Placeholder

Rubrique Contribution

RÉPONSE À M. BACHIR DERRAIS Ne tirez plus sur nos héros

 

Par Ali Cherif Deroua,
moudjahid

Depuis plusieurs semaines, le film sur Larbi Ben m’hidi est l’une des interrogations majeures de sa diffusion. Comme toute affaire commerciale, ce film a été sujet à discussions, négociations et signature d’un contrat liant les parties prenantes avec un scénario avalisé par tous, avec un paragraphe stipulant les modalités de recours en cas de conflit ou d’interprétation du contrat. Malheureusement, le différend se retrouve sur le devant de la scène médiatique et publique : journaux, télévisions, Twitter, Facebook ; discussions dans les chaumières, cafés et salons d’Algérie et d’ailleurs. J’aurais aimé que les historiens, les journalistes algériens et tous ceux qui ont glorifié Larbi Ben Mhidi depuis plusieurs décennies défendent sa mémoire et ne laissent pas sans réponse pareille aberration. D’où l'écriture de cet article et mon «intrusion» dans ce débat. Il ne portera que sur deux extraits des déclarations de M. Bachir Derrais, une des parties impliquées dans ce différend. M. Bachir Derrais est libre d’avoir son opinion et ses interprétations sur ce qu’il a lu, entendu ou visionné.
Premier extrait
TSA, 7 septembre 2018
Question : qu'en est-il du conflit entre Benbella et Ben m’hidi ?
Réponse de M. Bachir Derrais : Je n'ai pas voulu mentionner comment Benbella a donné une gifle à Ben m’hidi (lors d'une réunion au Caire)… Je n’ai pas voulu montrer cette scène parce que c’est dégradant pour Ben m’hidi. Benbella a frappé Ben m’hidi comme un voyou.
Les faits historiques fidèlement présentés sont les suivants : Larbi Ben mhidi, en compagnie de mohamed Boudiaf, se rend au Caire début février 1956 pour rencontrer ses autres frères membres des 9 responsables du déclenchement du 1er Novembre qui sont, par droit d’aînesse, mohamed Khider, Ahmed Benbella, mohamed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed. Son voyage n’a jamais été uniquement motivé par le manque d’armes. Il l’était surtout par les relations avec un pays frère sur le point d'obtenir son indépendance, à savoir le maroc. Il fallait voir ses frères du Caire et l’homme politique marocain le plus puissant après Sa majesté mohamed V, réfugié au Caire, à savoir Allel El Fassi, président du parti de l’Istiqlal et, par voie de conséquence, responsable de la moukaouma et de l'Armée de libération marocaine (ALm). D’autant plus que l’Istiqlal participait, depuis le 22 août 1955, aux pourparlers d’Aix-les-Bains entre le gouvernement français représenté par Edgar Faure, Président du conseil, Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères et les délégués marocains dont mehdi Benbarka, Abderahim Bouabid et mhamed Boucetta, hauts responsables de l’Istiqlal. Cette rencontre du Caire se focalisait seulement sur les discussions, les conceptions et les négociations des futures relations entre la Zone 5 (future Wilaya 5) dont le responsable incontesté et incontestable était Larbi Ben m’hidi avec la moukaouma et l’ALm, avec un futur Etat marocain indépendant en négociations avec un colonisateur commun. La déclaration de l'indépendance du maroc a eu lieu le 2 mars 1956. La Zone 5, limitrophe du royaume du maroc, se devait au moins d’appréhender la nouvelle donne politique. quoi de plus convaincant, quoi de mieux à montrer que cette photo historique où l'on voit au premier rang Larbi Ben m’hidi, Allel El Fassi, commandant Fethi Dib, responsable égyptien en charge des mouvements de libération en Afrique du Nord, Hocine Aït Ahmed, au second rang, mohamed Boudiaf, Abdelkebir El Fassi, neveu de Allel El Fassi, Colonel Ezzat Soliman, directeur général de la sécurité nationale (moukhabarate) Ahmed Benbella. La présence de Ben m’hidi à côté de Allel El Fassi prouve en partie, s'il en est besoin, l’objet de sa mission au Caire de février 1956 à fin avril 1956. Cette photo est aussi un démenti cinglant à cette rumeur que certains veulent accréditer comme fait historique, la gifle que Benbella aurait donnée à Ben m’hidi. D’autre part, durant son séjour au Caire, Ben m’hidi ne s'est réuni qu'avec Khider, Boudiaf, Benbella et Aït Ahmed. Après l’indépendance, aucun des trois leaders sus-mentionnés ne portait dans son cœur Benbella. Ils ont écrit, ils sont intervenus via les médias pour «lui régler son compte», mais aucun d’entre eux n'a parlé de gifle. Toute personne sensée ne peut admettre qu'une personne giflée puisse accepter d'être photographiée avec son agresseur !!! Le 7 janvier 1957, Larbi Ben m’hidi envoie une lettre aux 4 détenus historiques à la prison de la Santé Paris où il écrit textuellement : «mahsas parle et agit au nom de Benbella. C’est pourquoi nous avons demandé au frère Benbella de rappeler à l’ordre mahsas et de désavouer son travail fractionnel.» (Le FLN, documents et histoire 1954-1962, page 341 par mohamed Harbi et Gilbert meynier, éditions Casbah) Cher concitoyen, cher lecteur, quel est celui d’entre nous, Algériens, dont l’une des qualités premières est l’honneur, peut traiter de frère quelqu’un qui lui aurait donné une gifle ? Larbi Ben m’hidi, quant à lui, ne pouvait donner ni à plus forte raison recevoir une gifle. Tel était le compagnon et le chef que j’ai connu. Donc, cet incident n’existe que pour ceux qui veulent à tout prix salir et falsifier l’Histoire de la Révolution du 1er novembre Alors de grâce, arrêtons de rapporter des rumeurs sciemment entretenues et propagées et d’en faire des faits historiques. Enfin, voici ce que Benyoucef Benkhedda, adversaire irréductible de Benbella, écrit sur cette histoire dans son livre Abane Ben M’hidi : «On rapporte qu'au cours d'une discussion houleuse avec Benbella, Ben m’hidi prit la décision de quitter le Caire et de retourner au pays.» Il parle de discussion houleuse, mais pas de bagarre ni de gifle. mieux, avec «on rapporte », il est loin d'être affirmatif, il ne fait que véhiculer une rumeur.
Second extrait
TSA, 10 septembre. m. Derrais déclare : «Or aucun élément n’atteste que Larbi Ben m’hidi a subi la torture durant sa captivité.Tous les témoignages des militaires français qui ont pris part à son arrestation, à sa détention et à son exécution attestent qu’il n'a pas été soumis à la torture… Je ne peux tout de même pas inventer un épisode de la Révolution algérienne qui n'a pas existé.» Là, il va trop loin. Etre enchaîné et menotté des pieds et des mains dans une cellule pendant 10 jours (la photo ci-jointe en est l’illustration irréfutable) devrait suffire à ne pas tenir de pareils propos.
Contexte Alger février 1957
Une grève de 7 jours décidée par le FLN sur proposition de Larbi Ben m’hidi. Présence à Alger d'une armée française pléthorique renforcée par une division de 15 000 parachutistes bénéficiant légalement des pleins pouvoirs Alger à feu et à sang, avec des attentats et une répression féroce des forces d’occupation. Dans ce contexte, une compagnie de parachutistes, sous le commandement du lieutenant Jacques Allaire, arrête Larbi Ben m’hidi et Chergui. Comment concevoir que Chergui puisse être torturé, lui dont les responsabilités étaient beaucoup moindres que celles de Ben m’hidi et pas Ben m’hidi, jugé et condamné en 1950, recherché depuis cette date, organisateur de la grève, membre de la direction de la Révolution (CCE)? Cela dépasse l’entendement ! Aussaresses, officier supérieur en charge des basses œuvres de l'armée française, reconnaît dans ses écrits et déclarations avoir lui-même torturé et assassiné Larbi Ben m’hidi. quoi de plus pour convaincre m. Bachir Derrais que Ben m’hidi a bel et bien été torturé ! que m. Derrais ait son point de vue sur la Révolution, sur les événements qui l'ont jalonnée, oui, il en a tous les droits. qu’il défende ses intérêts, oui, il en a tous les droits. qu'il aime ou déteste les acteurs principaux de la Révolution, oui, il en a tous les droits. mais, de grâce, qu'il s'abstienne de donner une image négative de l'une des figures emblématiques de la Révolution de Novembre 1954, à savoir Larbi Ben m’hidi. Le mal est fait. que cet épisode serve de leçon à ceux qui parlent ou écrivent sur la Glorieuse Révolution du 1er Novembre qui appartient à tous les Algériens et Algériennes et, en premier lieu, à ceux qui sont morts pour elle.
A. C. D.

 

 

 

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder