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Rubrique Contribution

Développement du gisement de fer de Gara Djebilet

Par Abdenour Kashi
Face à la grave crise qui menace ses équilibres financiers, et dans le souci de diversifier ses ressources, le gouvernement algérien a marqué sa volonté manifeste d’exploiter ses importants gisements miniers, tels que Gara Djebilet pour le fer, Bled El Hadhba pour le phosphate et Oued Amizour pour le zinc, notamment.

Le gisement de fer de Gara Djebilet, dont les ressources sont estimées à plus de 2 milliards de tonnes, est de nature à véritablement constituer un formidable levier de développement pour la région du sud-ouest du pays dans le domaine de l’emploi (5 000 emplois directs et près de 15 000  indirects), mais aussi dans le reste du pays, dans les domaines du développement de la métallurgie et de l’industrie de transformation, et de substitution à l’importation.
Ainsi, le projet de Gara Djebilet va contribuer à apporter des transformations radicales à tous les niveaux :
- Développement d’un écosystème et impulsion d’une dynamique de développement dans la région du sud-ouest et dans le pays tout entier ;
- occupation spatiale du territoire et fixation des populations locales par la création d’emplois ;
- développement des infrastructures (routes, rail, routes électriques, internet….) et création d’îlots de vie tout le long des voies et d’activités économiques, agricoles notamment ;
- émergence de pôles économiques ;
- désenclavement des régions ouest et sud-ouest qui pourraient ainsi devenir un liant et un pôle dynamique avec les zones transfrontalières, appelées à jouer un rôle déterminant dans les échanges avec les pays voisins, du Sud notamment.
Sur le plan macro-économique, un tel projet contribuera à impulser une nouvelle dynamique de diversification de notre économie nationale, et par là même de notre commerce extérieur, par le fait de l’exportation, non pas seulement de produits énergétiques, mais aussi de ressources minérales (minerai de fer entre autres), ainsi qu’à terme de produits sidérurgiques à forte valeur ajoutée. À cet égard, il convient de signaler que les exportations de l’Australie, dont l’économie est la douzième dans le monde, sont constituées de près de 50% de produits primaires issus de l’activité minière (charbon, fer, or, cuivre, aluminium, etc).
La disponibilité d’un minerai utilisable dans l’industrie va ainsi venir se substituer aux importations de minerai et autre produits semi-ouvrés effectués par les sidérurgistes locaux.
La production de produits sidérurgiques va contribuer à booster l’activité industrielle de transformation, qui verra ainsi la création de dizaines d’unités à travers le territoire national.
De même, la disponibilité en continu d’une production locale d’aciers et dérivés de qualité peut constituer une incitation forte dans l’établissement d’IDE dont le pays a grand besoin. 
L’impact économique de cette nature de projets, sur lesquels sont fondés de réels espoirs de relance d’une économie dominée par les hydrocarbures, va certainement traduire un déclic considérable et animer une activité économique en léthargie, particulièrement dans la zone du sud-ouest.
Il convient toutefois de rappeler que l’exploitation de ce gisement se heurte à 3 problématiques majeures, qui sont :
- La teneur élevée en phosphore dans le minerai 0,8% P alors que le pourcentage admis pour son utilisation industrielle doit être sensiblement inférieur à 0,1 % P ;
- la nécessité de réaliser des infrastructures de transport (rail) pour ramener les productions de leur lieu d’extraction à Gara Djebilet vers celui de leur transformation à Béchar, puis vers les aciéries et ports du nord ;
- la disponibilité de l’énergie nécessaire à son exploitation (gaz, électricité) et de l’eau…
À ce stade d’avancement du projet, la réduction de la teneur en phosphore constitue le souci principal, car c’est ce qui permettra son développement et sa mise en production.
De nombreuses études ont été menées et d’autres sont en cours par des parties étrangères (Russie, Chine, Allemagne, Corée du Sud, GB, USA, Japon…), pour trouver la solution technique, économiquement viable qui permettrait de ramener la teneur en phosphore à un niveau permettant son exploitation dans l’industrie.
L’ambassadeur de Russie en Algérie a,  dans une déclaration récente à la presse, indiqué que des résultats probants avaient été obtenus en laboratoire, probablement selon les techniques adoptées dans le cadre du gisement aux caractéristiques analogues du Kazakhstan.
Il s’agit pour le moment de tests de laboratoire qui demandent à être confirmés à l’échelle industrielle, avec toujours en sous- bassement la variable économique (coût).

• Capacités installées et besoins en minerai  
Aujourd’hui, les capacités installées ainsi que leur extension à moyen terme dans le domaine de la transformation sont estimées à 10 millions de tonnes par an. Elles concernent :
- El Hadjar : 1.2 million de tonnes
- Tosciali  6 millions de tonnes
- Qatar Steel : 2 millions de tonnes
- Autres : 1 million de tonnes
Les gisements d’El Ouanza et de Boukhadra (Tebessa) n’arrivent pas à fournir en minerai les besoins pourtant modestes d’El Hadjar (600 000 à 1 200 000T/an), conduisant les autorités à autoriser la direction du complexe à s’approvisionner à l’extérieur. C’est également le cas pour les autres opérateurs du secteur.
Pour assurer les besoins des différents opérateurs, il faudrait produire en moyenne 14 à 15 millions de tonnes de minerai, ce qui correspond aux capacités prévues pour le gisement de Gara Djebilet.

• Challenge et prérequis 
Le challenge de Gara Djebilet lorsque l’ensemble des prérequis techniques, économiques, énergétiques et logistiques seront réunis, sera de faire face à la demande locale en priorité, ce qui permettra de rapatrier une partie de la valeur ajoutée et de développer le marché export demandeur en produits miniers et métallurgiques. Ce projet pourra ainsi permettre, non seulement de réduire les dépenses en devises, mais bien plus, faire de l’Algérie un pays fournisseur de produits sidérurgiques. 
Outre le problème de la teneur en phosphore, il se pose l’autre contrainte qui concerne les infrastructures nécessaires au développement et à l’exploitation du gisement (extraction, traitement, transport, transformation) ; il s’agit de :
- La réalisation de lignes de chemin de fer devant relier le site minier de Gara Djebilet à Tindouf (140 km), Tindouf à Béchar (806 km), et d’une ligne reliant Béchar à Oran (674 km), ou tout au moins réaliser son dédoublement sur une partie du tronçon ;
- réalisation des infrastructures de base (site minier, routes et voies d’accès...).
Toutes ces infrastructures et autres moyens logistiques ajoutés aux investissements dans les équipements de production vont nécessiter la mobilisation de moyens financiers importants (plusieurs milliards USD) dans une période de crise et de récession mondiales marquée par la rareté des ressources financières.
Il y a aussi l’alimentation du projet en ressources énergétiques (gaz, électricité) et en eau, sachant par ailleurs qu’une telle activité en est grosse consommatrice, et qu’en conséquence, une attention prioritaire doit être accordée à ce projet pour le mettre dans les meilleures conditions d’exploitation.
À ce titre, le recours à l’énergie solaire photovoltaïque notamment se justifie amplement pour fournir le projet, mais aussi toute la région en électricité.  
En partant de l’hypothèse qu’une solution économiquement viable pourrait être confirmée en 2021 pour le problème du phosphore, et que les installations d’extraction, de traitement et de transformation pourraient être menées à leur terme d’ici une période de 3 à 5 années, la mise en œuvre des autres infrastructures (rail, électricité, routes, eau, gaz,….), si elle n’est pas lancée en parallèle et de manière rigoureuse et coordonnée, est de nature à se traduire par des délais préjudiciables.
Une telle situation ne sera pas sans peser sur le coût de réalisation du projet et sa rentabilité, reportant ainsi tous les impacts et bénéfices qui y sont attendus.  
C’est pourquoi, à défaut d’une approche novatrice dans la prise en charge de ce type de projet majeur, il est à craindre que l’accumulation de contraintes et difficultés ainsi que la lenteur des arbitrages et des prises de décisions ne rendent de peu d’effet son impact à court/moyen terme sur l’économie. Il serait peut-être opportun de faire suivre ce type de dossiers stratégiques par un organe de coordination et d’arbitrage (facilitateur) situé au plus haut niveau de l’État pour les prémunir des processus bureaucratiques, source de retards et de surcoûts.
Ce type de suivi doit être élargi à l’ensemble des autres projets majeurs, lesquels, outre la recherche d’un nécessaire partenariat avec des opérateurs étrangers qui maîtrisent l’expertise technologique et les capacités managériales et qui disposent des ressources financières adéquates, doivent être préservés des processus bureaucratiques, sources de retards et de surcoûts.
Néanmoins, il faut rester mesuré et savoir raison garder, car ce projet est en l’espèce dans sa phase d’avant-projet correspondant à la levée des préalables et autres conditionnalités et donc d’investissements (dépenses). 
La mise en œuvre d’une politique basée sur l’exploitation des ressources minières va, au vu des nombreux projets annoncés (fer, phosphate, zinc,…), nécessiter de mobiliser des fonds considérables, dans une conjoncture où les ressources en devises du pays sont rares et le marché financier extérieur sous tension.
Par ailleurs, il conviendrait de se poser la question de savoir si l’activité minière, qui est une activité fortement capitalistique et dont le retour sur capital est situé dans le moyen terme long, doit être appréhendée sous l’angle de la sécurité nationale devant justifier le maintien de la règle 51/49%, étant convaincu qu’aucune entreprise étrangère ne se risquerait, au vu du volume financier requis, à s’aliéner le contrôle de tout projet d’envergure dans ce secteur.
Il est en conséquence important de réfléchir au moyen d’adapter la réglementation et la rendre attractive et ainsi arriver à optimiser la captation des IDE et conclure des partenariats indispensables à l’ambition de développement du secteur. 
Dans le domaine du partenariat, pour les projets stratégiques, les pays comme l’Algérie n’ont, outre le facteur ressources naturelles, que la carte de la diversification et de la transparence dans les processus décisionnels (appel d’offres, consultations, choix des bureaux d’études, choix des équipements…) à jouer pour éviter de tomber dans le piège de la dépendance (technologique, financière, commerciale,…) d’un seul partenaire aussi «ami» soit-il avec le risque d’impact sur la souveraineté. 
(«Les pays n’ont pas d’amis, mais ils cherchent des intérêts.» – Japhet Nsanzumukiza). 
Nous sommes certes dans un contexte spécifique de rareté de ressources et d’attentisme des investisseurs potentiels, alors que notre pays a un besoin impérieux de relancer dans le court terme sa machine économique, mais ceci ne doit pas occulter la nécessaire vigilance qui doit entourer nos décisions dans ce domaine.
A. K.

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