Actualités : Le Bonjour du «Soir»
Aher 31 Mayu 2965
Par Maâmar Farah
A l'école française de mon village, M. Viola nous apprenait le
français. Seulement le français. Pour nous faire rentrer dans la tête
que nos ancêtres étaient les Gaulois. Mais heureusement que nos pères
avaient bâti une médersa mitoyenne de la mosquée où nous apprîmes enfin
que nos ancêtres n'étaient pas les Gaulois. En langue arabe, s'il vous
plaît ! Une dimension de notre personnalité ignorée jusque-là !
Français, arabe... Il manquait pourtant l'essentiel, le fondamental, la
langue de nos ancêtres, celle qui était couramment parlée il y a une
quarantaine d'années à peine et qui a été violemment bousculée avant de
mourir à petit feu. Vous comprendrez alors pourquoi, en ce dimanche 31
mai, je ne pouvais retenir mes larmes en assistant au premier cours en
chaoui de l'Histoire, au CEM Mohamed-Seddik-Benyahia de M'daourouch.
(Rachid Hamatou de Batna pleurait à côté de moi ; pleurons enfants de
Dihya ! ) Symbolique certes - activité complémentaire au colloque
«Regards croisés sur Apulée» organisé par le HCA, ce premier cours a
néanmoins ouvert les portes de l'école locale à la langue des ancêtres.
En voyant la date du jour écrite en berbère (Aher 31 Mayu 2965) sur le
tableau blanc, j'ai pensé au moment où nos regards croisèrent, sur un
autre tableau noir, ces premières lignes en arabe qui brisaient enfin
l'hégémonie de la langue du colonisateur. Aujourd'hui est un jour
historique parce que la langue de nos ancêtres revient enfin chez elle,
dans sa maison, par la grande porte. Et qu’elle est grande sa maison :
elle va du Nil à l'océan Atlantique et de la Méditerranée au Burkina !
Ne mérite-t-elle, plus que toutes les autres, une «année de la culture
amazighe»?
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