Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Et maintenant, on frappe !
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr


Quelque jour, il faudra bien que quelqu�un se colle � la d�cortication de la grandeur et de la d�cadence du bus dans la r�gence d�Alger. Pas celle que les Ottomans tenaient pour une province suzeraine, mais bien celle d�aujourd�hui. Pourquoi le bus ? Avec ses quatre roues et son moteur, c�est un animal coriace qui a fini par symboliser paradoxalement le surplace politique.

Aussi loin qu�on remonte dans les annales de la satrapie, on le rencontre, le bus ! Rubrique �solidarit�, par exemple. Chaque fois que le ministre en charge de traduire les deniers publics en pr�sents privatifs et n�anmoins r�galiens s�emploie � offrir, ce sont des bus. Combien de ces animaux ont-ils �t� c�d�s, depuis 1999, � des collectivit�s ou peut-�tre m�me � des individus en �change de ralliements et d�all�geance? Je ne sais pas combien de chevaux repr�sente la puissance d�un bus mais je suis s�r que si l�on additionnait tous les chevaux des bus offerts par qui vous savez � qui vous ne savez pas forc�ment, �a ferait la cavalerie de l��mir Abdelkader. Facilement ! D�ici la fin du troisi�me mandat, on atteindrait celle de Gengis Khan. Le bus est devenu un symbole, poussif et, � ce titre, il est in�puisable en sens. Le sens, c�est son carburant. On le triture, il y en a encore. Du sens. On l�exonde, il y en a toujours. On l�essore, il restera quand m�me la petite goutte qui fera d�border le vase. Le transport �tudiant, tiens ! Les bus du Cous, tous les �tudiants connaissaient ! Propri�t� de l�Etat, c'est-�-dire de vous et moi ? Eh bien, �a a vir� priv� ! Tout Alger, para�t-il, sait � qui appartiennent d�sormais les bus qui furent jadis au Cous. Tout Alger et moi et moi et moi� ! En tant que symbole et en tant que moyen de locomotion, le bus a atteint sa pleine mesure au cours de la derni�re campagne pr�sidentielle. On aura remarqu� ces escouades de bus et de microbus lou�s ou r�quisitionn�s dans d�autres wilayas pour d�verser leur contenu de supporters transform� en claque spontan�e en Kabylie. Ils l�ont fait, oui ! Comme in situ il manquait des mains pour se cogner l�une l�autre � la gloire de l�heureux r��lu, on a �import� � de la main-d��uvre. C�est le RCD qui a �vent� la man�uvre. Sur le site du parti de Sa�d Sadi, on peut voir en flagrant d�lit ces bus trahis par leurs plaques d�immatriculation. On les voit � la queue-leu-leu, num�rot�s dans d�autres wilayas, sans vergogne, ni hachma. Symbole de la d�rision du politique sous l��re Bouteflika, le bus atteint son apog�e dans ces enfilades qui transportent des hommes et des femmes arrach�s � leur boulot, contre la promesse de va-savoir-quoi, cahotant comme des b�taill�res vers des bureaux de vote, la carcasse couverte de drapeaux mit�s et de portraits g�ants du Commandeur. Le soir du vote, ils sont sortis, les dinosaures, parfois flambant neuf, souvent la peau �caill�e et les naseaux crachant du feu klaxonnant � tout berzingue avec leur cargaison de supporters tintinnabulante qui, comme si elle avait arrach� �prement une victoire, vocif�rait de joie. Dieu, ce que �a fait sousdev, ce spectacle ! Ces bus avec des t�tes qui �mergent des fen�tres grima�ant une morgue de vainqueurs, c�est d�une affliction ! Je me demande ce que �a aurait fait � dos de cheval, ces processions f�tant le vainqueur d�un match vendu. D�ailleurs, on n�a pas assez dit que l�abstention est une position politique honorable, sp�cialement dans des circonstances comme celles de cette �lection qui ne permettaient pas d�autre fa�on d�exprimer un d�saccord. En d�pit de toutes les contraintes et menaces pour obliger les gens � voter, le taux d�abstention reste pr�occupant. Pour eux, l�-haut ! Car ils savent, eux, que les 74% de participation, c�est de la fiction et ils n�ignorent pas que le pire des mensonges est celui qu�on se fait � soim�me. �a prouve qu�on ne se respecte pas ! Ils ont utilis� un truc aussi vieux que le FLN lui-m�me pour forcer la main aux citoyens pour qu�ils aillent voter m�me si �a ne leur disait rien. Un classique du genre, qui marche � tous les coups. Faire croire que la carte �lectorale d�ment tamponn�e est indispensable � l�obtention de papiers administratifs. Aucune loi dans aucun pays au monde, pas plus en Alg�rie qu�ailleurs, n'autorise � exiger de prouver que l�on a bien vot� en �change de l'obtention de papiers administratifs. Ces derniers sont un droit. Quand elle contraint � apporter cette preuve pour obtenir ce que de droit, l�administration se rend coupable d�abus de pouvoir. Il faut d�sormais que les Alg�riens le sachent et ne se laissent pas faire. La loi ne vous oblige pas � voter ! Dans une d�mocratie o� les jeux sont clairs et les r�gles de l�alternance effectives, o� glisser un bulletin dans une urne a un sens, c�est en effet un acte citoyen que de voter. Ne pas le faire, c�est amoindrir la force citoyenne qui mandate des hommes pour la repr�senter. Mais dans une �lection comme celle qui vient de se d�rouler chez nous ? Franchement ! Le seul souci qui justifie les appels � voter et la d�nonciation compulsive de l�abstentionnisme, ce n�est bien s�r rien d�autre que le motif narcissique. Audemeurant, c�est Bouteflika lui-m�me qui l�a dit sous des formes diff�rentes. Il fallait une participation sovi�tique pour un �oui� nord-cor�en pour se sentir dans des habits confortables ! Si on se demande, comme ce serait l�gitime en pareil cas, que va faire Bouteflika maintenant qu�il est r��lu, c�est qu�on a la m�moire courte. Pour conna�tre son programme, il suffit de se rappeler que, en 2004, son premier chantier a �t� la r�torsion. Pendant la campagne, � la fois par tactique d�mocratique mais aussi parce qu�il n��tait pas possible d��tre cr�dible en juge et partie, on a laiss� dire des choses. Et maintenant, on va frapper. Le couperet va tomber ! Tous ceux qui croient sinc�rement que le pr�sident r��lu va utiliser les premiers mois de son troisi�me mandat � tenir ses promesses �lectorales se trompent. D�abord arranger leur cravate � ceux qui se croyaient libres d�avoir � redire ! Le reste, bof !
A. M.

P. S. d�ici : Mon ami Mohamed Bensalem nous a quitt�s. Son immense c�ur lui a jou� un tour. Tous ceux qui l�ont connu au lyc�e Abane Ramdane d�El Harrach, dans cette derni�re ville avec laquelle il se confondait, dans l�agriculture qui a �t� le secteur auquel il s�est consacr�, garderont de lui l�image d�un homme calme et pugnace, lucide et id�aliste. C�est une �vidence que tous ses proches savent que de dire que sa gentillesse �tait l�gendaire et son d�vouement aux autres une seconde nature. Mohamed �tait un artiste qui a t�t�, dans notre jeunesse commune, du th��tre avec Le th��tre de la rue. Le d�mon des planches ne lui �tait jamais vraiment pass� puisque, il y a encore quelques mois, nous avions parl� de la possibilit� de reformer une nouvelle �quipe avec des jeunes. C��tait aussi un citoyen et un r�publicain, un habitant de la Cit� et un homme soucieux de la chose publique, qui commentait l�actualit� comme personne. Il s��tait engag� en politique par conviction mais il avait tr�s vite compris que ses pairs n�avaient pas forc�ment les m�mes motivations que lui. Personnellement, je perds en lui l�ami d�adolescence avec qui j�ai grill� ma premi�re cigarette et fait ma premi�re excursion. Nous nous sommes perdus de vue pendant trente ans, chacun pris dans la spirale de sa vie propre. Il y a six ans, je le retrouvais � la faveur d�un �v�nement surprenant. Au salon du livre d�Alger, il s��tait form� un attroupement au moment o� des douaniers �taient venus saisir deux de mes livres au stand de mon �diteur. J'ai vu un visage familier surgir du cercle. C��tait Mohamed. C�est comme si on s��tait quitt� la veille. Depuis, et comme pour rattraper le temps perdu, on s�est revu r�guli�rement. Quand j�ai appris son d�c�s, je ne savais pas encore qu�on pouvait se sentir orphelin en perdant un copain. Saha, Mohamed !

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable