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Rubrique A fonds perdus

Les nouveaux espions

Réagissant à notre dernière chronique relative à la domination outrancière de Facebook depuis son rachat de WhatsApp et Instagram – car elle enfreint les principes concurrentiels fondateurs du libéralisme classique –, un lecteur avisé, Nour Maan, a écrit sur Twitter : «L’économie numérique qui se matérialise de plus en plus à travers des plateformes, animées par l’effet réseau, qui tendent à créer des monopoles naturels. Ainsi, plus un moteur de recherche indexe de pages, plus il y a d’utilisateurs, plus il y a pertinence des résultats. Néanmoins, la question de la régulation reste entièrement posée, mais dans le cas d’espèce, je doute qu’elle passe par ‘’casser’’. Des mécanismes plus inventifs doivent être élaborés afin de répondre aux contraintes spécifiques de l’économie digitale.»
Notre lecteur a raison d’associer une autre piste de recherche à «la neutralité du réseau» : Oliver Williamson (prix Nobel d’économie 2009) et ses travaux sur la jurisprudence américaine concernant l’intégration verticale et les contrats de franchise.
En effet, Oliver Eaton Williamson – qui a été récompensé, en même temps que Elinor Ostrom en 2009 «pour leurs travaux sur la gouvernance économique» – est un économiste américain connu pour sa théorie des coûts de transaction. Pour minimiser ces derniers, Williamson soutient que le marché n'offre pas toujours la meilleure solution.
«Les agents économiques peuvent être amenés à rechercher des arrangements institutionnels alternatifs permettant de minimiser ces coûts.» (Wikipedia).
Ce qui semble faire défaut au capitalisme contemporain, ce sont justement ces «arrangements institutionnels», «des institutions adéquates, dessinant la carte de ce que Coase(*) appelle les ‘’structures institutionnelles de production’’».
Cela réhabilite l'importance du juridique en économie, notamment le rôle des institutions encadrant les jeux d'acteurs économiques.
L’idée, désormais partagée même par les plus fervents tenants de l’ordre capitaliste, est que le marché n'est pas la solution ultime, ses imperfections devant être constamment corrigées, ce qui pousse à l'innovation technologique, mais aussi organisationnelle, et au changement institutionnel.
L’éditorialiste du quotidien américain The Nation, Eric Alterman, ralliait, au début de ce mois, les thèses de Tim Wu, l’auteur de la célèbre théorie de la «neutralité des réseaux» que nous avons relayée ici même, en titrant carrément : «Facebook est une menace sociale.»(**)
La menace en question vient de ce que «le géant de la technologie espionnera pour quiconque aura l'argent nécessaire pour acheter vos secrets.»
Revenant sur une séquence de la série télévisée The Onion’s (Les oignons), qui a marqué l’année 2011, Alterman rappelle la scène où Leon Panetta, alors directeur de la CIA, remettait une «médaille du renseignement» à «The Overlord», Mark Zuckerberg, pour avoir inventé «le plus puissant outil de contrôle de la population».
«L'agence avait déjà apprécié. La seule chose sur laquelle The Onion’s s’est trompée, c’était la compétence de la CIA. Selon une enquête catastrophique menée en décembre dernier (2018, ndlr) par le New York Times, Facebook gère de facto une agence d'espionnage, non pas pour le gouvernement américain, mais pour quiconque souhaite acheter ses données.»
«Parmi les révélations récentes : Facebook vend les noms des ‘’amis’’ de ses utilisateurs sans consentement et permet à certaines sociétés de lire et de supprimer des messages privés. Il vend également les noms et les informations de contacts des utilisateurs, puis ment à ce sujet en permettant aux entreprises qui achètent ses données de dissimuler ce fait ; il permet à ces mêmes entreprises d'ignorer les préférences des personnes qui désactivent leurs paramètres de partage.»
Ce n’est plus un abus de position dominante, c’est une forme de domination sans partage qui ne dit pas son nom.
Les conclusions de l’enquête du New York Times sont confirmées et même dramatiquement complétées par celles d’une autre enquête, menée par Privacy International, révélant que Facebook «surveille régulièrement les utilisateurs, les non-utilisateurs et les utilisateurs déconnectés en dehors de sa plate-forme via Facebook Business Tools». En d'autres termes, Facebook espionne même les personnes qui n'utilisent pas sa plateforme».
Même s’il est vrai que Facebook n’hésite pas à s’excuser pour ses erreurs, il lui arrive souvent de mentir : «Après que le Times ait rapporté que Facebook avait payé une société de recherche sur l’opposition, Definers, pour obtenir des informations à charge (négatives) sur le financier et philanthrope libéral George Soros, la directrice générale de Facebook, Sheryl Sandberg, avait annoncé : «Je ne savais pas que nous les avions embauchés pour le travail qu’ils effectuaient.» Plus tard, il s’est avéré que c’est Sandberg elle-même qui avait ordonné l’enquête.
Des partis pris qui, associés à d’autres manipulations, font que «beaucoup de gens de droite se méfient de la plupart des médias et des réseaux sociaux», nous apprend le New York Times.(***)
«Notez la logique circulaire: le simple soupçon de partialité anti-droite est utilisé pour assurer davantage de programmation de droite, et chaque nouvelle victoire de la droite garantit ses exigences de plus en plus ambitieuses. Il est difficile d’imaginer une référence plus facile pour les conservateurs que Zuckerberg et Facebook. Malheureusement, il n’y a jamais eu de moyen plus efficace – ni d’instant politique aussi inquiétant – pour répandre la désinformation et les incitations à la violence.»
Rien ne semble donc pouvoir arrêter Mark Zuckerberg, le directeur général de Facebook qui, toujours selon le New York Times, « envisage d’intégrer les services de messagerie du réseau social – WhatsApp, Instagram et Facebook Messenger – afin d’affirmer son contrôle sur de larges segments de la société à un moment où son entreprise est en proie aux scandales».
«La décision de M. Zuckerberg de mieux contrôler les activités disparates de Facebook fait suite à deux années d’examen approfondi de son réseau social principal, critiqué pour avoir permis une ingérence électorale et la propagation de la désinformation. Ces problèmes, ainsi que d’autres, ont ralenti la croissance de Facebook et porté atteinte à sa réputation, soulevant de nombreuses critiques chez les législateurs et les régulateurs du monde entier», conclut le quotidien new-yorkais.
A. B.

(*) L’économiste britannique, Ronald Coase, est reconnu comme le père fondateur de la Théorie des coûts de transaction, un démembrement de la nouvelle économie institutionnelle.
(**) Eric Alterman, Facebook Is a Social Menace, The Nation, 10 janvier 2019, HTTPS://WWW.THENATION.COM/ARTICLE/FACEBOOK-SPIES-ALTERMAN/
(***) Mike Isaac, Zuckerberg Plans to Integrate WhatsApp, Instagram and Facebook Messenger, New York Times, 25 janvier 2019.
https://www.nytimes.com/2019/01/25/technology/facebook-instagram-whatsapp-messenger.html?smtyp=cur&smid=tw-nytimes

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