Soirmagazine : ENQU�TE-T�MOIGNAGES
Les surdou�s, aubaine ou gal�re ?


Par Sabrinal
Qu�une f�e se penche sur le berceau de b�b� et le dote d�une intelligence hors normes, c'est le r�ve de tous les parents. Na�tre avec un QI (quotient intellectuel) sup�rieur � 140 fait la fiert� des siens.
D�clamer par c�ur, � deux ans, des vers de Pr�vert et de Khalil Gibran ; jouer � 3 ans du violon comme L�opold Mozart ; surfer sur le Net � 3 ans et demi ; parler plusieurs langues � 5 ans ; jongler avec des formules math�matiques � plusieurs �quations et inconnues � 6 ans ; d�crocher son bac avec mention �tr�s bien� � 14 ans... L'enfant prodige, force l�admiration de son entourage et suscite de la jalousie aupr�s de tous ceux que Dieu a affubl�s d'une prog�niture ordinaire, avec un QI en dessous de la barre de 100. Il est �tabli que la moyenne du QI se situe autour de 100. Selon les tests du psychologue am�ricain David Wechster, on parle de �surdou� au-del� de 130. A ce niveau-l�, ces blind�s du cerveau additionnent plus vite qu�une calculatrice, r�fl�chissent � mille choses en m�me temps, jouent de plusieurs instruments de musique, ils sont �tonnamment curieux, vifs, et bien entendu, tout le monde les trouve intelligents. Bref, ce sont de v�ritables g�nies � haut potentiel intellectuel. Mais si certains de ces prodiges se frayent tant bien que mal une place dans la soci�t�, d�autres vivent tr�s mal leur sur-don. Finalement, �tre surdou� serait-il synonyme de cadeau empoisonn� ? Est-ce que le �turbo� de l�intelligence peut � tout moment se gripper, pour peu qu'il soit �touff� ? Pourtant, dans l�esprit de tous, un surdou� est promis � une carri�re professionnelle des plus brillantes. Apparemment, la r�alit� peut s'av�rer tout autre ! Cette offrande du ciel suscite parfois en eux un patent sentiment de d�calage vis-�-vis de leurs cong�n�res. Finalement, atout ou handicap ? Sont-ils nombreux � avoir r�ussi leur vie scolaire ou professionnelle ? Avoir un enfant surdou�, quel parent n�en a pas r�v� ? Mais nombreux sont ceux qui d�chantent une fois leur m�me sur les bancs de l��cole. Anissa, 35 ans, m�re d�un adolescent de 15 ans, nous fait part de son quotidien : �A 3 ans, mon fils Adel parlait couramment anglais, fran�ais et arabe. Je le faisais travailler � la maison et j��tais �tonn�e de le voir retenir chaque mot, chaque expression avec une facilit� d�concertante. Attir� par l�ordinateur, il a �galement commenc� � montrer des aptitudes dignes d�un pro. Scolaris� � l'�ge de 5 ans, il a, d�s ses d�buts, �pat� ses enseignants. A la maison, il ouvrait � peine ses cahiers. Ce qui ne l�emp�chait pas de caracoler toujours � la premi�re place. Mais les ennuis sont apparus en classe de CM1. Adel a commenc� � s'ennuyer � mourir. Il ne montrait plus aucun enthousiasme � aller en classe. Il a m�me fini par m�avouer que les cours l'aga�aient et qu'il ne pouvait continuer � supporter une telle situation. Une seule minute lui suffisait pour r�soudre un exercice sur lequel ses camarades planchaient pendant une demi-heure. Ses enseignants ont �t� jusqu'� le sortir de la classe, car il emp�chait les autres de r�fl�chir. Aujourd�hui au lyc�e, mon fils n�est plus aussi brillant. Il pr�texte n�importe quel bobo pour s�absenter. Il a l�impression de perdre son temps, en plus de subir une forme de rejet de la part de ses camarades qui le traitent d�intello, de �khechkhach� et autres qualificatifs qui le stigmatisent et lui rappellent qu�il est diff�rent des autres.
Dans notre pays, �tre surdou� ne m�ne pas n�cessairement � une excitante carri�re. J�ai retrouv� d'anciens camarades de lyc�e sur les r�seaux sociaux � la t�te de postes importants et valorisants au Canada, en France ou aux Etats-Unis.
Aussi, pour mieux se fondre dans la masse, ne m'a-t-il pas avou� foirer volontairement ses compositions ? De l� � verser dans l��chec scolaire, il n�y a plus qu�un pas. Je suis exacerb�e de constater comment un atout, cadeau du ciel, peut devenir un handicap ? Et tout �a, parce qu'il n'existe aucune �cole sp�cialis�e chez-nous�, s�inqui�te Anissa. Tous les enfants surdou�s sont-ils promis � de brillantes carri�res? Sont-ils plus nombreux � atterrir � l�universit� d�Harvard, Oxford, Berkeley ou Cambridge ? Deviennent-ils l��lite intellectuelle bard�e de dipl�mes ? Pas toujours ! Diagnostiqu�e surdou�e lorsqu�elle �tait petite, Nacera, 47 ans, avait m�me saut� une classe au primaire. Aujourd�hui cadre dans une entreprise nationale, elle fixe le r�troviseur de sa vie non sans amertume. �J�avais � peine entam� mon CE1 que mon institutrice jugea que j��tais trop en avance sur mes camarades pour que je m�encroute dans cette classe. Aussit�t, j'ai rejoint le cours de CM1. Je venais donc de gagner une ann�e en sautant une classe, ce qui �tait aux yeux de mes parents une grande fiert�, d'autant que j'ai �t� inscrite � 5 ans. Toujours premi�re en classe, j�ai d�croch� mon bac � 16 ans. J�ai alors choisi de faire �lectronique � l�universit� de Bab Ezzouar. J�aurai peut-�tre mieux fait de partir �tudier � l��tranger, comme bon nombre de mes camarades ? A peine mes �tudes termin�es, je me suis mari�e. Les enfants sont vite arriv�s. Je me suis d�s lors consacr�e � mon r�le de maman. Mais lorsqu'il a fallu trouver un job, j�ai d� me contenter d�un simple poste de fonctionnaire, � passer la journ�e enti�re derri�re un bureau. Enfin, c'est juste pour dire que dans notre pays, �tre surdou� ne m�ne pas n�cessairement � une excitante carri�re. J�ai retrouv� d'anciens camarades de lyc�e sur les r�seaux sociaux � la t�te de postes importants et valorisants au Canada, en France ou aux Etats-Unis, et lorsque je leur apprends ce que je deviens, ils sont d��us � ma place. Ils pensent que je perds mon temps et que je d�p�ris entre quatre murs. Le pire... c'est qu'ils ont raison !� En d�finitive, peut-on vivre sa qualit� de surdou� dans un environnement... tr�s peu dou� pour appr�cier et encourager des valeurs aussi intrins�ques ? Il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir... dit-on.

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