Corruptions : Mécanismes internationaux de lutte contre la
corruption
L’Algérie n’est pas sortie de l’auberge
Où en est-on de la lutte contre la corruption au
niveau international ? Beaucoup de bonnes intentions ou présentées comme
telles, des initiatives multiples sans résultats concrets, des
conventions en veux-tu en voilà, des engagements sans lendemain… Et
l’Algérie dans tout ça ? Des promesses et des discours sur fond
d’absence de volonté politique.
La corruption en Algérie n’est pas seulement la conséquence de facteurs
internes. Elle est également générée par les relations économiques que
notre pays entretient avec le reste du monde. On peut même présumer que,
du fait de l’importance relative que revêtent, dans des pays de faible
dimension économique ou tributaires de l’exportation de leurs richesses
naturelles comme l’Algérie, les flux de ressources induits par les
programmes de coopération avec les bailleurs de fonds et les grands pays
exportateurs ou alimentés par les recettes pétrolières créent
massivement les occasions de rentes (prélèvement de ressources sans
contrepartie en travail ou produits). Les détournements de ces
programmes et de ces ressources peuvent donc être considérés comme des
causes majeures de l’extension des pratiques de corruption, y compris
des détournements de fonds.
Ces pratiques sont souvent également encouragées par certains grands
exportateurs qui, pour bénéficier de marchés, sans accepter les règles
de la concurrence, recourent aux dessous-de-table. La lutte contre la
corruption rencontre des difficultés autrement plus fortes dans les
rapports économiques internationaux que dans les rapports internes.
D’ailleurs, les méthodes utilisées pour promouvoir l’intégrité à
l’intérieur des États ne peuvent être étendues à la moralisation des
relations internationales. En effet, il s’agit alors de relations entre
opérateurs qui ne sont pas soumis aux mêmes lois, qui ne peuvent être
arrêtés par la même police, ni traduits devant les mêmes tribunaux.
Comme il n’existe pas de système juridique au niveau international, la
lutte contre la corruption internationale dépend de la bonne volonté des
États souverains. Tous les mécanismes de lutte mis en place reposent
donc totalement sur l’adhésion des Etats et leur volonté de coopérer.
Les nations unies contre le crime organisé ?
Le 15 décembre 2000, sous l’égide des Nations unies, 124 pays sur les
148 représentés signaient une convention contre la criminalité
transnationale organisée. Ce texte visait à lutter plus efficacement
contre les mafias en renforçant la coopération entre les Etats et en
harmonisant leur législation. Parmi les engagements contenus dans le
document, on note : «Incriminer la participation à un groupe criminel
organisé, le blanchiment d’argent, la corruption et l’entrave au bon
fonctionnement de la justice.»
Ces 40 dernières années, les Nations unies ont adopté de nombreuses
résolutions et recommandations contre la corruption. Il faut rappeler la
résolution 3514 de l’assemblée générale, en date du 15 décembre 1975,
dans laquelle l’assemblée condamnait, entre autres, toutes les pratiques
de corruption, y compris les actes de corruption commis par des sociétés
transnationales.
Au sein du Conseil économique et social des Nations unies, dont le siège
est à Vienne, en Autriche, il existe une commission pour la prévention
du crime et pour la justice pénale qui traite notamment des questions de
corruption et de crime organisé.
En 2002, les Nations unies devaient réunir les représentants de ses
Etats membres et des partenaires internationaux pour adopter une
nouvelle convention contre la corruption : ce qui fut fait l’année
suivante. Quels résultats depuis l’adoption de ces 2 conventions ? Pas
grand-chose : la criminalité transnationale organisée ne s’est jamais
aussi bien portée et la corruption ne cesse de s’étendre ignorant les
frontières…
La coopération policière internationale : le cas d’interpol
Selon une idée reçue, l’Organisation internationale de police criminelle
(Interpol), basée à Lyon, en France, a une compétence internationale
pour faire respecter la loi. Or, ce n’est absolument pas le cas ;
Interpol est avant tout un réseau de communication, qui permet aux
forces de police nationales d’entrer en contact rapidement, d’échanger
des informations et de signaler les personnes recherchées d’un Etat à
l’autre.
Par contre, il revient aux forces de police des pays membres d’Interpol
de créer des Bureaux centraux nationaux (BCN) dans chaque pays, destinés
à servir de point de contact pour les enquêtes internationales et à
apporter leur aide à leurs collègues étrangers.
Interpol ne fournit pas l’assistance elle-même, mais offre un service de
liaison et est en train de développer des bases de données que les BCN
pourront alimenter et utiliser. Le système n’est pas totalement
centralisé, car les BCN sont libres d’échanger des informations
directement entre eux.
Diversité des initiatives et faiblesse des résultats
De nombreuses initiatives de toutes formes ont été prises dans le cadre
de la lutte contre la corruption internationale. Elles émanent
d’institutions intergouvernementales, de bailleurs de fonds, d’ONG, des
milieux universitaires et de la recherche, d’organismes en charge de la
coopération, etc.
Les grandes conférences et les réunions se multiplient dans ce sens. Ces
rencontres s’achèvent toutes par des déclarations et des
recommandations, et des promesses des participants de tenir leurs
engagements, ou aboutissent parfois à l’établissement de conventions et
de protocoles particuliers.
Quel est l’apport concret de ce foisonnement d’initiatives à la lutte
contre la corruption ? La coordination entre les différents intervenants
n’est pas le point fort de cette dynamique internationale. Il est à
craindre une dispersion des efforts et des moyens, ainsi que des
querelles stériles de leadership.
Par ailleurs, des secteurs importants avancent trop lentement et plus
difficilement, à l’exemple de l’entraide et de la coopération judiciaire
internationales.
Le strict respect des souverainetés nationales sert souvent dans ces
cas-là de prétexte. Il faut cependant noter le nombre et la qualité des
initiatives de lutte contre la corruption internationale.
L’ensemble des organes et des personnes qui soutiennent le combat pour
l’intégrité doivent résolument s’appuyer sur tous ces nouveaux moyens
mis en place et exercer une pression constante pour le renforcement de
leurs dispositions et l’extension de leur domaine d’application.
Les banques de données et la circulation de l’information
Par manque d’une vision globale, la criminalité organisée et la
corruption sont sous-évaluées. Existant sous la forme de réseau informel
depuis 1996, une association était créée à Genève en février 2001 et
venait combler cette lacune. Il s’agit de l’Observatoire du crime
organisé (OCO). Il s’assigne trois objectifs :
• Créer une banque de données sur la base de sources ouvertes traitant
de la criminalité organisée. Cette centralisation de l’information la
rendra plus disponible et plus compréhensible.
• Servir d’outil de travail pour les spécialistes de l’investigation sur
la corruption.
• Développer un «réseau des réseaux» entre les institutions et les
centres de recherche et de documentation, etc., spécialisés dans l’étude
du crime organisé et de la corruption. Il s’agit de tisser un
«méta-réseau» dans lequel l’information circule librement, d’augmenter
la qualité et la rapidité des échanges et de permettre ainsi un
traitement de l’information plus efficace.
Ce type d’initiative mérite d’être suivi pour pouvoir profiter de cette
expérience, d’en lancer de similaires, de développer des actions de
coordination et de s’approvisionner à ces sources d’information.
Djilali Hadjadj
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