Tirs groupés contre le HCA (Haut-Commissariat à l’amazighité), problématique de la graphie de la langue, et autre équilibre régional dans sa composante, tels ont été les axes d’intervention des députés islamistes et conservateurs autour du projet de loi organique relatif à l'Académie algérienne de la langue amazighe dont le RCD réclame le retrait pour faire place à un autre texte qui va renforcer cette académie par des moyens et des missions bien définies à même d’en faire une institution scientifique.
M. Kebci - Alger (Le Soir) - Comme il fallait s’y attendre, les débats autour du projet de loi organique relatif à l'Académie algérienne de la langue amazighe, entamés hier mercredi à l’Assemblée populaire nationale (APN) ont été saisis par les islamistes et autres conservateurs pour étrenner d’autres chevaux de bataille dans le but inavoué de freiner, à défaut de faire échouer la réhabilitation de tamazight, patrimoine, culture et langue.
Et première cible de cette stratégie visiblement concertée, le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) accusé par Salah Zouitène de l’alliance islamiste Adala-Nahda-Binaa de «régionalisme» pour ne s’être appuyé dans sa composante que sur les seuls locuteurs d’une seule variante de la langue amazighe ainsi favorisée. Et de s’interroger sur le profil des membres de cette nouvelle instance avec le souci, selon lui, de prendre en considération l’équilibre régional, la consistance des habitants pour chaque région parlant une variante de tamazight. Le député islamiste réclamera, pour ce faire, à ce que les vice-présidents de cette instance soient issus des régions autres que celle dont sera issu le président.
Son compère de la même alliance islamiste, Slimane Chenine, estimera que le timing de l’avènement de ce projet de loi est opportun pour, selon lui, «faire barrage aux provocations et autres surenchères politiciennes» puisque, expliquera-t-il, la question identitaire «n’a de cesse d’être utilisée par le pouvoir comme une carte de marchandage et par d’autres de moyen de pression».
Et comme ses camarades, le chef du groupe parlementaire du triumvirat islamiste, Lakhdar Benkhellaf réclamera le caractère arabe pour la transcription de tamazight pour «couper l’herbe sous les pieds des partisans de la francophonie en Algérie» qui, eux, réclament les caractères latins. Une option que son confrère du MSP, Nacereddine Hamdadouche, l’expliquera par le souci de permettre une «sécurité linguistique» et une «cohésion avec soi». Le chef du groupe parlementaire du MSP avouera, dans la foulée, que les missions de la future académie sont «loin d’être seulement techniques».
Pour sa part, Akila Rabhi du FLN, s’interrogera sur l’inopportunité de chercher d’autres graphies à tamazight puisque, selon la députée de Aïn-Defla qui avait défrayé la chronique l’année dernière quand elle avait interrompu une consœur du RCD qui s’exprimait en tamazight en plénière, cette langue millénaire a «sa propre graphie, tifinagh».
Le RCD réclame le retrait du texte
Intervenant à son tour, le chef des députés progressistes du RCD, considérera que si, dans la forme, cette académie projetée constitue une «avancée pour les millions d’Algériens qui verront, enfin, leur langue dotée d’une institution académique», le texte la suggérant est, dans les faits, truffé de contradictions et constitue une «véritable arnaque visant à bloquer toute avancée» pour la langue amazighe. Athmane Mazouz, qui accusera le gouvernement de «fuir ses responsabilités quant au rôle de l’Etat dans la promotion et le développement de tamazight, réclamera que l’esprit de la Constitution consacrant tamazight comme langue officielle soit traduit dans les faits en consacrant dans la loi organique sa promotion et son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Et au chef des députés progressistes du RCD de demander le retrait de cet texte pour, selon lui, son enrichissement et faire de cette future académie, une véritable institution scientifique».
M. K.
