Dans un système démocratique, ce sont les politiques au pouvoir qui
décident de tout ce qui a trait à l’activité nationale. L’opposition
fait son travail… d’opposition et les «experts» interviennent dans le
débat public en apportant leurs éclairages de spécialistes. Les visions
en l’occurrence peuvent différer selon la sensibilité ou l’école
scientifique de chacun mais ils restent des regards généralement
détachés des confrontations-affrontements des idées politiques qui sont
du domaine des… politiques. Dans un système comme le nôtre, ce sont
toujours les politiques qui décident mais dès qu’il y a un avis
contraire sur une question ou une autre, le pouvoir et ses relais lui
sortent son incompétence en la matière et lui opposent l’avis de…
spécialistes-maison, selon les disponibilités du moment. Sous prétexte
qu’elles sont fatalement ignorantes en tout, les voix des opposants,
qu’elles soient partisanes, syndicales, associatives ou d’émanation
populaire, sont à chaque fois invitées à… aller à l’école. Souvent, le
message ne souffre aucune ambiguïté. Avant de venir placer un mot sur
des questions dont on leur dit, à demi-mot ou plus clairement, qu’elles
ne les concernent pas, il faut qu’elles fassent la preuve de leur
«érudition» sur la question du jour. A l’épreuve du terrain pourtant, ce
sont plutôt les qualifications de ceux qui participent, d’une manière ou
d’une autre, aux prises de décision qui sont sujettes au doute. D’abord
pour cette raison évidente que, collectivement, leur gestion du pays
n’est pas un exemple de performance, sinon, ça se saurait. Ensuite parce
que, au cas où les détails seraient nécessaires, le personnel aux
affaires fournit régulièrement aux Algériens les preuves les plus
alarmantes des incuries individuelles. Incarnation à la fois de cette
incurie et de la propension assumée au mépris des voix discordantes, le
wali de Mascara vient de s’illustrer de la manière la plus brutale à
l’endroit d’un citoyen qui se plaignait des désagréments d’une conduite
hydraulique défaillante : «avec un niveau de 9ème année fondamentale, tu
te mêles de choses auxquelles tu ne connais rien ? Quand tu seras
ingénieur, viens en discuter» ! On ne sait pas si Monsieur le wali, qui
vient d’humilier un brave citoyen coupable d’être en colère et surtout
d’en faire part à un responsable local, a lui-même les compétences en la
matière. On sait seulement qu’il est loin des exigences intellectuelle
et morale de sa fonction. Dans la foulée, on pourrait aussi poser cette
question dont il est difficile de faire l’économie : est-ce qu’il aurait
rabroué un autre, même d’un moindre niveau, qui lui aurait tressé des
lauriers pour «ses efforts dans le développement de la localité» ? Non,
les courtisans comme les gouvernants n’ont pas besoin d’être
intelligents. Ils applaudissent ou… gouvernent. Le soir de ce scandale,
la télévision «publique» nous servait un «débat» autour de la loi sur
les hydrocarbures. Les trois experts invités convergeaient sur tout avec
un rare bonheur, surtout quand ils accablent tous ceux qui contestent le
projet… alors qu’ils ne maîtrisent pas la question. On aurait pu leur
demander pourquoi ils ne sont pas sur le plateau, mais c’est inutile.
S. L.
S. L.