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SOUFIANE DJILALI, PRÉSIDENT DE JIL JADID, AU SOIR D’ALGÉRIE : «Jumeler les propositions d’une présidentielle et d’une Constituante»

Photo : Samir Sid
Photo : Samir Sid

Entretien réalisé par Mohamed Kebci

De tous les acteurs politiques, il y en a ceux qui se distinguent par leur souci de se tenir à «équidistance», préférant adopter une sorte de «troisième voie» pas évidente à cerner. Soufiane Djilali en fait partie, lui qui prend part à toutes les rencontres indépendamment de leurs «inspirateurs». Ainsi, après avoir pris part à la conférence de la société civile dans ses deux épisodes, le président de Jil Jadid a reçu une délégation du Panel de médiation et de dialogue et se dit même prêt à prendre part à la conférence des Forces de l’alternative démocratique prévue le 31 août courant. Lui qui dit que le positionnement ou les choix politiques créent des différences qu’il faut cependant assumer et traiter dans leur contexte, plaide pour une entente sur les objectifs stratégiques que nous portons ensemble, soit l’édification d’un Etat de droit et la démocratie. Pour Soufiane Djilali, il est possible de jumeler les deux propositions, présidentielle et Constituante, ce qui, selon lui, permettra de faire d’une pierre deux coups, une synergie des bons effets et une neutralisation des inconvénients.
Le Soir d’Algérie : Vous avez reçu le Panel de médiation et de dialogue au moment où l’instance est désapprouvée par la rue et nombre d’acteurs politiques, d’organisations de la société civile et de personnalités…
Soufiane Djilali :
La pire des choses qui puisse arriver à un Etat est la rupture de confiance avec son peuple. Il n’a échappé à personne que l’Algérie vit une crise politique de grande ampleur. Mais une fois le constat posé, les politiques doivent agir pour, justement, recréer de l’espoir et de la motivation pour changer le cours des évènements.
Depuis plus de 6 mois et par millions, les Algériennes et Algériens battent le pavé. En face, le régime politique s’est effondré et il ne reste plus comme vis-à-vis de la population qu’une institution militaire qui aura à assumer les conséquences de la crise.
Cette situation est préjudiciable pour le pays. On ne pourra pas se regarder indéfiniment en chiens de faïence ! A un moment, il faudra bien discuter.
Le panel aurait pu être une opportunité. Peut-être pas la meilleure ni la seule, mais pour le moment elle est là. J’ai donc répondu favorablement à leur demande de rencontre, sans que cela nous engage à plus. Je préfère assumer mes positions et les expliquer à celles et ceux qui voudraient les entendre, que de le faire en cachette !
Le pays a besoin de voir des femmes et des hommes courageux qui acceptent d’être critiqués et peut-être malmenés par l’opinion mais qui agissent en leur âme et conscience. Le dialogue reste la seule alternative en dehors de la violence. Les discours qui flattent les émotions ne sont pas très sérieux et surtout dangereux. L’essentiel pour nous est de ne pas confondre compromis et compromissions. En ce qui concerne Jil Jadid, nous n’avons pas attendu les applaudissements des réseaux sociaux pour faire notre devoir. De plus, pour le dialogue officiel, nous avons clairement posé les éléments de confiance nécessaires à son déroulement. C’est devenu un classique
maintenant : libération des détenus d’opinion, ouverture des médias et surtout départ du gouvernement Bedoui. Viendront , ensuite, les discussions sur les garanties légales et politiques pour un processus électoral transparent et effectif.

Vous avez également pris part à la rencontre de la société civile, de partis de l’opposition et de personnalités nationales…
Absolument, tout comme Jil Jadid avait participé auparavant à la réunion du 6 juillet. Permettez-moi, d’ailleurs, de remercier les acteurs de la société civile qui ont pris sur eux d’organiser cette rencontre du 24 août. Elle a permis de lever des crispations politiques et d’ouvrir un dialogue avec tous les partis. Il y avait, là, les participants au forum du 6 juillet mais aussi les partis de l’Alternative démocratique, ainsi que plusieurs personnalités engagées dans le Hirak. La conclusion de cette rencontre est que ses organisateurs ont été encouragés à l’unanimité à continuer leur travail, avec, en point de mire, une synthèse de toutes les initiatives politiques sérieuses à présenter lors d’une future conférence nationale.

Allez-vous prendre part à la conférence que comptent organiser les Forces de l’alternative démocratique prévue ces jours-ci ?
Si Jil Jadid est invité, je m’y rendrai avec plaisir. C’est le moment pour les partis démocrates et modernistes d’ouvrir un dialogue fécond entre eux. L’Alternative démocratique porte l’une des deux propositions majeures de sortie de crise. C’est un signe de bonne santé que de pouvoir la discuter et la soumettre à une critique constructive. Il va sans dire que nous partageons beaucoup de valeurs communes avec ces partis. Parfois, le positionnement ou les choix politiques créent des différences. Il faut les assumer et les traiter dans leur contexte et ne pas déborder sur les objectifs stratégiques que nous portons ensemble : édifier l’Etat de droit et la démocratie !

Diverses propositions sont émises ici et là, allant d’une élection présidentielle dans les plus brefs délais à l’élection d’une Assemblée constituante en passant par l’engagement d’un processus constituant. Où vous situez-vous ?
Votre question est au cœur des discussions actuelles. En effet, ce qui divise l’opinion publique est la solution de sortie de crise. Les deux propositions majeures, présidentielle et Constituante, présentent des avantages et des inconvénients et semblent a priori contradictoires. Dans un cas, nous pourrons avoir un changement de figure, soit un nouveau Président, mais avec le risque du maintien du même régime. Dans l’autre cas, en voulant d’abord changer les structures institutionnelles avant toute élection, la situation peut déraper vers un désordre sans fin.
L’idée que je ne cesse de défendre depuis plusieurs mois est de jumeler les deux propositions. Nous aurons une synergie des bons effets et une neutralisation des inconvénients.
Ainsi, nous pourrons commencer par une élection présidentielle qui sera suivie, immédiatement après, par l’ouverture d’un processus constituant. A charge pour tous les futurs candidats d’inscrire dans leur programme de campagne la promesse ferme d’aller vers des législatives anticipées, puis la mise en débat d’une nouvelle Constitution consensuelle au sein d’un Parlement renouvelé. Le peuple approuvera ou non la nouvelle mouture constitutionnelle lors d’un référendum.
Il y a, à l’évidence, beaucoup d’avantages avec cette formule. D’abord, et ce qui nous importe tous le plus, on aura engagé le pays dans un programme de réformes profondes et consensuelles dans le sens de l’Etat de droit et de la démocratie. Nous aurons également raccourci les délais de la crise en revenant à la légitimité à la tête de l’Etat. Nous aurons traduit concrètement le «Yetnahaou gaâ » de la révolution, tout en immunisant l’Etat algérien face à un environnement international inquiétant pour l’avenir de notre région et parfois hostile. Ensuite, nous aurons donné gain de cause à tous les protagonistes. Au peuple qui aura réussi la révolution en changeant les dirigeants par la démocratie tout en prenant des garanties quant aux transformations rapides du régime institutionnel. Enfin, les raisons d’un blocage ou d’un bras de fer entre l’institution militaire et les acteurs politiques seront levées.
A moins d’une mauvaise foi des uns ou des autres, ce qui ne manquera pas d’apparaître clairement à l’opinion publique, tout le monde sortirai vainqueur de cette situation. Un contrat gagnant-gagnant entre le peuple et l’Etat au sens noble du terme. Que des politiques affiliés au pouvoir ou à l’opposition risquent d’y laisser des plumes, cela ne fera pas pleurer beaucoup de monde. L’essentiel est que nous préservions le pays de l’instabilité, et que les vraies questions touchant au développement puissent enfin être abordées. Nous aurons alors un nouveau contrat social tout en aidant le pouvoir à s’en aller pacifiquement !

Pensez-vous que le mouvement populaire du 22 février dernier, qui vient d’entamer son septième mois, a atteint ses objectifs ?
Cela dépend de l’angle de vue. L’objectif de changer de régime n’est pas encore atteint. Mais des pas immenses ont été accomplis grâce à cette exceptionnelle et historique mobilisation des Algériens.
Le 22 février, j’avais un sentiment de grande victoire pour nous tous. Les Algériens ont, ce jour-là, brisé des chaînes psychologiques tout en libérant une formidable énergie et un fol espoir. Ce qui s’est passé ensuite m’a conforté dans ma profonde conviction que la société algérienne s’était transformée. Je suis sur le terrain politique depuis 1988. Toute mon attention et ma réflexion étaient tendues vers la perception de ce qui se passait dans le fond de l’âme algérienne. J’ai longuement réfléchi sur la société algérienne et l’ai décrit dans plusieurs écrits, dont trois ouvrages. Je peux vous dire que j’attendais ce moment où les Algériens allaient se découvrir. Il y a eu une lente transformation des valeurs anthropologiques. Je les ai suivis un peu à l’image de ce que ferai un mathématicien lorsqu’il projette une courbe d’une équation complexe lui permettant d’anticiper un évènement. J’avais la conviction que les nouvelles générations fonctionnaient autrement. J’ai longuement décrit l’effondrement des anciennes valeurs liées à la société traditionnelle et l’émergence de valeurs modernes. Le rapport de force (dominant-dominé), le conformisme passéiste, le sexisme, l’idéologisation des valeurs religieuses… n’avaient plus cours. L’individualisme (parfois avec excès), le matérialisme mais aussi une reconnaissance de soi, de son identité, se répandaient. Le rapport gouvernant-gouverné ne reposait plus sur les mêmes croyances. Désormais, plus rien ne pourra être comme avant. Les nouvelles générations sont en train d’imposer un nouveau rapport au pouvoir. La citoyenneté est devenue attrayante et est en voie de conquête. L’identité algérienne est en train de se forger. Tout comme les couleurs de base, une fois mélangées, donnent une nouvelle couleur, l’algériannité est en train de s’imposer comme fruit des identités particulières.
Ce qui se déroule dans la rue est une traduction pratique de ce que j’avais perçu dans la génération montante. Vous avez, bien sûr, compris pourquoi la dénomination « Jil Jadid » !
Depuis le 22, je suis serein et optimiste pour la suite. Cela n’exclut pas des difficultés passagères, même des soubresauts politiques mais, à moyen et plus long terme, j’ai pleine confiance en mon peuple.
Après avoir dit cela, il faudra ouvrir le dossier du développement humain et économique… A chaque étape suffit sa peine !
M. K.

 

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