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Rubrique Contribution

Hommage au défunt Moudjahed Zahir Ihaddaden L’intellectuel-militant, un exemple pour les générations d’aujourd’hui

C’est une véritable gageure que de vouloir retracer le parcours d’un homme comme celui du défunt moudjahed Zahir Ihaddaden en quelques lignes ou même en quelques pages, s’agissant d’un parcours qui se croise et s’entremêle intimement avec la marche glorieuse du peuple algérien depuis les années trente jusqu’à sa disparition le 20 janvier 2018, soit près de 90 ans de vie intense et singulière consacrée entièrement au service de son pays, de la science et de la culture. Pour faciliter la lecture du résumé de son riche itinéraire, nous le présentons en trois parties : 1 - Sa jeunesse et sa scolarité. 2- Sa vie de militant politique avant et pendant la révolution. 3- Sa contribution à l’édification de l’Algérie indépendante.

Sa jeunesse et sa scolarité
Zahir Ihaddaden est né le 17 juillet 1929 à Sidi-Aïch, dans la wilaya de Béjaïa, où son père était cadi-assistant, alors qu’il est originaire de Toudja (wilaya de Béjaïa), ce beau village de montagne adossé au mont de l’Aghbalou (1 317 m), connu pour la splendeur de ses eaux de source qui concurrencent aujourd’hui les meilleures eaux minérales qui envahissent nos supermarchés.
Le défunt descend de l’une des plus anciennes et nobles familles qui ont habité le douar Ibourdjiouen depuis des siècles. Son père Mohand Saïd, dit Si Mohamed, né en 1889, diplômé de l’institut Ethaâlibi d’études islamiques d’Alger, a débuté sa carrière comme adel à Thénia (Boumerdès) en 1918, puis comme cadi-assistant à Sidi-Aïch, de 1924 à 1936, avant d’être nommé en qualité de cadi-notaire à Taher (Jijel) où il a exercé de 1936 à 1956, année de sa mort.
Le jeune Zahir a passé sa prime jeunesse entre Toudja, Sidi-Aïch et Béjaïa dans un milieu nationaliste par excellence. Son grand-père, Hadj Ali, avait participé à l’insurrection historique de 1871 dirigée par El-Hadj El-Mokrani et Cheikh Aziz Aheddad, l’oncle paternel de son père Smaïl Ihaddaden, et fut l’un des compagnons de l’Emir Khaled dans les années 20 avant d’être expulsé vers le Maroc en raison de son activité politique contre le colonialisme, alors que son père, de par sa formation, était sympathisant de l’Association des oulémas algériens sous le leadership de Cheikh Abdelhamid Benbadis.
Zahir a entamé sa scolarité primaire à Sidi-Aïch, puis à Toudja et Béjaïa, avant de rejoindre son père à Taher où, avec l’aide de ce dernier, il a réussi à apprendre le Coran dans son intégralité ainsi que les règles fondamentales de la langue arabe. En 1944, il a activé au sein des Scouts musulmans algériens, organisation par laquelle sont passés la plupart des cadres de la Révolution, notamment les 22 qui ont été à l’origine de son déclenchement le 1er novembre 1954. Devant sa volonté de se rendre en Tunisie pour poursuivre ses études à la fameuse université de la Zitouna, son père a réussi à le convaincre de s’inscrire à l’Institut islamique de Constantine de 1946 à 1950, année de son admission à l’Institut supérieur d’études islamiques d’Alger et après deux ans, il rejoint la Faculté des lettres pour préparer une licence de langue arabe qu’il a décrochée en 1955.

Sa vie de militant politique avant et pendant la Révolution
Le défunt Zahir Ihaddaden a vécu les événements du 8 Mai 1945 avec sa famille à Taher où il a assisté, à l’âge de 16 ans à peine, aux opérations de répression et aux bastonnades menées avec la plus grande haine par l’armée coloniale et tous ses supplétifs parmi les colons raciste,s et tout le monde sait quel en a été le résultat effarant : 45 000 morts, un vrai massacre, un crime contre l’humanité.
Ces événements, qui ont été en réalité le prélude au déclenchement de la guerre de Libération nationale moins de 10 ans après, ont constitué pour le jeune Zahir, comme pour la plupart des nationalistes algériens, le déclencheur d’une hargne et d’une détermination irrévocable d’aller jusqu’au bout de sa conviction dont le seul objectif est de tout mettre en œuvre dans le cadre du mouvement national authentique pour se libérer définitivement du colonialisme abject qui ne comprend que le langage du feu et du sang.
En 1947, alors qu’il était scolarisé à Constantine, il adhère au Parti du peuple algérien (PPA) puis il a poursuivi son action de militant actif à Alger lorsqu’il était à l’Institut supérieur des sciences islamiques et à l’université en tant que membre de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord depuis 1952, avant d’adhérer au FLN au mois de décembre 1954 en compagnie du chahid Amara Rachid.
Au mois de juillet 1955, en visite dans sa famille à Taher, à sa descente du bus, il fut interpellé par les gendarmes qui l’ont soumis à un interrogatoire méprisant, comme à leur habitude, poussant l’outrecuidance jusqu’à lui demander le nom de sa mère pour l’humilier davantage en public. Pour toute réponse, il leur a dit sur le même ton de mépris : «Son nom est écrit sur la carte, vous n’avez qu’à lire.»
Suite à quoi, il a été insulté, frappé et malmené sans aucun ménagement et il n’a été sauvé que par l’arrivée de son père, alerté par des jeunes ayant assisté à la séance de bastonnade. Ce dernier, cadi-notaire de la ville depuis de longues années, était bien connu des gendarmes. Le lendemain de cet interrogatoire musclé, Zahir a été convoqué en compagnie de son père par le chef de la brigade de gendarmerie de Taher pour lui signifier la décision de son interdiction de séjour à Taher et dans ses environs. Il reprend immédiatement le chemin d’Alger pour poursuivre son activité de militant actif du FLN, notamment dans le milieu estudiantin au sein duquel il était l’un des émissaires de Abane Ramdane, devenu entre-temps l’un des plus grands responsables de la Révolution à Alger, après sa libération de prison le 18 janvier 1955.
Au mois d’octobre 1955, Si Zahir avait été nommé sur sa demande en qualité d’enseignant au collège de Miliana où il a poursuivi ses activités politiques en compagnie d’un autre grand militant originaire de cette ville, en l’occurrence Mustapha Ferroukhi, tout en gardant un contact régulier avec Amara Rachid à Alger où il se rendait une fois par semaine pour recevoir des orientations et des publications du FLN qu’il distribuait clandestinement aux militants de Miliana. Le 1er avril 1956, il a été arrêté, interrogé et confondu avec des témoins, il fut interdit de séjour sur le territoire du département d’Alger dont dépendait Miliana à l’époque. Ce n’est que quelque temps après qu’il avait appris que les forces coloniales avaient mis la main sur des documents confidentiels récupérés à l’issue de la mort au combat du héros Souidani Boudjemaâ dans la zone de Koléa, documents dans lesquels figurait le nom de Zahir Ihaddaden.
Après son arrestation au début du mois d’avril 1956, il a été forcé de prendre le train d’Oran sous la surveillance de policiers en civil ayant pour mission de s’assurer de l’exécution de la décision prise à son encontre et de le signaler à leurs collègues d’Oran pour l’avoir à l’œil. Au bout de quelques jours, il réussit à embarquer dans un bateau vers la France où il a pu rejoindre son frère Abdelhafid qui était à l’époque étudiant à l’Ecole des arts et métiers de Paris pour préparer un diplôme d’aéronautique. Né le 9 mars 1932 à Sidi-Aïch où son père, Mohand-Saïd Ihaddaden, exerçait les fonctions de cadi-assistant, ce dernier avait débuté son itinéraire de militant nationaliste en tant que responsable au sein de l’Ugema avant d’intégrer le FLN dès le début de la révolution. Après avoir décroché son diplôme à Paris (1952-1956), il a été envoyé en Tchécoslovaquie pour poursuivre ses études universitaires et se spécialiser en énergie atomique.
Le FLN l’avait chargé en même temps des liaisons avec les responsables de certains pays de l’Europe centrale, de l’achat des armes et de l’accueil de certains blessés lourds de l’ALN. Le 11 juillet 1961, alors qu’il se rendait au Maroc avec un groupe de scientifiques algériens comme lui à bord de l’Iliouchine 18 de la compagnie tchécoslovaque assurant la liaison aérienne Prague-Bamako via Rabat, il trouva la mort dans le «crash» de l’appareil au-dessus de Casablanca. Le FLN avait accusé à l’époque les services spéciaux français d’être derrière cet attentat.
Dans la capitale française, Si Zahir s’est retrouvé dans une ambiance délétère empoisonnée par la lutte fratricide entre les militants du FLN et les activistes du MNA que Messali avait créé au début du mois de décembre 1955 pour contrecarrer l’action du FLN. Après un séjour de près de trois mois dans la capitale française, il a décidé de rejoindre le Maroc via Tunis et Madrid au début du mois d’octobre 1956. Dès son arrivée à Rabat, il a pris contact avec les responsables de la Révolution, notamment Tayeb Thaalibi, dit Si Allel, un compagnon de Boudiaf, qui était le responsable du FLN pour le Maroc occidental.
Ce dernier l’a immédiatement dirigé vers Tétouan, dans le nord du Maroc, alors qu’il avait émis le souhait de rejoindre le maquis en territoire algérien.
A Tétouan, il s’est intégré à l’équipe qui était chargée de la publication intitulée «La Résistance algérienne» lancée par Boudiaf au mois de juin 1956, avant de prendre le nom d’El-Moudjahid, dont les 7 premiers numéros avaient été tirés à Alger et les numéros 8, 9 et 10 à Tétouan avant de déménager à Tunis au mois de novembre 1957, sous la responsabilité de Abane Ramdane, et ce, à la faveur d’un remaniement de la direction du FLN. L’équipe du journal à laquelle s’était joint Zahir Ihaddaden était alors composée de Rédha Malek, Ali Haroun, Frantz Fanon, Mohamed El-Mili, Sadek Moussaoui, Ahmed Ayadi, Hocine Bouzaher et autres.
Si Zahir était resté au Maroc à la tête d’une équipe de rédaction réduite, qui s’était installée entre-temps à Rabat durant les années 1958 et 1959, puis il a rejoint, lui aussi, Tunis où il a occupé les fonctions d’adjoint de Rédha Malek, directeur d’El-Moudjahid, jusqu’au cessez-le-feu, le 19 mars 1962.

Sa contribution à l’édification du pays après l’indépendance
Au lendemain de l’indépendance, Zahir Ihaddaden s’est abstenu de postuler à des postes politiques ou à de hautes fonctions dignes de son militantisme au service de la patrie ou qui correspondent à ses diplômes et son niveau intellectuel. Son devoir envers le pays ayant été honorablement accompli, il s’est contenté de prendre contact directement avec le ministère de l’éducation nationale pour se voir nommer comme enseignant au lycée El-Idrissi d’Alger où il s’est retrouvé dans la même fonction ou la même profession que celle qui était la sienne en 1955 à Miliana.
Une année après, il a accepté de prendre le poste d’adjoint du directeur de l’Ecole normale supérieure jusqu’à 1966, année à laquelle il rejoint son ami Mohamed Seddik Benyahia au ministère de l’Information et de la Culture, en qualité de sous-directeur de l’édition et de la diffusion.
A ce titre, il a été à l’origine de la création de la Société nationale d’édition et de diffusion (Sned), la revue littéraire Amal ainsi de l’Office national des droits d’auteur.
En plus de ses fonctions officielles, Si Zahir avait été l’un des organisateurs du Festival panafricain abrité par l’Algérie en 1969, manifestation qui a eu un succès retentissant aux plans médiatique et politique. Dans le même cadre, il avait représenté le ministère de l’Information dans une grande commission chargée de la réforme de l’enseignement, que présidait Ahmed Taleb Ibrahimi, et aux travaux de laquelle assistait très souvent le président Boumediène.
Au sein de cette commission, il a défendu avec beaucoup de conviction la nécessité d’opter, à titre transitoire, pour un enseignement bilingue, option que Boumediène avait soutenue.
En 1971, à la faveur de la nomination de Mohamed Seddik Benyahia comme ministre de l’Enseignement supérieur, ce dernier lui confie le poste de conseiller technique tout en le chargeant de la direction de l’Ecole nationale supérieure de journalisme, poste qu’il a occupé jusqu’en 1976. Durant près de cinq ans, des milliers de journalistes de qualité sont sortis de cette école qu’il a marqué de son empreinte indélébile.
Entre 1976 et 1978, Si Zahir a bénéficié d’une mise en disponibilité qui lui a permis de poursuivre ses études en postgraduation à l’université de la Sorbonne, à Paris, où il a préparé un doctorat en sciences de l’information et un autre en sciences politiques.
Après cela, il rejoint l’Algérie pour achever son parcours comme professeur à l’Institut des sciences de l’information jusqu’à son admission à la retraite en 1993, soit près de 13 ans consacrés entièrement à la formation des hommes de la presse et à la recherche qu’il affectionnait particulièrement.
La plupart des responsables de journaux ainsi que des journalistes de renom qui ont eu à le connaître ne tarissent pas aujourd’hui d’éloges envers ce grand professeur qui ne se contentait pas seulement de transmettre des connaissances scientifiques et techniques abstraites, mais il consolidait toujours son enseignement par des incursions dans les domaines de l’éducation civique, sociale et citoyenne en donnant l’exemple par sa rectitude morale et professionnelle, sa modestie légendaire et son attachement indéfectible à l’Algérie et aux valeurs de son peuple. Après la retraite, le maître Zahir Ihaddaden n’a jamais cessé ses activités d’information et de culture en s’efforçant d’assister à toutes les rencontres, conférences, colloques qui traitent de sciences, de culture et en particulier de l’histoire de l’Algérie et de sa Révolution.
Ses contributions dans ce domaine ont toujours été magistrales en termes de conception, de méthodologie et d’analyse. Un jour, alors que je prenais un thé chez lui, je lui ai demandé de me donner les clés de la bonne communication, il m’avait répondu tout de go : modestie et générosité.

Conclusion
Des hommes comme le défunt Zahir Ihaddaden ne disparaissent que par leur corps mais leur nom et leur héritage culturel et scientifique demeurent à jamais dans la mémoire collective à travers le patrimoine qu’ils ont légué à la société et qui se transmettra de génération en génération pour le bien de la communauté. Si Zahir nous a laissés un riche héritage composé notamment de nombreuses publications dont nous citerons : Histoire de la presse «indigène» ; Regard sur l’histoire de l’Algérie ; Béjaïa, à l’époque de sa splendeur (1060-1555) ; L’histoire décolonisée du Maghreb et son dernier ouvrage paru exactement deux jours avant de rendre l’âme sous le titre «Itinéraire d’un militant - Témoignage».
Pour illustrer sa modestie et son humilité, voilà ce qu’il écrit dans le premier paragraphe de l’avant-propos de ce dernier ouvrage : «Plusieurs de mes amis, parents et étudiants n’ont cessé de me réclamer la transcription de mes mémoires et tout humblement, je considère avoir peu d’événements à révéler aux lecteurs d’autant plus que j’ai toujours refusé d’assumer de grandes responsabilités, car je les sens si pesantes qu’il vaut mieux ne pas les solliciter.»
Il a ainsi préféré travailler loin des feux de la rampe, dans le silence, la modestie et l’efficacité. Si Zahir nous a quittés le 20 janvier 2018, à l’âge de 89 ans. Il a été inhumé au carré des martyrs du cimetière d’El-Alia aux côtés de son frère chahid Abdelhafid dont nous avons évoqué plus haut les circonstances de sa disparition le 11 juillet 1961.
Son enterrement a eu lieu devant une foule très nombreuse représentant toutes les couches de la société, notamment des hommes de la presse, des écrivains et intellectuels, de hauts responsables actuels ou anciens de l’Etat, de nombreux amis venus de partout, en particulier les gens de son village d’origine, Toudja, qui avaient pour lui une grande admiration.
A. K. 

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