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Les retombées de la Déclaration d'Alger sur l'avenir du marché mondial du gaz naturel

Par Nordine Ait-Laoussine
La réunion du 7e Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) a adopté à l’unanimité la Déclaration d’Alger qui a mis en exergue le rôle primordial du gaz dans l’approvisionnement énergétique mondial et le rôle moteur qu’il est appelé à jouer dans la transition énergétique.

• Les producteurs sont déterminés à augmenter leurs exportations
La déclaration finale du Forum fait état de la détermination des pays membres à développer leur capacité de production pour soutenir l’expansion de leurs besoins internes et augmenter leurs exportations. Elle invite ses membres à exploiter et développer des technologies nouvelles pour veiller à la préservation et à la protection de l’environnement.
Elle entend renforcer le rôle du Forum dans le dialogue et la concertation sur la scène gazière mondiale.

• Les consommateurs sont invités à favoriser l’expansion du commerce international du gaz
La déclaration invite en même temps les pays importateurs à encourager le développement du commerce international du gaz et à favoriser les transactions de long terme pour réduire la spéculation et la volatilité des cours. Leur coopération est sollicitée pour assurer la stabilité des marchés avec un prix du gaz indexé sur le pétrole et les produits pétroliers. Ils sont également invités à éviter les mesures de restrictions économiques unilatérales ou d’imposition de taxes discriminatoires qui risquent d’entraver les transactions internationales.

• Un dialogue producteurs/consommateurs pour renforcer le rôle du gaz dans le cadre d’une transition énergétique ordonnée
Les attentes des exportateurs sont ainsi clairement exposées. La balle est maintenant dans le camp des pays importateurs. La Déclaration d’Alger peut désormais servir de référence ou de plateforme pour le dialogue producteurs/consommateurs sur la place du gaz naturel dans une transition énergétique ordonnée basée sur un accès libre à un approvisionnement abondant en cette noble ressource avec un partage équitable des risques et des opportunités.

• Des avis partagés sur les perspectives à long terme
S’il n’y a, a priori, pas d’équivoque en ce qui concerne la détermination des pays du FPEG à augmenter globalement leur capacité de production et d’exportation, il y a par contre des doutes sur la volonté des pays consommateurs (et notamment les membres de l’OCDE/AIE) sur l’évolution de la demande gazière mondiale à long terme.
Les avis sont partagés. Pour le FPEG, la demande mondiale de gaz naturel poursuivrait son ascension pour atteindre plus de 5300 Gm3 en 2050 alors que pour l’AIE, elle plafonnerait en 2030 à un niveau de l’ordre de 4200 Gm3.
Cette vision est contredite par le Département américain de l’Energie (DOE) dont les prévisions sont proches du FPEG (5400 Gm3 en 2050) pour qui l’idée d’un «peak» de la demande n’est pas concevable pour le moment.

• Une offre adéquate à moyen terme mais qui risque d’être excédentaire à plus long terme
En ce qui concerne les prévisions d’offre, tout se passe comme si les producteurs tablaient sur une augmentation sans limites de la demande. Les sociétés internationales augmentent certes leurs investissements dans le renouvelable mais maintiennent le cap dans l’amont pétrolier et gazier. Exxon et Chevron, par exemple, ont récemment pris la décision d’investir des dizaines de milliards de $ dans l’acquisition de nouvelles réserves d’hydrocarbures alors que d’autres dont Total, ENI et Occidental n’ont pas hésité à s’engager dans des contrats d’achat de GNL de très longue durée (27 ans) avec le Qatar pour des livraisons à partir de 2026, ce qui a conduit ce pays à augmenter sa capacité d’exportation de GNL.
Tout indique, par ailleurs, que nous nous dirigeons vers un excédent, à terme, de l’offre par rapport à la demande qui serait à l’origine de la récente détérioration des prix du gaz naturel dans tous les marchés régionaux (moins de $2 mmbtu aux USA, moins de $10 en Europe et $12 environ en Asie. Sans oublier le retour éventuel des exportations russes en Europe et l’explosion des exportations américaines de GNL en Europe et sur le marché asiatique.

• L’évolution du prix du gaz à long terme conditionnera l’ampleur de sa contribution à la transition énergétique
Le prix du gaz naturel sur le marché international a, de tout temps, évolué en tandem avec les cours du pétrole ou des produits pétroliers sauf en cas de déséquilibre profond du marché gazier par rapport au marché pétrolier. La majorité des transactions de long terme en cours est d’ailleurs basée sur le prix courant du pétrole (dominé par l’OPEP) avec une indexation partiellement ou totalement liée aux prix publiés par les «hubs» pétroliers sur les marchés libres.
La Déclaration d’Alger souhaite le maintient de cette relation. Elle ne garantit nullement un prix du gaz «plancher» cohérent avec le prix de revient relativement élevé du gaz exporté. D’une part, parce que le prix du pétrole (et des dérivés pétroliers) demeure volatile (malgré les efforts de stabilisation de l’OPEP) et, d’autre part, parce que la relation congénitale pétrole-gaz peut être rompue en cas de déséquilibre profond entre l’offre et la demande sur le marché gazier.
Avec les conséquences résiduelles de l’arrêt des exportations russes en Europe et l’insuffisance des énergies renouvelables à combler le déficit, l’équilibre actuel peut encore être sauvegardé à moyen terme avec, grosso modo, le maintien des cours actuels. Un retour éventuel des exportations russes, l’entrée massive du GNL américain à moyen terme, de même que l’accélération de la production des énergies renouvelables pourraient conduire à une situation durable d’excédent de gaz à plus long terme.
Comment, dans ces conditions, assurer un prix rémunérateur aux producteurs de gaz en cas d’excédent prévisible.
Le dialogue producteurs/consommateurs portera sans doute sur cette question fondamentale. Comment éviter la confrontation que nous vivons déjà dans la poursuite de l’équilibre du marché pétrolier avec, d’un côté, l’AIE qui vise un prix plafond du baril, à travers une production sans limites, et l’OPEP, de l’autre côté, qui défend l’idée d’un prix plancher en réduisant sa production ?

• Assurer en commun un équilibre durable du marché pour favoriser la stabilité des prix
Les pays consommateurs reconnaissent aujourd’hui le rôle déterminant du gaz dans la lutte contre le réchauffement climatique sans doute en raison de leur volonté d’indépendance à l’égard du gaz russe et de leur réalisation que les énergies renouvelables n’ont pas réponse à tout. Mais leur objectif à long terme est de réduire progressivement la demande en énergies fossiles, y compris le gaz naturel.
Il faut rappeler que le GECF a été créé au début de ce siècle en réaction aux décisions de l’Union européenne de libéraliser le marché du gaz naturel à la fin des années 1990 à l’image de ce qui se pratiquait déjà sur le marché américain. Le développement inattendu du gaz de schiste US a contribué à une expansion rapide du marché international de GNL et au démantèlement de la pratique commerciale des pays exportateurs qui ont progressivement perdu le contrôle de leurs marchés et des prix.
Le plafonnement prévisible de la demande gazière mondiale, en 2030 selon l’AIE, ou en 2050 selon le FPEG, et son impact sur la déstabilisation du marché, devront rester au centre des préoccupations du Forum qui devrait, tôt ou tard, se préparer à défendre le prix du gaz exporté, un défi qui n’est pas suffisamment mis en relief dans la Déclaration d’Alger. Ce défi sera autrement plus complexe que les moyens constamment mis en œuvre par l’OPEP dans la défense de la stabilité du marché pétrolier en raison d’une différence structurelle fondamentale entre les marchés pétrolier et gazier.
En effet, le gaz est généralement livré à travers une infrastructure relativement inflexible excluant en principe les excédents de capacité à l’inverse des transactions portant sur le pétrole qui sont généralement moins rigides.
Les pays exportateurs de gaz sont liés avec leurs acheteurs par des contrats de longue durée de sorte que l’interdépendance vendeur-acheteur est poussée à l’extrême. C’est la raison pour laquelle les pays fondateurs du FPEG ont occulté l’idée de coordonner le niveau de leurs exportations respectives afin de peser sur l’évolution des prix.
L’introduction d’un système de quotas et la création d’une OPEP du gaz étaient donc exclues suite à l’opposition du Qatar et de la Russie et ce, malgré l’insistance de l’Iran et de l’Algérie.
Avec la nouvelle donne gazière qui réserve désormais une bonne place au gaz dans les programmes de lutte contre le réchauffement climatique, le moment paraît propice à une refondation des relations commerciales entre producteurs et consommateurs. Le FPEG doit monter au créneau pour assurer un équilibre durable du marché et favoriser la stabilité des prix.
N. A. L.

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