Régions : UN COLLOQUE LUI A ÉTÉ CONSACRÉ RÉCEMMENT À L’INPED DE
BOUMERDÈS
Management : le modèle algérien à l’état embryonnaire
«Aujourd’hui, l’Algérie pour progresser
économiquement n’a pas besoin d’une nouvelle théorie économique mais
d’un modèle de management autonome», lit-on dans le texte introduisant
le colloque intitulé «Quels modèles de management pour l’Algérie»
organisé par l’Inped (Institut national de la productivité et du
développement industriel) de Boumerdès.
Ce conclave conçu et animé par deux spécialistes du management, connus
mondialement, les professeurs Tayeb Hafsi (Hec Montréal) et Bachir
Mazouz (Enap Québec) en l’occurrence, avait posé la problématique en ces
termes «Les théories économiques les plus élaborées butent toujours sur
les capacités des acteurs à les mettre en vie. Les pays qui ont réussi
le mieux en la matière, le Japon ou Taïwan dans les années 1970/1990, la
Corée du Sud, la Malaisie, la Chine de nos jours, avaient tous une
capacité managériale qui reposait sur un modèle spécifique.» En fait,
existe-t-il un modèle algérien de management ? La question se pose,
comme on vient de le voir, dans le cercle des chercheurs dans ce domaine
mais également au sein de la corporation des managers des grandes
entreprises, privées notamment. Pour notre part, nous l’avons posée au
professeur Tayeb Hafsi, lequel, à l’invitation de l’Inped que dirige
Fouzia Osmani a animé, aux côtés du professeur Bachir Mazouz (Enap
Québec), ce conclave.
Pour le professeur Hafsi, ce modèle algérien existe, c’est indéniable,
mais il est, d’après lui, «un modèle algérien naissant». Pour lui, ce
modèle se construit sur les valeurs universelles, comme la gestion des
finances de l’Entreprise, qui sont immuables et les valeurs culturelles
spécifiques à l’Algérie.
Avant d’ouvrir cette perspective pour la gouvernance de l’entreprise
algérienne, le professeur Hafsi fait une petite rétrospective de cette
entreprise algérienne. «Honnêtement, il faut prendre ça avec précaution.
On parle d’éléments d’informations qui sont encore embryonnaires mais
systématiques. Nous travaillons sur une vingtaine d’entreprises privées
algériennes. Ce qui nous permet de dégager des éléments palpables à ce
sujet mais à prendre tout de même avec précaution», nous confiera-t-il.
Il nous explique, par ailleurs, que le comportement ambitieux de
certains entrepreneurs algériens est un argument concret sur des
capacités managériales de ces entreprises privées. «Il y a tout de même
deux éléments très importants. Quand on parle de modèle d’affaires, on
parle de la concurrence et de la capacité des entreprises à être
compétitives. Comment ces entreprises abordent la concurrence ? Toutes
les entreprises que nous avons vues ne veulent pas se contenter de
garder leurs parts du marché. La plupart de ces entreprises ont des
ambitions qui vont au-delà du marché national. Elles se construisent
comme si elles allaient en compétition avec des entreprises plus
grandes. Certaines se comparent avec des entreprises européennes alors
qu’elles pataugent dans des difficultés de tous les jours. Mais elles
prennent des décisions qui vont dans ce sens : elles font de la
certification internationale, elles vont chercher les meilleures
ressources en matière de management pour les aider.»
Des capacités de management à puiser dans la liberté d’entreprendre
Résoudre les problèmes familiaux qui sont, parfois, sources de
difficultés, les entrepreneurs veulent trouver des conseils pour les
régler. Cependant, la famille, dans sa conception culturelle, reste une
valeur fondamentale dans la constitution du management de l’entreprise
privée algérienne. Le professeur Hafsi met en exergue cette donnée.
«Effectivement, le plus grand problème de l’entreprise privée algérienne
est d’ordre familial. En plus de cela, les entreprises privées
algériennes sont enracinées dans les valeurs du pays. Ces valeurs les
poussent à avoir des comportements spécifiques. Ce qui leur donne un
avantage qui se concrétisera par l’augmentation de la coopération à
l’intérieur de l’entreprise et leurs capacités à être compétitives.
C’est cet aspect qui est, à mon avis, porteur du futur.» Mais
l’environnement économique du pays n’est pas, pour l’heure, favorable de
l’entreprise privée, comme vecteur principal du pays dans la production
des richesses et de la valeur ajoutée. Notre interlocuteur le déplore.
«C’est vrai, nous sommes dans un pays où l’on ne sait pas ce qui va se
passer demain. Le comportement de l’Etat et des institutions sont
turbulents et il y a beaucoup d’incertitudes. La préoccupation de
l’argent est secondaire. La plupart des chefs d’entreprises
s’intéressent à la communauté et ce qu’ils peuvent faire dans le domaine
de la solidarité. L’acteur principal en Algérie doit être l’entreprise
et je ne comprends pas pourquoi l’université ne sort pas pour étudier
cette entreprise. Le modèle algérien est naissant. Il faut surtout aider
l’entreprise à mieux factionner. L’Etat peut faire beaucoup mieux mais
actuellement et, je suis désolé de le constater, cet Etat est le
principal frein du développement de l’entreprise. Il n’y a pas une
volonté de freiner mais il y a une incompréhension. Il est urgent de
laisser les entreprises de travailler, elles n’ont pas besoin d’argent
mais d’un environnement sain. L’Etat n’a pas besoin de dire que tous les
entrepreneurs sont des voleurs, ce n’est pas normal. L’Etat doit
valoriser les entreprises aux yeux de la population.»
Abachi L.
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