Chronique du jour : LES CHOSES DE LA VIE
Quand l'arbitre Bouteflika tire son carton rouge !
C’est
autour de ce fameux PPP que s'est polarisée l'attention cette semaine.
Cet épisode reflète correctement les luttes actuelles entre l'oligarchie
et les forces patriotiques qui ne sont pas contre la privatisation mais
veulent une démarche qui ne s'apparente pas à de la prédation. J'ai
discuté de ce sujet des nuits entières avec mes amis Facebook et la
conclusion que je retiens, au moment où je me mets à la rédaction de cet
article, est que l'opinion publique se passionne beaucoup plus pour ce
qui s'apparente, selon elle, à la «lutte des clans» ou à des querelles
de sérail dans la perspective d'une succession difficile. En s'attardant
sur ces «actualités», n'occulte-t-on pas le fond du problème qui est
d'une gravité extrême ? Nous étions sur le point d'assister —
passivement pour la majorité — à un véritable transfert de propriété de
biens colossaux, d'hôtels prestigieux, de minoteries disposant de
terrains plantés au cœur des villes; bref, d'une fortune colossale
appartenant au peuple, bâtie avec hargne et moult sacrifices, vers des
poches privées. Quand nous évoquons ces sujets, on nous reproche d'être
les ennemis de la privatisation. Oui, c'est certain, mais de cette
privatisation-là. Et nous avons mille raisons de la refuser car les
précédentes expériences n'ont apporté que ruine et désolation là où il y
avait un minimum d'activité, tout en enrichissant des hommes issus des
mêmes milieux qui tournoient autour des centres de décision. Une
question est revenue dans ces débats facebookiens : pourquoi tout ce
retard dans la réaction de la présidence ? Tout en rappelant que je ne
suis pas dans le secret des dieux, je dois préciser que ce genre de
situations durant le règne de M. Bouteflika n'est pas une nouveauté.
L'homme ne prend pas les décisions sur un coup de tête. Dans le cas de
M. Tebboune, comme celui de M. Ouyahia, il semble que ce n'est pas la
démarche qui est visée mais la manière peu orthodoxe avec laquelle ont
été menées des opérations visiblement contradictoires mais qui ont un
fond commun. Personne ne m'enlèvera de la tête que M.Tebboune a été
réellement chargé par le Président d'assainir les écuries d'Augias mais
il s'y prit d'une manière maladroite, multipliant les invectives et le
ton accusateur, allant trop rapidement vers les objectifs assignés,
oubliant que le pas politicien n'est pas celui d'un coureur de 100
mètres et qu'il faut beaucoup de sagesse, de diplomatie, de dialogue
pour atteindre le but. Sa mise à l'écart brutale a été aussi le résultat
de contradictions affirmées entre l'oligarchie et les forces
patriotiques qui existent toujours quoi qu'en disent certains. Match
gagné par l'oligarchie qui s'est sentie rassurée et tellement forte
qu'elle a voulu agir vite, prendre tout ce qu'il y a à prendre, après
avoir endormi une Assemblée populaire vendue au capital privé. Cette
précipitation, l'agitation du premier syndicaliste qui allait livrer des
entreprises publiques à des patrons privés qui... n'ont même pas de
sections syndicales chez eux et l'assurance d'un Ouyahia rappelé pour
redresser la situation économique et qui a bien réussi jusque-là, ont
éveillé les soupçons d'autant plus que les biens visés figuraient
parfois comme des symboles, pas seulement de l'histoire algérienne mais
des annales mondiales. L'hôtel St-George, avec son jardin botanique
unique, fut le lieu où se joua, en grande partie, l'issue de la Seconde
Guerre mondiale. Le livrer à un «gonfleur de pneus» l'aurait achevé!
Cette précipitation et le butin qui allait changer de mains furent d'une
telle ampleur que le Président a dû user de son autorité pour arrêter
net la prédation en cours. Dès lors, fallait-il saluer la décision
attendue par tous les patriotes ou se perdre dans les interprétations
politiciennes des uns et les délires fantaisistes des autres ?
L'aveuglement ou la haine des partisans sectaires empêche toujours d'y
voir clair. Et il me semble parfois que j'ai affaire à des opposants qui
infiltrent les réseaux sociaux pour vendre leur marchandise et vanter
leurs chefs. Nous ne sommes pas des opposants. Notre parole est libre.
Cette liberté nous permet de dire tout haut ce que nous pensons des
dérives du pouvoir. Mais elle serait incomplète si nous taisions le
geste salvateur du président de la République. Il y a eu des précédents
: rappelons- nous les déclarations tonitruantes du Drabki qui justifia
presque l'occupation du Sahara occidental par le Maroc, en promettant
que cette question allait être revue prochainement ! Et cela au nom du
FLN. Quelle déchéance ! Quelques jours après, le président de la
République recevait en grande pompe le chef d'Etat sahraoui avec toute
son équipe. C'était sa réponse cinglante à la sortie hasardeuse de M.
Saâdani. On peut citer un tas d'autres situations où la réponse est
venue mais avec un retard plus ou moins long. Cette pause est-elle due à
la maladie de M. Bouteflika, comme l'avancent certains ?
Personnellement, je ne le pense pas. Je crois plutôt à un phénomène dû à
la complexité du pouvoir. C'est un concentré de forces contradictoires
où l'arrivée impromptue de l'oligarchie et la puissance qu'elle a eue a
fait dangereusement pencher la balance dans le mauvais sens. Ce n'est
pas le sens voulu par la Révolution algérienne, ni celui qui va avec ses
objectifs suprêmes, ni celui qui reflète les idées de ses hommes
valeureux ! Par le passé, M. Bouteflika s'est tu devant toutes les
privatisations catastrophiques qui ont coûté à l'Algérie des pertes
énormes et la paralysie de son appareil productif, ouvrant la voie à
l'ère des importations massives et destructrices. L'été 2008, il étonna
son monde en déclarant que la voie suivie est «un échec !» Cela
préparait les grandes rectifications de 2008-2009 et, plus tard, la
pause dans les privatisations et la relance de l'industrie publique sous
Sellal. A propos de ce Premier ministre qui s'est fait oublier, et
au-delà des histoires croustillantes qui traînent derrière lui, je pense
qu'il n'a pas eu ce qu'il mérite comme reconnaissance. Tous les grands
projets qui vont être inaugurés en 2018/2019 ont été lancés durant son
passage. Quand M. Tebboune a été promu au poste tant désiré, tout le
monde pensa que c'était l'heure de régler ses comptes à une oligarchie
devenue encombrante. Mais, coup de théâtre, elle renaît de ses cendres
sous M. Ouyahia jusqu'à ce jeudi 11 janvier 2018 ! Il semble bien que
les forces patriotiques et saines viennent de remporter une victoire qui
doit être consolidée par l'arrêt définitif du bradage.
Et s'il y a privatisation, il faut observer les règles suivantes :
1. Elaborer un bilan détaillé et chiffré des privatisation de début 2000
pour en révéler le caractère destructeur du tissu industriel public qui
a échappé aux mains incendiaires des terroristes. Veiller à ne pas
commettre les mêmes erreurs.
2. Ces patrons qui allaient acheter des usines n'ont pas souvent de
l'argent pour en prendre les 60% du capital. Une étude exhaustive de
leurs comptes bancaires renseignerait sur l'état de leurs finances. Il
allaient emprunter à l'Etat pour acheter des biens de l'Etat !
3. Rentrer dans le capital d'une société créée il y a des décennies ne
nécessite pas de grands moyens. Mais, ce faisant, les bénéficiaires vont
aussi jouir des biens mobiliers et immobiliers. Une société peut avoir
un capital d'un milliard mais posséder 600 milliards en biens et avoirs.
Il est impératif de réévaluer le capital de ces entreprises et d'inclure
tous les biens dans la transaction. Il y a les commissaires aux avoirs
pour ce travail. Par ailleurs, il est possible que, par le truchement
des décisions majoritaires et des facilités bancaires, de gonfler la
part du privé, ce qui se traduira par l'atomisation du partenaire
public, qui se retrouvera loin des 40% de départ, avant sa disparition
pure et simple. Il faut mettre des lignes rouges pour éviter ce risque.
4. Une rentrée en Bourse serait une meilleure solution pour les
entreprises publiques. Elle permettrait une recapitalisation qui va leur
donner les moyens de se développer et cela dans la transparence totale.
Voilà une privatisation démocratique. Avant cette opération, il faut
impérativement faire appel aux sociétés de consulting et d'expertise
pour arriver à définir la valeur boursière. Ces cabinets spécialisés
existent en Algérie ou à l'étranger.
5. Dans le cas où les partenaires privés ne répondent pas aux exigences
d'un contrat de performance, faire appel à des géants mondiaux dans la
branche. Ces derniers apporteront de l'argent frais et leur
savoir-faire.
M. F.
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