Actualit�s : RESCAPE DU DRAME
Samir, t�moin vivant de l’horreur


Samir Sid est ce paraphe qui accompagne la quasi-totalit� des photos parues au Soir d’Alg�rie depuis plus d’une d�cennie. C’est le photographe attitr� du journal. Le 11 f�vrier 1996, Samir l’a immortalis� pour l’histoire mais aussi dans sa propre m�moire. Victime et t�moin de la descente punitive des sinistres disciples du FIS, il en parle, neuf ans apr�s avec une �motion mal contenue.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - “Le 11f�vrier 1996, j’�tais au laboratoire photo du journal, se souvient Samir. J’�tais affair� � d�velopper des photos d’un attentat � la bombe perp�tr� la matin�e m�me � Bab-El-Oued”. Mais ce jour-l�, il n’accomplira pas son travail. 14h 46, 300kg de TNT souffleront les locaux du journal. “Pendant une minute — une �ternit� en pareilles circonstances — je suis rest� interdit. Je ne savais m�me pas ce qui venait de se passer. C’�tait le noir total et de la poussi�re partout. Une fois je me suis rendu compte que c’�tait bel et bien une bombe, j’ai eu comme premier r�flexe de me pr�cipiter sur mon bo�tier, celui que je laisse toujours en r�serve dans une armoire, l’autre, que j’utilisais d’habitude ayant tout simplement disparu apr�s l’explosion.” Muni donc de son �arme� qui ne le quitte jamais, Samir fonce vers la sortie. “J’ignorais encore que c’�tait le journal qui a �t� r�duit en ruines. Je cours vers le couloir et, l�, je r�alise l’ampleur des d�g�ts. En fait il n’ y avait plus de couloir�. L’horreur est au rendez-vous. “J’aper�ois l’administrateur du journal, se tordant de douleur, affaiss� et impuissant entre les d�bris. Je d�fonce la porte de secours qui se trouve � l’autre extr�mit� des locaux et je le fais �vacuer. J’escalade ensuite un mur pour me retrouver carr�ment dehors, dans la rue.” Et le cauchemar ne fait que commencer. “C’est l� que je r�alise davantage l’�tendue du drame. Surtout � la vue d’une voiture, une 505, en flammes. C’est l’apocalypse. Je cours alors en direction de la station-service situ�e � environ 200 m�tres. Un parcours infernal : des cadavres, des d�bris humains sont partout. Le spectacle est affreux et j’en oublie jusqu’� mon r�flexe de photographe. Une vieille femme surgit. Elle courait, elle, en sens inverse et � la vue de cette pr�sence humaine vivante je retrouve subitement la facult� de reprendre mon appareil. Je redeviens photographe de presse et je commence � travailler, ne ressentant m�me plus ma blessure au dos. Un policier en civil, sans doute affol�, sort son arme et commence � tirer en l’air. Ce seront paradoxalement ces tirs qui vont rassurer les gens. Apr�s la panique et donc la fuite, de nombreux citoyens accourent de partout pour participer aux secours.” La s�r�nit� retrouv�e de notre interlocuteur c�dera toutefois vite au choc. “Subitement, je ne sais plus comment, je vois le cadavre de mon coll�gue Dorbane. C’est le choc. Je reste paralys� face � la triste sc�ne. C’est � partir de ce moment que je range mon appareil pour me transformer en secouriste. Dans la foul�e, je me rappelle que nous avons par exemple r�ussi � retirer de sous les d�combres deux autres coll�gues, Hocine et Nabil, gri�vement bless�s, et que nous avons fait �vacuer vers l’h�pital � bord d’un v�hicule du journal s�rieusement endommag�.” Dans de pareilles circonstances, l’on a l’impression que le monde s’arr�te, et l’on est plus qu’une machine humaine. “Ayant entendu la nouvelle, mes parents se pr�cipitent aussit�t sur les lieux. Les voyant devant moi je fonds carr�ment en larmes. Aussi et malgr� leur insistance, j’ai refus� de les suivre � la maison. J’ai pr�f�r� poursuivre l’œuvre de secours, voire m�me de recherche des autres coll�gues. (…) Le cas de Allaoua A�t Mebarek est particuli�rement �mouvant. Jusqu’au soir, le doute et l’espoir persistaient encore. Ce sera malheureusement ma version qui s’av�ra �tre la bonne. Je me souviens en effet avoir reconnu, dans la journ�e, la veste de Allaoua sur de nombreux cadavres qui jonchaient le lieu du drame.” Et le soir, ce sera l’effondrement. “Nacer Belhadjoudja ne voulait pas me laisser rejoindre ma chambre s�curitaire � Moretti, et pr�f�ra m’emmener chez lui � Sidi-Fredj. Heureusement d’ailleurs car une fois rentr�, je suis pris de violentes crises de larmes. J’�tais inconsolable, et il a fallu que Nacer m’�vacue en urgence vers l’h�pital o� l’on m’a inject� des calmants pour que je puisse retrouver le sommeil”. Le lendemain, deuil et doute s’emm�lent. “On n’a fait qu’enterrer nos coll�gues. Je n’oublierai jamais ces tristes moments (…) Les photos ? Quelle importance en ces moments de deuil et d’ailleurs personne ne savait si le journal allait repara�tre un jour. L’A�d �tant par ailleurs tr�s proche, je me rappelle bien que les responsables du journal avaient pris la d�cision d’avancer la date de la paye. Trois jours apr�s le drame, le comptable du journal retire de l’argent et nous r�unira tous sur les locaux m�mes d�vast�s du Soir d’Alg�rie. Ce furent des moments de solidarit� et de d�fis inoubliables.” A 32 ans et 9 ans apr�s le drame, Samir Sid, qui a pris des milliers de photos montrant toute l’ampleur de la sauvagerie terroriste qui s’est abattue sur le pays, avoue ne pouvoir revoir pourtant celle de l’attentat du 11 f�vrier 1996.
K. A.

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