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Rubrique Contribution

L’enseignement de la philosophie est-il indispensable ? (1re partie)

Par le Pr Baddari Kamel(*)
L’Homme en tant que tel peut faire émerger des idées qui lui permettent d’atteindre son émancipation et son épanouissement intellectuel. C’est en tout cas la déclaration à laquelle la philosophie tente d’apporter des éclaircissements et des suites de réflexions. Précisons tout d’abord que le terme «philosophie» vient des mots grecs qui signifient «amour de la sagesse». La philosophie manie à la perfection le sens des mots, les outils de la logique et de la raison pour analyser les manières dont les humains vivent le monde.
Elle aborde en profondeur des questions clés que l’humain doit comprendre pour vivre en harmonie et parfois en convergence avec ses semblables et son environnement, telles que comment nos sens décrivent-ils avec précision la réalité ? Qu'est-ce qui fait que les mauvaises actions sont infectes ? Comment devrions-nous vivre ?... Elle enseigne à l’élève ou à l’étudiant la pensée critique, la lecture attentive, l'écriture claire et l'analyse logique. Elle l’amène à réfléchir pour décrire le monde et sa place en son sein. Dans cette constellation de questionnements, la philosophie procure et enseigne les moyens par lesquels nous pourrions commencer à y répondre. L'étude de la philosophie implique non seulement de former ses propres réponses à de telles interrogations, mais aussi de chercher à comprendre la manière dont les gens ont répondu à celles-ci dans le passé. En étudiant l'histoire de la philosophie, on explore les idées de personnages historiques tels que : Platon, Marx, Aristote, Kant, Descartes, Nietzsche, Sartre, Ibn Rochd (Averroès), Ibn Sina (Avicenne), etc. On apprend que nombre de questions et de problèmes dans les divers domaines de la philosophie se chevauchent et, dans certains cas, convergent même. Ainsi, des questions philosophiques se posent dans presque toutes les disciplines et interrogent nombre important de domaines tels que la philosophie du droit, la philosophie de la religion, la philosophie des sciences, la philosophie de l'esprit, la philosophie de la littérature, la philosophie politique, la philosophie des arts, la philosophie de l'histoire, la philosophie du langage et de l’éducation… Dans cette contribution, il sera question de voir comment ce faisceau d’idées converge pour répondre un tant soit peu et humblement à l’impérieuse question de la pertinence de l’enseignement de la philosophie en Algérie, aussi bien dans le secondaire qu’à l’université.

Alors, qu’est-ce que la philosophie ?
La philosophie est une activité que les humains entreprennent lorsqu'ils cherchent à comprendre des vérités fondamentales sur eux-mêmes, sur le monde dans lequel ils vivent et leurs relations au monde et les uns aux autres. À l’université, ceux qui étudient la philosophie sont perpétuellement engagés à demander, répondre et argumenter pour leurs réponses aux questions les plus fondamentales de la vie. Pour rendre une telle poursuite plus systématique, la philosophie comprend traditionnellement divers domaines. Primo, la métaphysique qui est l’étude de la nature de la réalité, de ce qui existe dans le monde, à quoi il ressemble et comment il est ordonné. En métaphysique, les philosophes se débattent sans tabou avec des questions fondamentales telles que : qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce qu'une personne ? Qu'est-ce qui fait qu'une personne est la même à travers le temps ? Le monde est-il strictement composé de matière ? Les gens ont-ils le libre
arbitre ? Qu'est-ce qu'un événement en provoque un autre ? Secundo, l’épistémologie, qui est l'étude de la connaissance. Elle concerne principalement ce que nous pouvons savoir sur le monde et comment nous pouvons le connaître. Les préoccupations de l’épistémologie se traduisent par les questions suivantes : qu'est-ce que la connaissance ? Savons-nous quoi que ce soit ? Comment savons-nous ce que nous savons ? Pouvons-nous être fondés à prétendre savoir certaines choses ? Tertio, l’éthique qui concerne ce que nous devons faire et ce qu'il serait préférable de faire. Se posent alors les questions sur ce qui est bon et juste, le mal et le bien. Ainsi, l'éthicien tente de répondre à des questions telles que : ce qui est bienfaisant ? Qu'est-ce qui rend les actions ou les gens bons ? Qu'est-ce qui est juste ? Qu'est-ce qui rend les actions justes ? La morale est-elle objective ou subjective ? Comment doit-on traiter les autres ? Enfin, le domaine de la logique qui est un autre aspect important de l'étude de la philosophie. Il concerne les arguments ou les raisons donnés pour les réponses des gens aux questions soulevées. Les philosophes emploient la logique pour étudier la nature et la structure des arguments, la physique et les mathématiques. Les logiciens posent des questions telles que : Qu'est-ce qui constitue un «bon» ou un «mauvais» raisonnement ? Comment déterminer si un raisonnement donné est bon ou mauvais, objectif ou subjectif ? La démonstration est-elle identique ou se rapproche-t-elle du raisonnement ?
Selon le point de vue dans lequel on se place, la philosophie se décline comme déjà souligné plus haut en plusieurs formes, parmi lesquelles la philosophie de l’éduction qui nous occupe particulièrement pour comprendre le rôle de la philosophie dans la formation de l’enseignant, de l’élève et de l’étudiant.

La philosophie et les questions pédagogiques
Il est inévitable que de nombreux problèmes de pratique pédagogique soulèvent des questions philosophiques. Alors quelles sont ces questions ou du moins l’essentiel parmi elles ? Quelles matières valent le plus la peine d'être enseignées ? Qu'est-ce qui en constitue la connaissance, et cette connaissance est-elle découverte ou construite ? Quelles sont les critères d’orientation des étudiants ; et dans certaines situations, les étudiants moins aptes devraient-ils être orientés vers des études professionnelles sans pourtant diminuer de l’importance de cette formation ? Existe-t-il une distinction légitime à établir entre enseignement académique et enseignement professionnel ? Comment enseigner aux étudiants ? Doit-on les considérer comme des «ardoises vierges» et s'attendre à ce qu'ils absorbent passivement l'information, ou devraient-ils plutôt être compris comme des apprenants proactifs, encouragés à s'engager dans une découverte et un apprentissage autodirigés ? Comment, plus généralement, concevoir et conduire
l'enseignement ? Faut-il s'attendre à ce que tous les étudiants apprennent les mêmes choses de leurs études ? Est-il judicieux d'utiliser des tests standardisés pour mesurer les résultats et la réussite ? Quels sont les effets de la notation et de l'évaluation en général et des tests standardisés ? Comment faire que l'évaluation n’inhibe pas la coopération et sape toute motivation naturelle à apprendre ? Comment faire pour que l’évaluation ne produise pas des effets pervers ou clivants sur le programme, et pression indue sur les étudiants et les enseignants ? Comment les demandes apparemment légitimes de la société civile et des pouvoirs publics en matière de responsabilité des enseignants et des institutions devraient-elles être satisfaites ? Ce sont des questions complexes, impliquant des questions philosophiques sur les objectifs et les moyens légitimes de l'éducation et la nature de l'esprit humain, la psychologie de l'apprentissage et de l'enseignement, les exigences organisationnelles et politiques de l'institution, et une foule d'autres questions.
Enfin, tombent ici les questions relatives aux objectifs de domaines particuliers du curricula. Par exemple, l'enseignement des sciences devrait-il viser à transmettre aux étudiants simplement le contenu des théories actuelles ou plutôt une compréhension de la méthode scientifique, une compréhension du caractère provisoire et faillible des hypothèses scientifiques et une compréhension des critères selon lesquels les théories sont évaluées ? Les cours de sciences doivent-ils se concentrer uniquement sur les théories actuelles, ou doivent-ils inclure une attention à l'histoire, la philosophie et la sociologie principalement ? Devraient-ils chercher à transmettre uniquement des croyances ou aussi des compétences ?

Les objectifs de la philosophie dans la formation
Cerner les objectifs de la philosophie dans la formation est une question fondamentale tant au niveau macro qu’au niveau méso. Parmi tant d’autres questions, la plus importante à notre sens est celle qui consiste à trouver les critères appropriés pour évaluer les efforts, les institutions, les pratiques et les produits éducatifs. Il en découle des débats philosophiques au sein des enseignants qu’ils soient implicites ou explicites, proposent des objectifs. Il s’agit de comprendre la culture de la curiosité et la disposition à s'enquérir ; l'encouragement de la créativité et de l’innovation ; la production de connaissances de haut niveau ; l'amélioration de la compréhension ; la promotion de la pensée, du sentiment et de l'action moraux ; l'élargissement de l'imagination ; la promotion de la croissance, du développement et de la réalisation de soi ; la réalisation du potentiel ; la formation de personnes «libéralement éduquées». Mais aussi le dépassement du clanisme et de l'étroitesse d'esprit ; le développement d'un bon jugement ; la culture du respect de l'autorité et de l’autre ; la promotion de l'autonomie; la maximisation de la liberté, du bonheur ou de l'estime de soi ; la promotion des sentiments de la communauté, de solidarité sociale, de la citoyenneté et de civisme ; la production de bons citoyens ; la protection des étudiants contre les effets délétères de la civilisation. Le développement de la piété, de la foi religieuse et de l'accomplissement spirituel ; la promotion de la pureté idéologique ; la culture de la conscience et de l'action politiques ; l'intégration équilibrée des besoins et des intérêts de l'étudiant individuellement et de la société en général. La promotion des compétences et des dispositions constitutives de la rationalité ou de la pensée critique.
Le large éventail d'objectifs proposés met en évidence le besoin du philosophe de l'éducation de faire appel à d'autres domaines, à d'autres disciplines (par exemple, la psychologie, l'anthropologie, la sociologie et les sciences physiques et mathématiques) et à la pratique éducative elle-même. Laissons parler Ibn Sina à ce sujet qui relate comment il a procédé pour rédiger son livre de la guérison : «Quand j’ai entrepris ce livre, j’ai commencé par la Logique, et j’ai tenu à me conformer à l’ordre des livres des logiciens : j’y ai exposé des mystères et des subtilités qui ne se trouvent pas dans les livres dont nous disposons. J’ai poursuivi par la Physique [...] ; j’ai poursuivi ensuite par la Géométrie ; j’ai alors résumé, de manière subtile, le livre des Éléments d’Euclide [...]. J’ai fait suivre cela d’un résumé du livre de l’Almageste, en astronomie, et, outre le résumé, d’un éclaircissement et d’une explication. J’y ai joint, après avoir terminé cela, quelques compléments que l’élève doit connaître pour atteindre l’achèvement de l’art et pour faire coïncider les règles de l’observation et les lois naturelles [...].»
B. K.
(À suivre)

(*) Professeur des universités. Expert en enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Expert en conduite de changement. université Mohamed-Boudiaf de M’sila.

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