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Rubrique Constances

La rougeole, c’est quelle couleur ?

Quand, à la manière de «la vieille qui a attrapé le voleur», on disait que le sida était l’émanation exclusive des «Africains» qui ont traversé nos frontières du sud pour s’installer à Tamanrasset, Adrar ou pousser plus vers le nord, ce n’était pas les Algériens ordinaires qui avaient inventé cela. Même naïvement relayés, les propos tenaient d’abord lieu d’explication dans la bouche des communicants de services de sécurité briefés à dessein ou de services de santé tenant la source accommodante du mal. Nous étions donc «rassurés» : faute de prévention de la maladie et de soins pour les malades, nous voilà prémunis de la… honte ! A certains moments, même les quelques cas de séropositivité qu’on ne pouvait pas cacher sont curieusement et systématiquement sélectionnés : ils ont choppé la maladie en Europe ou aux Amériques. C’est moins honteux, c’est tout juste si on ne nous disait pas que c’est moins… grave ! Du coup, on ne sait plus où on en est avec la maladie, la communication sur le sujet étant encore dans la velléité scientifique ou l’injonction moralisante. On ne sait pas où on est mais il y a des faits qui peuvent nous en donner une idée : on ne sait toujours pas grand-chose sur l’ampleur du mal, les quelques Algériens téméraires qui «osent» demander une boîte de préservatifs en pharmacie le font tête baissée et à l’écart des autres clients, une étude réalisée dans un campus universitaire révèle que 60% des étudiantes interrogées pensent qu’elles peuvent se prémunir contre le sida en prenant la… pilule contraceptive et d’autres en évitant de faire la bise aux malades, si ce n’est leur serrer la main. Sinon, les Africains ne sont pas seulement coupables de propager le sida, une maladie, bien évidemment «étrangère à notre culture et à notre mode de vie» si sains. On ne connaissait pas la drogue, on ne connaissait pas la fausse monnaie et on ne connaissait pas la prostitution avant leur arrivée, n’est-ce pas ? Sinon, les Algériens n’auraient pas osé les descentes punitives dont on a eu à mesurer l’horreur, sans quelque gage d’impunité. Et maintenant la rougeole ! Une épidémie inquiétante, une dizaine de bébés morts, s’il faut s’en tenir aux chiffres officiels, et des explications pas vraiment convaincantes. Encore moins rassurantes. On est même dans la culpabilisation, puisque le ministre de la Santé à l’Assemblée nationale n’a eu que cette explication à fournir : le refus des parents de vacciner leurs enfants en raison des rumeurs qui ont circulé sur la non-conformité du vaccin utilisé. L’aveu sur l’impuissance de ses services face à la… rumeur se passe de commentaire, si tant est qu’on parvienne à lui concéder que c’est la seule source de l’épidémie. Et quand il a démenti d’autres… rumeurs disant que c’est (encore) les migrants africains qui ont propagé la maladie, on ne sait pas s’il faut s’en réjouir ou se désoler que M. Hasbellaoui en soit arrivé là !
S. L.

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