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Rubrique Constances

Tant qu’il y aura des hommes

La vidéo a fait le «buzz» sur la toile. Elle montre un brave ettéméraire chef de service du plus grand hôpital universitaire d’Algérie face aux caméras. A la question bateau qui lui était posée, il a eu cette réponse qu’on n’attendait pas. Qui est responsable de la résurgence du choléra ? Le système de santé ! Dans son développement, il a évidemment précisé qu’il s’agissait plutôt… d’absence de système de santé, ce qui «aggrave son cas». Parce qu’au point où en sont les choses, ceux qui sont aux affaires du pays peuvent quand même concéder, dans la foulée d’une panique généralisée, que le «système» est au moins critiquable. Ce serait même une fleur inestimable offerte aux gouvernants que de leur suggérer qu’ils ont une politique de santé publique, forcément perfectible, parce que la perfection appartient à Dieu. Non seulement ils peuvent le concéder mais c’est le genre de formules qu’ils affectionnent particulièrement. 
Ils adorent ça, pour faire simple.  Mais voilà, l’émouvant responsable à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger leur a fait la totale, à tel point qu’il faudra peut-être rappeler qu’il s’agit en l’occurrence d’un cadre… en activité, interviewé dans son bureau de travail ! Il faut le rappeler pour deux raisons au moins. La première, qui relève de l’évidence, est que dans de telles circonstances, les Algériens ont l’habitude des coups de gueule sans risque et sans engagement. 
Ils émanent pour l’essentiel de cadres poussés vers la porte de sortie, sous une forme ou une autre.
Retraites-sanctions, limogeages sans autre forme de procès, implication  flagrante dans des scandales qu’on ne peut pas cacher ou parfois délit d’intégrité et de compétence, la crédibilité de leurs propos en prend chaque fois un sacré coup. Ce n’est pas toujours juste mais c’est souvent
compréhensible. Qu’on leur jette à la figure, avec une courtoisie a minima leurs longues années de silence coupable ou qu’on leur sorte la grosse artillerie de ceux qui n’ont pas eu l’audace de «parler la bouche pleine»,  leurs déclarations a posteriori ont rarement eu l’écho qu’ils devaient espérer. La deuxième est que le Monsieur est fonctionnaire dans l’une des structures de santé publique les plus décriées et dont on ne peut vraiment pas dire que c’est un exemple de performance. De ce fait, on ne sait plus si cela diminue la crédibilité de son propos ou au contraire la renforce quelque part. On peut tout lui reprocher, sauf de ne pas savoir de quoi il parle. Bien sûr, tout le monde connaît l’état deslieux mais ça va être la première fois, en dehors des colères collectives, que quelqu’un «de la maison» va aussi loin et publiquement dans la critique… à ses risques et périls ! Deux choses pour conclure. La première n’est pas forcément réjouissante : pour qu’un responsable en activité livre un diagnostic aussi franc, c’est que la situation est peut-être plus inquiétante qu’on ne le pense. La seconde peut suggérer des raisons
d’espérer : il y a encore des gens capables d’indignation à risque et c’est toujours bon à prendre.
S. L.

 

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