet-apens. « Ceux qui sont touchés se trouvent souvent hors de portée des ambulances. Des personnes sont portées disparues, présumées mortes », poursuit M. Whittall.
Pour lui, il ne s’agit plus d’un enchaînement tragique de circonstances, mais d’un système de terreur. « Tout ce que je viens de décrire est entièrement évitable. Ce sont des conditions créées pour tuer ».
Loin d’être isolé, ce constat est partagé par plusieurs responsables onusiens. Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA – l’agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens –, dénonce : « Le nouveau mécanisme dit “d’aide humanitaire” est une abomination qui humilie et avilit des personnes en détresse. C’est un piège mortel, qui coûte davantage de vies qu’il n’en sauve ». S’exprimant samedi à Istanbul, face aux ministres des affaires étrangères des membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), M. Lazzarini a accusé la communauté internationale de passivité coupable : « Ce drame est l’aboutissement de vingt mois d’horreur, d’inaction et d’impunité ».
Francesca Albanese, Rapporteure spéciale de l’ONU, va plus loin encore dans un message posté le 22 juin : « Que l'État accusé de génocide et de famine soit chargé de “distribuer l'aide” est absurde et obscène : une insulte à la décence humaine. Qualifier cela d’“humanitaire” est un camouflage humanitaire », dénonce l’experte indépendante sur le réseau social X.