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Imposante, sans heurts et sans haine

©Samir Sid
©Samir Sid
Les centaines d’étudiants qui se sont donné rendez-vous à 10h pour la marche du 34e mardi pour le changement du système se sont retrouvés à la place des Martyrs comme point de ralliement et de départ du cortège. Ils étaient nombreux à répondre à l’appel à la mobilisation permanente, avec la même détermination et la contrainte des cours de l’université qu’ils ont zappés pour la cause.
Visiblement, la bastonnade du précédent mardi n’a pas affaibli le mouvement, si tel était l’objectif des forces de l’ordre. Bien au contraire, on a pu constater, sur tout l’itinéraire, la sérénité de rigueur dans les rangs d’une foule plutôt bon enfant qui donnait l’impression d’un long fleuve tranquille mais surtout plein de vigueur.
De la Basse-Casbah vers Bab-Azzoun, le cortège entamait sa marche de protestation ajoutant plus d’animation dans cette célèbre rue commerciale et dont les bâtiments tombent en décrépitude, au grand dam des nostalgiques d’Alger la Blanche. Il est vrai que des travaux de ravalement de façade sont entrepris ici et là. C’est le cas pour le Théâtre national d’Alger (TNA). Et d’ailleurs, les manifestants n’ont pas manqué de donner encore plus de la voix face à ce haut lieu de la culture, sous la surveillance d’un cordon sécuritaire pour le moins disproportionné fermant même l’accès à la rue Abane-Ramdane… où est implanté le palais de justice Sidi-M’hamed.
Si les slogans scandés à gorge déployée s’inscrivent dans la continuité de ceux des marches nationales du vendredi qui convergent tous vers la revendication de changement de système, d’un Etat civil et non militaire avec point de mire le chef d’état-major d’armée, les manifestants intègrent aussi la question sensible de la loi sur les hydrocarbures qu’ils rejettent unanimement à côté de la date-butoir du 12 décembre prochain prévue pour l’élection présidentielle.
Le cortège, après la halte du TNA, attaquera la rue Ali-Boumendjel vers Larbi-Ben-M’hidi. La foule déroule les revendications du mouvement qui, au fur et à mesure, prendra une dimension inédite car il n’est plus exclusivement étudiant du fait de la masse prépondérante de personnes de tous âges enveloppant en son sein les étudiants pour les protéger.
De fait, même s’ils sont reconnaissables par leur port, voire leur jeunesse, ils sont noyés dans la masse, un subterfuge qui décourage les policiers, tenus ainsi à distance respectueuse. Un bel exemple de l’osmose peuple – étudiants, au demeurant d’extraction populaire.
Autre halte symbolique celle-là à la place Emir-Abdelkader sur son piédestal…sabre au clair ! «Ya Ali, ma ranach mlah», (Ali Ammar-la Bataille d’Alger), la rue gronde et les policiers imperturbables, qui n’ont aucun regard pour les manifestants, bloquent les rues adjacentes qui mènent, en contrebas, vers l’Assemblée nationale. «L’Algérie n’est pas à vendre», lit-on sur un écriteau d’un vieux clopinant plutôt que marchant.
La bande, «el 3issaba» est vilipendée, traînée dans la boue, accusée de mille trahisons, mais à voix haute dominant les rares banderoles qui étaient la marque des gigantesques marches populaires des premiers vendredis. Paradoxalement, ce mouvement a plutôt gagné en force, les étudiants réprimés, victimes de la violence policière, ont suscité un large élan de solidarité chez la population qui finira par les rejoindre dans leur mouvement dénonçant ainsi l’injustice dont ils font l’objet et criant : «Nos étudiants ne sont pas des voyous.»
Au bout de l’avenue Pasteur, le tunnel des Facs est obstrué par un rideau de fourgons et de policiers antiémeutes et les manifestants bifurqueront alors vers le passage de la Faculté centrale, Benyoucef-Benkheda, et là explosera une salve de youyous à vous donner la chair de poule tant l’endroit est chargé de symboles. Les slogans de dénonciation monteront en puissance et sans discontinuer contre les traîtres (el khaouana) qui ont vendu le pays, «Algérie libre et démocratique».
Un manifestant a même eu l’idée de porter sur une pancarte la loi sur les hydrocarbures en y notant les principaux points qui posent problème. Bien évidemment, le sujet de l’élection présidentielle a été relayé de part en part du cortège des manifestants tout au long du boulevard Colonel-Amirouche puis retour à la place Maurice-Audin pour un au revoir après un «Kassaman» entonné par les milliers de personnes enthousiastes. Il est 1h 30.
Une 34e sortie des étudiants sans heurts et qui suscite l’admiration quant à la maturité dont font preuve les futurs leaders de la Nation… pour peu que le principe de l’égalité des chances soit.
Brahim Taouchichet

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