Placeholder

Rubrique Ce monde qui bouge

Qataris-Saoudiens, le dégel ? Cartes rebattues ?

Il y a trois ans, Qataris, Saoudiens et Émiratis étaient au bord de la guerre. Aujourd’hui, à l’issue du sommet du Conseil de coopération du Golfe de mardi dernier, ils sont redevenus « frères » ! En 2017, les Émirats arabes unis (EAU) envisageaient de bombarder leur voisin qatari. Un an après, en 2018, dans une lettre adressée au Président Macron (dixit le quotidien Le Monde), le roi Salmane avait menacé à son tour de frapper militairement le Qatar ! L’Égypte, qui accusait Doha de soutenir les Frères musulmans, n’était pas en reste et poussait à la guerre. 
Le Qatar était alors accusé par l'Arabie Saoudite et ses trois alliés — Émirats arabes unis, Bahreïn et Égypte — de soutenir les Frères musulmans, ennemis jurés des salafo-wahhabites, de refuser de rompre avec l’ennemi iranien et, pire, ils lui reprochaient sa proximité avec la Turquie d’Erdogan qui dispute à l’Arabie Saoudite le monopole de l’islam sunnite. En bref, aux yeux de Riyad, Abou Dhabi et le Caire, Doha faisait figure de traître et d’agent infiltré des Iraniens et des Turcs au sein du club des monarchies du Golfe ! 
Les Saoudiens et leurs alliés rompent dès lors les relations diplomatiques et commerciales avec Doha, rupture assortie de sévères mesures de rétorsion : exclusion du Qatar du Conseil de coopération du Golfe (CGC), fermeture des frontières et de l'espace aérien aux avions du Qatar et restriction sur les déplacements de Qataris y compris pour le pèlerinage du Hadj… Plus encore, Riyad et ses alliés posent 13 conditions à la reprise des relations avec Doha dont la fermeture de la chaîne Al-Jazeera, la rupture avec Téhéran, la fermeture de la base militaire turque, la cessation de toute aide et relations avec les Frères musulmans…
Naturellement, cette tension au sein des alliés de Washington ne plaisait pas à Donald Trump et nuisait à sa stratégie guerrière anti-iranienne. Aussi, va-t-il faire pression pour ramener le calme dans la cour de récréation des monarchies du Golfe. Et charge son gendre et conseiller Jarad Kushner, l’homme derrière la normalisation des rapports entre Israël et des pays arabes, de sonner la fin de la fitna ! Que tous ces émirs et autres princes se réconcilient et se serrent les coudes face à l’ogre iranien ! C’est ce que fera, sans trop se faire prier, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui a admis publiquement mardi au sommet du CGC : « Nous avons aujourd'hui un besoin urgent d'unir nos efforts pour promouvoir notre région et pour faire face aux défis qui nous entourent, en particulier les menaces posées par le programme nucléaire et de missiles balistiques du régime iranien et ses plans de sabotage et de destruction. » Et c’est naturellement en présence de Jarad Kushner que la réconciliation entre cousins « ennemis » s’est faite à l’issue du sommet du Conseil de coopération des  pays du Golfe. Ce dernier a adopté la « déclaration d'Al-Ula », lieu du sommet en Arabie Saoudite, et un communiqué final. Dans la foulée du grand frère saoudien, Émiratis, Égyptiens et Bahreïnis ont annoncé comme un seul homme la reprise des relations avec le Qatar ! 
Aussi s’attend-on à un retour d’ascenseur de Doha, et ce, même s’il a donné l’impression de ne  s’être plié à aucune des 13 conditions posées par Riyad et ses alliés, un retour d’ascenseur sous forme d’un recentrage de sa politique envers Téhéran, de prise de distance avec les Frères musulmans, et d’exigence qu’Al-Jazeera mette un bémol à la ligne éditoriale critique envers ses frères du Golfe et l’Égypte. 
Restent quand même quelques « détails » à régler, le dossier libyen entre autres, où Qataris et Émiratis ne sont pas sur la même ligne. Le Qatar et son alliée la Turquie soutiennent militairement le Gouvernement d’union nationale de Fayez El-Sarraj tandis qu’Émiratis et Égyptiens appuient le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar ! Comment vont-ils régler le contentieux qui les oppose dans cette guerre par procuration ? Au détriment de qui ? 
Joe Biden, qui sera investi le 20 janvier prochain, trouvera un paysage moyen-oriental où les cartes ont été rebattues grâce au forcing de Donald Trump. Six pays arabes dont le Maroc ont établi des relations avec Israël et les autres, déjà sous pression, ne vont pas tarder à leur emboîter le pas. Ce n’est qu’une question de temps. 
H. Z.

P. S. : mes condoléances attristées aux proches du regretté Cherif Rezki dont je garde le souvenir d’un combat commun durant les années 90 et de l’écrivain et journaliste Merzak Begtache.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder