Par Naïma Yachir
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A 48 ans, ce vieux garçon a décidé d’enterrer sa vie de garçon. La
future épouse est vite trouvée. Une ancienne connaissance de sa vieille
mère. Une fille de bonne famille, la trentaine, instruite, docile ; elle
est toute indiquée pour rendre heureux le tout dernier. Mohamed
savourera, et pourquoi pas, les délices des fiançailles.
Des sorties en couple, des dîners dans les grands restaurants, il faut
dire que Mohamed aime la bonne chair et possède un goût raffiné de la
cuisine, et aime la faire partager à son alter ego. Elle est heureuse de
se pavaner avec lui, un homme qui ne compte pas ses sous pour faire
plaisir à sa dulcinée. Mohamed avoue que Salima ne lui déplaît guère, et
qu’en fin de compte, sa mère a fait le bon choix. La date du mariage est
fixée. Notre couple peaufine les derniers préparatifs avant le jour J.
Fatigué d’une journée interminable de lèche-vitrine, Mohamed invite
Salima à dîner chez lui. C’est dans la cuisine qu’il la conduit. «Ici,
c’est mon royaume. J’adore les plats biens mitonnés de ma chère maman.
Et je souhaite que l’élue de mon cœur prenne la relève. Ma mère se fait
vieille, elle a droit à un repos bien mérité.» Salima, visiblement
gênée, fait mine de n’avoir rien entendu, change vite de sujet et
prétexte une migraine. Mohamed tout attentionné lui suggère d’aller se
reposer au salon. «Et dire que j’allais te proposer de nous mijoter
quelque chose : histoire de tester tes connaissances culinaires»,
lance-t-il en riant. Entre-temps, Mohamed cassera quelques œufs et fera
une omelette aux oignons, qu’il garnira de persil haché.
Le repas fut vite avalé et Salima, rouge de honte, ne fera aucun
commentaire. Mohamed l’accompagnera chez elle, et tout au long du trajet
il ne cessera de lui répéter combien il aime la table bien garnie et
rêve des festins que sa bien-aimée lui préparera. Ils se quittent en se
donnant rendez-vous pour le surlendemain. Il l’appellera au téléphone et
sa première question fut :
- Au fait, que feras-tu au déjeuner aujourd’hui ?
- Rien de spécial, je vais envoyer mon jeune frère nous chercher un
poulet rôti.
- Tu préfères les repas de gargote à un plat fait maison ?
- Disons que ça va plus vite, et surtout il n’y a pas de cassement de
tête. Chez nous, ça se passe comme ça, si ce n’est pas la volaille ce
sont les sandwichs.
- il vous arrive quand même de cuisiner.
- Rarement, pour ne pas dire jamais. C’est ma mère qui s’occupe de cela.
Et puis de toi à moi, je déteste faire à manger. Je trouve que c’est une
perte de temps. Et puis, je crois que j’ai de la chance de tomber sur un
homme qui le fera à ma place !
Mohamed n’en croit pas ses oreilles. Il raccroche, le visage déformé par
la colère. Fou furieux, il se dirige droit vers sa mère. «J’ai changé
d’avis, je préfère ma vie de vieux célibataire endurci. Débrouille-toi
pour rompre cette relation.»