Corruptions : LE VOTE DU PROJET DE LOI CONTRE LA CORRUPTION CONSTAMMENT REPORTE
La montagne accouche d'une souris qui se fait d�sirer


Est-ce que le gouvernement Ouyahia ne veut plus entendre parler du projet de loi contre la corruption dont le vote par les d�put�s est sans cesse report� depuis juin dernier ? Le ministre de la Justice, dont le d�partement a pilot� l��laboration du document � grands renforts m�diatiques de longs mois durant, reste �trangement silencieux : en a-t-il trop fait ou trop dit, ou lui a-t-on signifi� la fin du brouhaha autour de ce projet de loi, mission accomplie ? A moins que ces reports successifs du vote soient le r�sultat d�une tr�ve entre les diff�rentes factions du pouvoir qui s�affrontent par grosses affaires de corruption interpos�es ? Un rappel chronologique s�impose pour essayer de comprendre ce qui se passe.

En avril 2004, l�Alg�rie ratifiait par d�cret pr�sidentiel la Convention des Nations unies contre la corruption qui avait �t� adopt�e � New York en octobre 2003. Les instruments de cette ratification furent enregistr�s aux Nations unies au mois d�ao�t 2004. Cette ratification oblige le gouvernement alg�rien � adapter la l�gislation � cette convention. Le gouvernement a r�duit cette adaptation � l��laboration d�un avant-projet de loi anti-corruption, processus qu�il n�a cess� de fortement m�diatiser pendant pr�s d�une ann�e jusqu�� son d�p�t � l�Assembl�e nationale. Une fois l�avant-projet ficel�, on s�attendait que dans la foul�e du grand tapage m�diatique men� par l�Ex�cutif et qu�� la veille de le soumettre aux d�put�s, � ce que d�une part, le document soit rendu public, et que, d�autre part, des d�bats soient initi�s et/ou encourag�s par le gouvernement, et enfin, que le contenu de cet avant-projet soit au moins � la hauteur de celui de la Convention des Nations unies : il n�a rien �t� de tout �a. Plus grave encore, confirmant l�absence de volont� politique et l�inexistence de conviction, le gouvernement a pr�sent� son projet � l�Assembl�e nationale en juin 2005, en catimini, face � un h�micycle vide (et en pleine session du baccalaur�at), et dans la pr�cipitation : � peine 2 semaines s��taient �coul�es entre l��tude de l�avant-projet par la commission juridique et sa soumission en pl�ni�re ! M�me la pr�sentation du texte par le ministre de la Justice a �t� de pi�tre qualit�, ministre qui a �t� d�ailleurs malmen�, m�me par les d�put�s de son camp et qui n�a pas su r�pondre � certaines questions, notamment ayant trait � l��tat des lieux de la corruption en Alg�rie ou aux raisons qui ont amen� Bouteflika � dissoudre en 2000 l�Observatoire national de surveillance et de pr�vention de la corruption (ONSPC). Cet observatoire, cr�� par le pr�sident Zeroual en 1996 � Ouyahia �tait chef du gouvernement � s��tait surtout singularis� par une �trange discr�tion : aucun rapport d�activit� ne fut rendu public, encore moins un bilan. Install� sur les hauteurs d�Alger, �chemin des quatre Canons�, l�ONSPC est rest�, tout au long de sa courte existence, bien silencieux. Ce qui d�notait d�j� � l��poque que cet organisme gouvernemental avait �t� cr�� sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, la Banque mondiale principalement, et qu�il n�y avait aucune volont� politique au niveau du pouvoir de lutter contre la corruption. Nous assistions � un remake de la situation et des conditions qui pr�valaient lors de la cr�ation de la Cour des comptes en 1980 : 25 ans apr�s, cette Cour � mise en place surtout pour r�gler des comptes � poursuit sa longue agonie. Et gare � ceux qui veulent essayer de la r�animer, � l�image de ses 4 syndicalistes que l�on a arbitrairement et injustement suspendu, que l�on a fait passer en conseil de discipline et qui, selon El Khabar du 5 novembre 2005, viennent heureusement de b�n�ficier d�une lev�e de suspension !

La volont� politique n'est pas au rendez-vous

Le m�me sc�nario semble se dessiner en 2005, avec cet avant-projet de loi contre la corruption. En juin dernier lors du d�bat � l�Assembl�e nationale, la plupart des d�put�s qui sont intervenus � issus pourtant de la majorit� de l�alliance dite pr�sidentielle � n�ont pas cach� leur scepticisme vis-�-vis de la d�marche gouvernementale, et la suite des �v�nements ne leur a pas donn� tort. Des amendements avaient m�me �t� propos�s : ils devaient �tre trait�s par la commission juridique, et certainement que, toujours dans la m�me pr�cipitation et la m�me confusion, le peu de d�put�s qui �taient pr�sents ce mois de juin � l�Assembl�e nationale, si le quorum avait �t� atteint, auraient vot� le projet de loi � l�unanimit�. Mais il n�en a rien �t�. Le vote a �t� report� une premi�re fois, � la veille de la cl�ture de la session de printemps de l�Assembl�e nationale, et programm� pour le d�but de la session d�automne en septembre. Fin ao�t, � l�annonce de l�ouverture de la session d�automne, le vote de ce projet de loi est programm�. Puis une nouvelle fois, sous le pr�texte, annonc� officiellement, de l�implication et de la mobilisation des d�put�s pour la campagne du r�f�rendum du 29 septembre 2005, ce sont les travaux des deux chambres parlementaires qui sont carr�ment suspendus, et donc le vote du projet de loi contre la corruption report� une seconde fois, sans pour autant cette fois-ci que l�on annonce une nouvelle programmation. Puis il y eut le mois de ramadhan, et la pr�sentation aux d�put�s du projet de loi de finances 2006 : ce mois de novembre verra les d�put�s d�battre en priorit� de ce projet de loi de finances. A quand le vote de l�avant-projet de loi contre la corruption ? La multiplication des reports traduits on ne peut mieux, s�il y avait encore des doutes, le peu d�empressement � l�adopter et l�absence de volont� politique dans ce sens.

Dans le prolongement de la non ratification de la Convention de l'Union africaine

Le gouvernement n�a m�me pas �t� capable de se d�barrasser d�une formalit� qui commen�ait � devenir encombrante, et ainsi, satisfaire un tant soit peu ses partenaires internationaux, tout en desserrant les pressions pour un bon bout de temps, et consacrer, m�me formellement, les engagements qu�impliquent la ratification de la Convention des Nations unies. Ce qui s�apparente � un reniement explique en grande partie les raisons de la non-ratification � ce jour par l�Alg�rie de la Convention de l�Union africaine de pr�vention et de lutte contre la corruption : il l�a pourtant sign�e en d�cembre 2003. Cela aura �t� toujours �a de gagn� pour l�Ex�cutif, surtout que pendant la m�me p�riode, il a fallu g�rer les scandales de corruption qui faisaient l�objet de r�v�lations dans la presse (affaire du wali de Blida notamment) et qui s�apparentent � une mont�e en cadence d�une campagne de r�glement de comptes au c�ur du pouvoir, campagne qui ne semble pas conna�tre d�accalmie, l��norme scandale financier de la BNA en est une preuve suppl�mentaire. Et le gouvernement de multiplier les bourdes, pris de panique, en clamant haut et fort qu�il n�y a pas de sa part de campagne �mains propres� ! Qui y a-t-il de r�pr�hensible � mener une op�ration mains propres ? Sauf � vouloir se cacher derri�re une ind�pendance virtuelle de la justice qui, elle, ne cesse de multiplier les campagnes : affaire Khalifa, affaire de l�ancien wali d�Oran, affaire de l�ancien wali de Blida, affaire de l�importateur de Kol�a, etc. C�est pourtant ce m�me gouvernement et ses juges qui m�diatisent ces affaires � sans aucune g�ne � violer le secret de l�instruction � puis d�cident subitement de ne plus en parler, les utilisant comme des �p�es de Damocl�s. Le gouvernement se retrouve pi�g� par les r�v�lations que lui-m�me distille. Le tout ne faisant bon m�nage avec le projet de loi anti-corruption. Quant � ce dernier, c�est une coquille vide : l�histoire de la montagne qui accouche d�une souris qui se fait d�sirer, et m�me cette souris, le gouvernement n�en veut pas : il pr�f�re la technique de l��pouvantail. Le document en lui-m�me est tr�s en retrait par rapport � la Convention des Nations unies. Juste deux aspects � titre d�exemple, et non des moindres. Premier exemple : l�ind�pendance de la future agence anti-corruption. Tous les indicateurs dans le projet vont � l�encontre de cette ind�pendance. Deuxi�me exemple et non des moindres : le r�le de la soci�t� civile est r�duit � sa plus simple expression, et ce n�est pas une surprise de la part d�un pouvoir liberticide, autoritaire et policier. Un peu de courage politique, �Messieurs que l�on nomme les grands�, faites voter ce projet de loi malgr� tout, m�me si ce vote sans cesse retard� a dilapid� tout le b�n�fice issu de la ratification de la Convention des Nations unies par l�Alg�rie, parmi les premiers pays au monde.
Djilali Hadjadj

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