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OPÉRATIONS D’ESPIONNAGE MAROCAIN AU LOGICIEL PEGASUS La justice algérienne ouvre une enquête

Le procureur de la République près le tribunal de Sidi-M'hamed a ordonné l'ouverture d'une enquête pour faire la lumière sur l’utilisation par le Maroc du système d’espionnage Pegasus contre des personnalités algériennes. De son côté, le ministère des Affaires étrangères a déclaré que «l’Algérie se réserve le droit de mettre en œuvre sa stratégie de riposte».
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Soixante-douze heures après les révélations du consortium de médias et d’ONG, Alger a fini par réagir faisant état d’opérations d’espionnage digitales menées par les services de renseignement marocains contre ses intérêts.
«Suite aux informations divulguées à travers des organes de presse nationaux et internationaux, ainsi que des rapports émanant de certaines chancelleries, faisant état de l'existence d'un système d'intelligence informatique d'écoute et d'espionnage ayant visé les intérêts de l'Algérie, mais aussi des citoyens et des personnalités algériennes, et en application des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale, le parquet général près la cour d'Alger informe l'opinion publique que le procureur de la République près le tribunal de Sidi-M'hamed a ordonné l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les faits en question, diligentée par les services de police judiciaire spécialisée en matière de répression d'infractions liées à la cybercriminalité et aux technologies de l'information», indique un communiqué du parquet général d’Alger rendu public jeudi 22 juillet.
Pour réagir à cet acte hostile du Makhzen, les autorités algériennes ne comptent pas s’appuyer uniquement sur le travail effectué par les ONG Forbidden Stories et Amnesty International ainsi que 80 journalistes de 17 médias dans le cadre du «Projet Pegasus». Alger compte sur les équipes spécialisées de l’armée et des services de sécurité pour obtenir des éléments prouvant les opérations d’espionnage menées par les services de renseignement marocains à l’aide du logiciel Pegasus développé par la firme israélienne NSO. À ce titre, le communiqué du parquet général d’Alger précise que «si les faits, objet de cette enquête, sont avérés, ils constitueront des infractions réprimées par la législation algérienne sous sa forme criminelle pour avoir rassemblé des renseignements, objets et documents au profit d'une puissance étrangère aux fins de nuire à la défense nationale et constitueront également des infractions d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et d'atteintes aux secrets des communications».
Les actions officielles à venir seront donc conditionnées par les résultats de ces investigations.

Stratégie de riposte
Le ministère algérien des Affaires étrangères a également réagi le même jour. Le département de Ramtane Lamamra —ministre cité comme cible des services marocains — a dénoncé une «pratique illégale, malvenue et dangereuse, (qui) met en péril le climat de confiance qui doit présider aux échanges et interactions entre les responsables et représentants des États». «Étant directement concernée par ces attaques, l’Algérie se réserve le droit de mettre en œuvre sa stratégie de riposte, et se tient prête à participer à tout effort international destiné à établir collectivement les faits et à faire la lumière sur la matérialité et l’ampleur de ces crimes qui menacent la paix et la sécurité internationales, ainsi que la sécurité humaine. Toute impunité constituerait un précédent extrêmement dommageable à la conduite de relations amicales et de coopération entre les États conformément au droit international», note le ministère des Affaires étrangères. La réaction de la justice algérienne a été salué par Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre de la Communication, qui a lui-même été ciblé par le Maroc.
«Ayant été moi-même visé par l'opération Pegasus, je me félicite que le tribunal de Sid-M'hamed ordonne l'ouverture d'une enquête préliminaire sur l'existence d'un système d'intelligence informatique d'écoute et d'espionnage ayant visé les intérêts de l'Algérie», a écrit sur sa page Facebook l’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid et grande spécialiste du dossier du Sahara Occidental. Au total, ce sont plus de 6 000 numéros de téléphone algériens, sur les 50 000 numéros concernés par l’enquête «Projet Pegasus» qui ont été espionnés à l’aide de ce logiciel israélien. L’ensemble des cibles algériennes ont été visées par la Direction générale de la sûreté nationale (CNMBP) et la Direction générale de la surveillance du territoire (CNMBP), les deux services de renseignement marocains que dirige Abdellatif Hammouchi.
De son côté, l’Union pour le changement (UCP) et le progrès présidée par Me Zoubida Assoul a estimé que l’affaire est suffisamment grave pour que le chef de l’État réunisse le Haut Conseil de sécurité (HCS) «s’agissant d’une atteinte à la sécurité du pays et aux droits fondamentaux de ses citoyens qui sont ciblés par cette opération d’espionnage».
Notons que le numéro de Me Assoul est lui aussi apparu dans le listing du Projet Pegasus. «La Constitution dans ses articles 34, dernier alinéa, fait obligation à l’État de garantir la protection des droits fondamentaux dans la vie privée, le secret des correspondances et communications privées quelles que soient leurs formes, ainsi que le traitement de ces données à caractère privé. L’article 84 de la Constitution fait obligation au chef de l’État de veiller en toutes circonstances à l’intégrité du territoire et à la souveraineté nationale et la protection des droits fondamentaux des citoyens», indique ce communiqué de l’UCP qui précise que sa présidente se réserve le droit de saisir la justice.
T. H.

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