Culture : PUBLICATION
AHITOS, HISTOIRE DU FORGERON
Ou les secrets de la trempe du fer


Ahitos, histoire du forgeron est un modeste ouvrage publi� � compte d’auteur retra�ant la vie d’un homme ayant marqu� par son m�tier l’histoire et la sociologie de la Kabylie et d’une partie de l’Alg�rie. L’auteur, Aliane Abdelkrim, un chirurgien dentiste ayant d�j� � son actif un ouvrage scientifique, a eu essentiellement recours � la tradition orale pour �crire et reconstituer la vie d’Ahitos, pionnier de la forge et de la mar�chalerie en Alg�rie, un m�tier bien ancr� dans les l�gendes qui se sont perdues dans la nuit des temps, notamment en Afrique o� l’anc�tre du forgeron est consid�r� comme le sauveur de l’humanit�.
C’est lui qui fabrique la lame qui coupe le cordon ombilical, qui fabrique la charrue pour labourer la terre, la pioche qui creuse la tombe… Il est � l’origine de la vie et de la mort. Dans les relations sociales, il t�moigne de la m�me attitude suggestive de l’apaisement et de la conciliation. Ahitos, signifiant dans certaines r�gions de Kabylie forgeron, a install� son atelier au milieu du XVIIIe si�cle � Ath-Ydjeur, actuellement Bouzegu�ne, sur les terres du saint homme Sidi Moussa, son ami et confident. D’o� vient ce savoir-faire exceptionnel et comment a-t-il perc� les secrets de la trempe du fer, de sa fusion et de sa soudure r�alis�e par simple aspersion de fines poussi�res “tafza” apr�s fusion � une haute temp�rature ? Ahitos et sa prog�niture “Ihitoussen”, qui est aussi le nom de son village, fabriquaient eux-m�mes leurs enclumes dans la fonderie artisanale du village (certaines sont expos�es dans le mus�e de l’association) et leurs soufflets. Un mod�le de forme horizontale dit “� la caucasienne” dont la repr�sentation figure sur certaines st�les romaines se trouve au mus�e du Louvre apr�s avoir �t� d�rob�e � l’atelier par l’arm�e coloniale. Outre le mat�riel aratoire, ces forgerons r�alisaient aussi des lampes � huile et des armes anciennes et de la poudre. Le projet de construction d’un atelier de fabrication de ce type d’objets artisanaux pr�voyant 39 emplois permanents a �t� retenu dans le plan quinquennal 1965/69 mais le projet entam� au chef-lieu a �t� transform� en si�ge de la d�funte entreprise communale. Les armes � feu d’Ihitouss�ne serviront durant l’insurrection arm�e de 1871, � la r�volte d’El-Mokrani et de Chikh Ahedad et � la bataille d’Icherriden. Dans son livre les Justes, l’�crivain et historien Boukhalfa Bitam raconte comment les armes fabriqu�es � Ihitouss�ne �taient transport�es � dos de mulet vers les ateliers de haute pr�cision des Ath-Yenni o� elles subissaient les finitions . En 1908, ces forgerons arrivaient � frapper de la fausse monnaie pour perturber l’�conomie coloniale de l’�poque et 18 d’entre les faux monnayeurs p�riront dans les ge�les de Lamb�se. Aujourd’hui encore, les vieux taxent de “ assekak” (fabricant de fausses monnaies) les fourbes. La prog�niture de Ahitos s’enrichira d’un nouveau venu, un Alsacien- Lorrain r�pondant au nom de Hoffman chass� de chez lui apr�s l’annexion de sa province � l’empire allemand de Bismark en 1870. Il embrassa l’islam et prit pour nom Abdelli. Concepteur de la premi�re serrure de la r�gion, il avait de vastes connaissances, notamment en m�decine, et �tait consid�r� comme un g�nie. La r�putation de ces forgerons d�passe largement les fronti�res de la Kabylie pour gagner les bourgs et les villes � vocation agricole de l’est du pays de Tazmalt � Oued Zenati dans la wilaya de Guelma, Bordj Bou Arr�ridj, Setif, Batna, Khenchela, A�n Be�da, Oum El Bouaghi… participant de ce fait � la survie de l’�conomie rurale nationale en p�riodes de famine et de disette. Dans la r�gion, ces forgerons se faisaient payer en nature une fois l’an en p�riode de r�colte dans une ambiance festive. Les souvenirs sont encore vivaces chez les vieux. Le livre est introduit par un t�moignage manuscrit de Germaine Laoust Chantreaux auteur d’une photo d’�poque prise entre 1935 et 1937 alors qu’elle �tait directrice de l’ouvroir de filles de A�t- Hichem. Bien que m�ritant lecture et pleine estime, cet ouvrage qui a le m�rite d’exister est loin de restituer la dimension humaine et la grandeur d’hommes vivant au cœur d’une solidarit� sans faille. Les interd�pendances qui lient l’esprit de cette �poque ne sont que superficiellement mis en valeur dans ce modeste ouvrage.
S. HAMMOUM

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