Placeholder

Rubrique Actualités

Amel Hadjadj, militante féministe à «LSA Direct» : «Les femmes sont présentes dans les combats mais pas dans les acquis»

©Samir Sid
©Samir Sid

 

Que ce soit sur le pavé du Hirak ou dans les espaces médiatiques, les féministes font aujourd’hui partie intégrante du paysage algérien. Si le mouvement populaire, né un fameux 22 février, a permis aux femmes de se positionner en tant que maillon fort en faveur du changement social, il a aussi nourri l’appétit de ces dernières de voir certains de leurs acquis sortir du champ théorique. Au-delà de ces avancées non négligeables, le mouvement féministe estime que celles-ci demeurent fragiles du fait de l’absence de mécanismes tangibles et efficaces visant la lutte contre la discrimination des femmes sur bien des plans.
Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - C’est dans cet esprit que la militante féministe Amel Hadjadj a abordé jeudi dernier, lors de son passage dans l’émission hebdomadaire du Soir d’Algérie «LSA direct», la question du féminisme en Algérie. Elle établit au préalable un constat qu’elle considére être le fond de la problématique du statut des femmes dans notre société.
Ces dernières seraient d’après elle, «présentes dans les combats mais absentes lorsqu’il s’agit d’acquis», a-t-elle soutenu. Elle rappelle que depuis l’indépendance, «l’histoire algérienne a été jalonnée de diverses formes de résistance des femmes, mais comme à chaque fois, elles sont systématiquement trahies et mises à l’écart à la fin», regrette-t-elle.
Le soulèvement populaire a justement donné une nouvelle chance aux femmes de reconsidérer certains aspects antérieurs à leurs combats, «en s’imposant cette fois-ci en locomotive du renouveau politique et social», appuie Amel Hadjadj. Les préoccupations des femmes ont de tout temps été reléguées au second plan, déplore-t-elle, «ce n’est jamais le bon moment pour les mettre sur le tapis». Plus question de rater le coche et de «retomber par conséquent dans les mêmes pièges», insiste cette militante.

Quand le carré féministe donne de la voix dans le Hirak
En dépit des réactions souvent virulentes qu’il a pu susciter dès son apparition, lors des marches hebdomadaires du vendredi, le carré féministe composé d’une poignée de militantes pour les droits des femmes a fini par se faire une place parmi la foule. Amel Hadjadj tient à clarifier que cette tactique de manifestation n’a jamais eu pour but de se démarquer du mouvement populaire, bien au contraire. «Le carré a toujours suivi la ligne directrice du Hirak, à savoir réclamer un état de droit et de justice.» Mais cela implique qu’on engage une réflexion sur les femmes, leurs acquis et les difficultés qui tendent à freiner leur émancipation au sens large du terme», explique-t-elle, en ajoutant que les femmes doivent faire partie de ce processus de changement réclamé par la population.

La perception du féminisme a évolué dans la société algérienne
La militante féministe a dans ce sens précisé que le mouvement populaire a donné lieu à des avancées salutaires en terme de notion de féminisme en Algérie. Si ce concept a toujours eu une connotation un peu péjorative dans l’esprit de nombreux Algériens, «il semble aujourd’hui bien intégré dans la société». Le Hirak, précise-t-elle, s’est constitué comme un espace d’échanges où toutes les idéologies se côtoient de la plus extrémiste à la plus progressiste. «C’est cela même qui a permis d’engager des débats autour des réelles motivations du féminisme avec des personnes qui jusque-là le dénigraient.» Cela a entre autres contribué à expliquer à ceux qui l’ignoraient que le féminisme n’est «ni un courant politique ni une corporation», souligne-t-elle. «Il s’agit d’une organisation autour de questions spécifiques au statut des femmes», explique Amel Hadjadj, en ajoutant que «l’objectif est de leur permettre d’exister que ce soit dans le champ socioculturel ou dans le champ politicoéconomique».

Féminicides en Algérie
L’interviewée s’est exprimée sur le phénomène du féminicide et des violences à l’égard des femmes. A ce titre, elle pointe du doigt un certain laxisme de la part des autorités quant à la prise en charge de ce dossier très sensible. « Les collectifs et associations féministes n’ont cessé d’attirer l’attention du gouvernement sur l’ampleur des féminicides en Algérie afin qu’il prenne à bras-le-corps ce problème. «Malheureusement, leurs sollicitations sont restées lettre morte», se plaint-elle. Amel Hadjadj fait notamment référence au fait que la pandémie de Covid-19 a laissé les victimes de violences de toutes formes livrées à elles-mêmes sans la moindre protection. «Pourquoi attendre que le pire arrive pour agir et encore…» Car là aussi, relève-t-elle, aucun mécanisme concret n’a été mis en place dans le but de lutter contre ce fléau».

Le combat des femmes entre acquis et défis
Concernant les avancées enregistrées en matière de droits des femmes, Amel Hadjadj note une avancée, mais reconnaît que des blocages subsistent. Elle fera remarquer que près de 65 % des femmes diplômées travaillent dans le secteur informel. Chose qui s’avère problématique pour ces dernières, car «elles sont plus exposées à la discrimination». Sur le plan des acquis arrachés avec le temps, cette féministe salue par exemple la criminalisation du harcèlement, mais aussi les violences verbales et physiques à l’égard des femmes. Elle dira toutefois que tant qu’il n’existe pas de loi cadre plus efficace, et tant que l’abrogation du code de la famille ne sera pas totale, les femmes demeureront toujours mal loties.
M. Z.

 

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder