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Rubrique Contribution

Les procédures simplifiées de dédouanement en vigueur en Algérie : sont-elles fiables ?

Par Idir Ksouri(*)
Introduction
En date du 29 septembre 2013, un décret à l’intitulé assez pompeux a été publié au Journal officiel n° 48. Il s’agit du décret exécutif n°13-321 du 26 septembre 2013 relatif aux procédures de dédouanement simplifiées sous forme de déclarations estimatives, simplifiées ou globales.

Ce décret tirant sa source de l’article 86 ter du code des douanes, lequel découle de l’article 25 de la loi de finances pour 2013, appelle quelques avis et observations utiles.
Préalablement à cela, il n’est pas sans intérêt de voir en quoi consistent les procédures simplifiées de dédouanement en vigueur en France et en Tunisie.

I. Des procédures simplifiées de dédouanement en vigueur en France
En France, où les relations «douane-entreprise» sont régies principalement par le droit communautaire, les opérateurs économiques disposent de trois procédures simplifiées de dédouanement : une procédure de dédouanement à domicile (PDD), une procédure de domiciliation unique (PDU) et la procédure de domiciliation unique communautaire (PDUC).

A. De la procédure de dédouanement à domicile (PDD)
Celle-ci permet à l’opérateur économique de dédouaner ses marchandises directement dans ses locaux, sans avoir à les présenter à un bureau de douane, ce qui est de nature à réduire les coûts de dédouanement.

B. De la procédure de domiciliation unique (PDU)
Elle permet à la personne intéressée, d’une part, de centraliser les formalités de dédouanement et les formalités comptables auprès d’un seul bureau de douane — appelé bureau de domiciliation — et, d’autre part, de réaliser les opérations physiques d’importation et d’exportation depuis plusieurs sites auxquels sont rattachés à raison du lieu (ratione loci) des bureaux de douane – appelés bureaux de rattachement. Alors que les «bureaux de rattachement» sont chargés de recevoir les déclarations en douane, les «bureaux de domiciliation», eux, sont habilités en ce qui concerne les crédits et paiements et le dépôt de la déclaration complémentaire globale.
Comme la procédure simplifiée de dédouanement visée à l’alinéa précédent, la procédure de domiciliation unique (PDU) permet de réduire les coûts de dédouanement.

C. De la procédure de domiciliation unique communautaire (PDUC)
Elle permet à la personne concernée la réalisation de deux objectifs : celui d’effectuer des opérations d’importation ou d’exportation dans de nombreux Etats membres de l’Union européenne et celui de centraliser le dépôt des déclarations en douane et le paiement des droits de douane en France, auprès d’un bureau de domiciliation.
Pour bénéficier de l’une des trois procédures simplifiées de dédouanement visées ci-dessus, la personne concernée doit remplir les critères exigés des opérateurs économiques agréés (OEA) et déposer une demande sur formulaire ad hoc, ce qui permet à la douane de réaliser un audit agrément. Il convient de préciser que pour rédiger cette partie de la contribution, l’auteur s’est inspiré des données ad hoc du site internet des Douanes françaises, le site «www.douane.fr».

II. Des procédures simplifiées de dédouanement en vigueur en Tunisie
En Tunisie, les relations «douane-entreprise» sont régies par le code des douanes et ses textes d’application.
Aux termes de l’article 118 du code des douanes tunisien, «1- les services des douanes peuvent accorder des procédures de dédouanement simplifiées à certaines personnes exerçant dans des secteurs économiques spécifiques ou à certains types d’opérations d’importation ou d’exportation.
2- Les procédures simplifiées prennent la forme de déclarations initiales estimatives, simplifiées ou globales.
3- La déclaration initiale estimative, simplifiée ou globale est régularisée par une déclaration complémentaire présentée ultérieurement.
 4- La déclaration complémentaire peut avoir un caractère global, périodique ou récapitulatif.
5- Les mentions des déclarations initiales constituent avec les mentions des déclarations complémentaires auxquelles elles se rapportent un document unique et indissociable prenant effet à la date d’enregistrement des déclarations initiales.
6- Le bénéfice de l’une des procédures simplifiées citées ci-dessus est accordé en vertu d’une convention conclue entre les services des douanes et la personne concernée.
7- Les marchandises ne peuvent être enlevées selon l’une des procédures simplifiées susvisées si les conditions prévues à l’article 132 du présent code ne sont pas remplies(1).
Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre des Finances»(2).
L’exploitation dudit arrêté laisse apparaître que les procédures simplifiées de dédouanement peuvent prendre la forme soit de déclaration initiale provisionnelle, soit de déclaration simplifiée, soit de déclaration globale.

A. De la déclaration initiale provisionnelle
Elle sert en vertu de l’article 2 de l’arrêté ministériel susvisé à déclarer une opération d’importation ou d’exportation portant sur une même espèce tarifaire de marchandises dont les éléments quantitatifs devant figurer sur la déclaration en détail ne sont pas fournis ou ont été déclarés à titre approximatif ou provisionnel. Un délai d’un mois est accordé à la personne concernée pour fournir au bureau de douane concerné les renseignements et les documents manquants.
La déclaration initiale provisionnelle permet l’enlèvement des marchandises au fur et à mesure de leur dédouanement, moyennant le paiement, la consignation ou la garantie des droits et taxes exigibles.
La déclaration initiale provisionnelle est régularisée par le dépôt d’une déclaration complémentaire. 

B. De la déclaration simplifiée
C’est une déclaration en douane ne comportant pas certains renseignements et documents prévus par la législation et la réglementation douanières en vigueur.
La déclaration simplifiée peut avoir, en vertu de l’article 8 de l’arrêté ministériel susvisé, la forme d’un document administratif ou d’un document commercial admis par les services des douanes ou d’une inscription des marchandises dans la comptabilité matière de l’opérateur économique concerné selon la forme agréée par l’administration des douanes.
La déclaration simplifiée, qui doit contenir tous les renseignements indispensables à l’identification des marchandises et du régime douanier qui leur est assigné, permet l’enlèvement des marchandises, à charge pour le déclarant en douane de présenter une déclaration en détail de régularisation dans un délai de huit jours à compter de la date de dépôt de la déclaration simplifiée (Cf. art. 9 et 10 de l’arrêté ministériel précité).
Pour certains opérateurs, des délais spécifiques ne devant pas dépasser quarante-cinq jours à compter de la date de dépôt de la déclaration simplifiée peuvent être déterminés conventionnellement pour le dépôt de la déclaration complémentaire.
L’enlèvement des marchandises dans le cadre de cette procédure est subordonné au paiement, à la consignation ou à la garantie des droits et taxes exigibles.

C. De la déclaration globale 
Elle couvre aux termes de l’article 14 de l’arrêté ministériel susvisé des importations ou des exportations fractionnées et échelonnées dans le temps de différents éléments ou parties de marchandises relevant de positions ou de sous-positions tarifaires distinctes et dont l’ensemble constitué est à déclarer dans une position ou sous-position tarifaire unique.
Sous réserve de demeurer sous surveillance douanière, précise l’article 15 de l’arrêté ministériel susvisé, les éléments ou parties des marchandises visées à l’alinéa précédent peuvent être enlevés dans les conditions fixées par l’administration des douanes.
Aux termes de l’article 16 de l’arrêté ministériel précité, le bénéfice de l’une des trois procédures simplifiées citées ci-dessus est accordé moyennant la conclusion d’une convention entre les services des douanes et l’opérateur économique concerné. 

III. DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE DÉDOUANEMENT EN VIGUEUR EN ALGERIE
Comme en Tunisie, en Algérie, les rapports «douane-entreprise» sont régis par le code des douanes et ses textes d’application.
Comme indiqué en introduction, un décret exécutif a été publié au Journal officiel n°48 du 29 septembre 2013. Il s’agit du décret exécutif n°13-321 du 26 septembre 2013 relatif aux procédures de dédouanement simplifiées sous forme de déclarations estimatives, simplifiées ou globales.
L’analyse de ce décret appelle quelques avis et observations concernant son intitulé, ses visas et son dispositif.

A. Des avis et observations relatifs à l’intitulé du décret exécutif susvisé 
Tel que rédigé, «Décret exécutif n°13-321 du 20 dhou el kaâda 1434 correspondant au 26 septembre 2013 relatif aux procédures de dédouanement simplifiées sous forme de déclarations estimatives, simplifiées ou globales», l’intitulé de ce décret exécutif pris en application de l’article 86 ter du code des douanes est assez pompeux.
En effet, cet intitulé aurait gagné en clarté et en applicabilité s’il avait été pris pour fixer les conditions et les modalités d’application de l’article 86 ter du code des douanes. En réalité, l’intitulé de ce décret, sa substance et l’article 86 ter du code des douanes découlent tous de l’article 118 du code des douanes tunisien, et son texte d’application, l’arrêté ministériel du 28 janvier 2009 fixant les procédures simplifiées !

B. Des avis et observations relatifs aux visas du décret exécutif susvisé
Dans la mesure où il est question dans ce décret de mettre en place conformément aux dispositions combinées du code des douanes et de la convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers — dite convention de Kyoto — des procédures de dédouanement simplifiées, il fallait, le principe de la hiérarchie des normes oblige, mentionner, dans les visas dudit décret, le décret présidentiel portant ratification avec réserve de cette convention.

C. Des avis et observations relatifs au dispositif du décret exécutif susvisé
Le dispositif de ce décret, voire le décret tout entier ainsi que l’article 86 ter du code des douanes peuvent être qualifiés de «superfétatoires» pour les raisons suivantes.
D’abord, les responsables des douanes avaient à leur disposition dans le code des douanes deux articles prévoyant à quelque chose près la même procédure que celle qu’édicte le nouvel article 86 ter du code des douanes, les articles 82 et 86 du même code. Concernant l’article 82 du code des douanes, celui-ci dispose que la déclaration en détail doit être faite par écrit et être signée par le déclarant en douane.
Le directeur général des douanes détermine, par décisions :
• la forme de la déclaration, les énonciations qu’elle doit contenir et les documents qui doivent y être annexés ;
• les cas où la déclaration en détail peut être remplacée par une déclaration verbale ou simplifiée ;
• les conditions et les modalités de dédouanement des marchandises par le système informatique des douanes.
Cet  article 82 a donné lieu aux décisions directoriales suivantes :
• la décision n°2 du 3 février 1999 déterminant les cas où la déclaration en détail peut être remplacée par une déclaration simplifiée ;
• la décision n°9 du 3 février 1999 déterminant les conditions et modalités de dédouanement des marchandises par le système informatique des douanes ;

• la décision n°12 du 3 février 1999 déterminant la forme de la déclaration en détail, les énonciations qu’elle doit contenir et les documents qui doivent y être annexés.
S’agissant de l’article 86 du code des douanes, il dispose que «lorsque, pour des raisons estimées valables par l’administration des douanes, le déclarant en douane ne dispose pas de tous les renseignements nécessaires pour établir la déclaration en douane ou ne peut produire immédiatement les documents requis à l’appui de la déclaration, il peut être admis dans les conditions et modalités fixées par l’administration des douanes, à déposer une déclaration incomplète — dite provisoire — comportant un engagement de compléter ultérieurement cette déclaration ou de produire les documents manquants dans les délais fixés par l’administration des douanes.
Dans ce dernier cas, les mentions des déclarations complémentaires constituent un acte unique et indivisible avec les mentions des déclarations qu’elles complètent et prennent effet à la date de la déclaration initiale». 
L’article 86 susvisé attend depuis 1998 l’intervention d’une décision directoriale à laquelle il renvoie expressément, ce qui n’est pas sans conséquences négatives pour le commerce international et le déclarant en douane, lequel est empêché de ce fait de déposer une déclaration en douane dite «provisoire», voire simplifiée.
Cet empêchement se trouve confirmé par l’article 11 de la décision n°9 du 3 février 1999 précitée. Cet article prévoit que «si les deux conditions citées à l’article 10 ci-dessus (signature et documents à annexer à la déclaration en détail) ne sont pas remplies, le service des douanes procède au refus de l’accès du déclarant en douane au Système d’information et de gestion automatisé des douanes (Sigad)».
 Il s’ensuit que les articles 82 et 86 du code des douanes se contredisent à propos de la déclaration en douane simplifiée, ce qui ne manquera certainement pas de poser des problèmes en ce qui concerne la mise en œuvre de certaines procédures prévues par le code des douanes.  
Ensuite, il était possible pour les mêmes responsables de prendre en charge, toujours dans le cadre des articles 82 et 86 du code des douanes et leurs textes d’application, les «procédures de dédouanement simplifiées», et ce, en modifiant tout simplement ces deux articles et leurs textes d’application, ce qui aurait évité certainement aux douanes nationales de transposer en droit douanier algérien, sans autorisation et en les tronquant de surcroît des dispositions législatives et réglementaires douanières étrangères !

CONCLUSION
Eu égard aux nombreuses anomalies entachant aussi bien l’article 86 ter du code des douanes que son texte d’application, le décret exécutif n°13-321 du 26 septembre 2013 relatif aux procédures de dédouanement simplifiées sous forme de déclarations estimatives, simplifiées ou globales, et compte tenu de l’importance de ces procédures sur les plans douanier, fiscal, cambial, bancaire, sécuritaire et du coût de dédouanement, nous suggérons aux autorités concernées :
• l’insertion de la sous-section intitulée «Les procédures simplifiées» entre l’article 86 bis et l’article 86 ter ;
• la révision, en conséquence, de l’article 86 ter du code des douanes, où l’on précisera, notamment, que les modalités d’application dudit article seront fixées par décision du directeur général des douanes ;
• l’abrogation du décret exécutif n°13-321 du 26 septembre 2013 susvisé ;   
• la prise de mesures appropriées à l’effet d’interdire la transposition en droit interne douanier, sans autorisation, de textes législatifs, réglementaires, parlementaires, jurisprudentiels ou autres étrangers. Contrairement aux procédures simplifiées de dédouanement en vigueur en France et en Tunisie, les procédures simplifiées de dédouanement algériennes ont ceci de particulier, à savoir que :
• elles instituent un formalisme stressant et pour les opérateurs économiques et pour les agents des douanes ;
• elles utilisent une terminologie ne permettant pas de distinguer entre les trois procédures mises en place, les déclarations estimatives, simplifiées ou globales.
I. K.
(*) Fonctionnaire des douanes à la retraite, Béjaïa.

(1) L’article 132 du code des douanes tunisien dispose : «1- Les receveurs des douanes peuvent laisser enlever les marchandises au fur et à mesure des vérifications et avant liquidation et acquittement des droits et taxes exigibles, moyennant soumission dûment cautionnée et sous l’obligation, pour les redevables, de payer une remise en sus du principal dans un délai de quinze jours. 2- Le taux de la remise et sa répartition entre le comptable et le Trésor public sont fixés par arrêté du ministre des Finances ».  
(2) Cf. l’arrêté du ministre des Finances du 28 janvier 2009 fixant les procédures simplifiées prévues par l’article 118 du code des douanes tunisien.

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