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Rubrique Contribution

Maladies à transmission hydrique Quand les règles d’hygiène élémentaires viennent à manquer

Par Farouk Zahi
Tout le monde a constaté, depuis fort longtemps, l’état de dégradation de l’environnement de nos villes et cités et personne ne semble, aujourd’hui, étonné de la survenue de maladies qu’on croyait à jamais éradiquées, à l’instar de la typhoïde, du choléra et autre dysenterie. Les germes en latence que le milieu biologique entretient n’attendent que la baisse de la garde pour frapper sévèrement, et ce sera le prix à payer pour notre manque de vigilance.  A l’inverse des maladies à transmission aérienne, telles les grippes et maladies respiratoires plus ardues à s’en protéger, celles à transmission hydrique sont plus faciles à contenir car l’arsenal défensif est entre nos mains. 
Il s’agit, bien entendu, des rustiques eau de Javel et du savon de Marseille. La transmission dite féco-orale est le plus souvent véhiculée par des mains sales, il suffit qu’un porteur de virus dit sain soit dans la proximité.
La flamboyante épopée de l’hypoclorite de soude (eau de Javel) que livre le site www.eaudejavel.fr/histoire.htm.est la suivante : 
«…En 1820, le pharmacien Antoine-Germain Labarraque (1777-1850) remplaça la potasse par la soude et étudia les utilisations médicales et pharmaceutiques de l’eau de Javel.
Il inventa le chlorure d’oxyde de soude et de chaux, variété d’eau de Javel qui permit, entre autres choses, d’arrêter le processus de putréfaction des muqueuses. Il fit ainsi un grand pas dans le domaine de l’hygiène.
… En 1845, Semmelweis, docteur en obstétrique à Vienne, fit tomber la mortalité par fièvre puerpérale de 27 à 0,23% grâce à l’utilisation des hypochlorites par les médecins pour le lavage des mains avant d’accoucher les femmes… 
…Lors de la bataille de Verdun, l'Armée française encerclée, et ne disposant plus d'eau potable, le colonel Bunau-Varilla, directeur du service des eaux de l’armée, mélangea un petit stock d'eau de Javel à l'eau de La Meuse pour alimenter les troupes en eau potable (d'où l'expression «verdunisation» synonyme de potabilisation à l'eau de Javel).
Le docteur Fernand Bezançon prouva le pouvoir blactéricide de l’eau de Javel sur le linge contaminé.
… Grâce à son spectre microbien le plus large connu à ce jour, l’eau de Javel est utilisée pour lutter contre la propagation des maladies : fièvre typhoïde, choléra, hépatite virale, sida, grippe aviaire...
… C'est également la raison pour laquelle, en juillet 1969, la Nasa sélectionna l’eau de Javel pour désinfecter Apollo XI au départ et à son retour de la Lune pour éviter toute contamination éventuelle Terre-Lune et vice-versa.
En 1989, pour la deuxième fois depuis sa découverte, l'effet bactéricide de l'eau de Javel est mis en évidence par le professeur Dodin de l'Institut Pasteur. 
Ses travaux révélèrent, à l'aide d'un microscope électronique, que les bactéries sont détruites en 30 secondes avec une solution d'eau de Javel à 0,036% de chlore actif.
En 2008, l'activité virucide de l'eau de Javel sur le virus Influenza virus A/H5N1 a été démontrée par l'Institut Pasteur de Lille.» Fin de citation. A l’inverse de la fièvre typhoïde, le choléra ne laisse que peu de temps au thérapeute d’agir efficacement ; la diarrhée profuse et les vomissements emportaient les malades bien souvent avant leur hospitalisation. Le manque de vigilance fait souvent oublier au jeune corps médical inexpérimenté que ces syndromes diarrhéiques accompagnés de fièvre sont presque toujours révélateurs d’une toxi-infection d’origine microbienne. Le contrôle de l’eau de boisson, obligation constitutionnelle, ne semble pas avoir les faveurs du secteur en charge de cette mission. Ce seront les collectivités locales et le secteur de la santé qui subiront tout le poids de ces flambées épidémiques. Les éventuelles et tragiques pertes en vies humaines seront consignées dans le registre de la fatalité ou de l’inconséquence. 
Les maladies à transmission hydrique, appelées par contraction MTH, sont-elles devenues un sort inéluctable, jeté à notre urbanité ? Il est cependant curieux de constater que la campagne est épargnée par rapport à la ville qui, pourtant, bénéficie des attributs de modernité que sont les réseaux d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement. Ces équipements ambitionnent de la prémunir du risque fécal à l’origine de ces maladies. La topographie de l’infection se cantonne souvent dans un groupement de population limité : cités, quartiers ou lotissements périphériques. Ceci serait dû à la diversification des sources d’approvisionnement, ce qui est une chance en soit. Se détournant de l’eau potable livrée par le réseau, des consommateurs nostalgiques d’un passé atavique vont chercher leur eau dans les puits agricoles ou les sources qui sourdent un peu partout. Il est rare de trouver des cas disséminés à travers l’ensemble de l’espace urbain. Le lien de causalité est toujours retrouvé a posteriori et la proximité vectorielle établie, sauf quand il s’agit d’une distribution d’eau ambulante. L’éclosion du foyer est toujours en aval du point de contamination de l’eau distribuée. 
L’enquête rétrospective retrouvera souvent un remaniement du sol pour diverses raisons : raccordements domestiques, travaux de réparation de réseaux d’eau potable ou d’assainissement, passage d’engins lourds. Il suffit que les deux réseaux se côtoient ou s’entre-croisent et subissent une quelconque dégradation pour que l’intégrité de l’un ou de l’autre devienne permissive. L’échange entre les deux milieux est, dans ce cas, inévitable. C’est à ce moment précis que le gestionnaire de l’ouvrage doit anticiper et prendre toutes les mesures pour faire conserver à chacun des réseaux son intégrité. Cette opération devra être impérativement suivie par une technicité avérée ou, du moins, supervisée dans sa phase finale, avant le comblement de la fosse qui a abrité les travaux. 
Deux hypothèses peuvent être avancées dans ce cas de figure : 
1- travaux de réparation ou de réhabilitation effectués dans les règles de l’art : évacuation des eaux usées, vérification de l’étanchéité des joints, réparation des brisures et lessivage au lait de chaux. Les risques de contamination seraient, dans cette variante, nuls ou minimisés ; 
2- bricolage : jointage au béton de ciment ou colmatage avec des lambeaux de pneumatique et comblement précipité sans contrôle technique. Les risques seront majorés par l’intervention intempestive, elle-même. La situation sera d’autant plus grave, si l’eau n’est distribuée que de manière intermittente.
 La vacuité de la conduite pendant les coupures peut créer un phénomène d’aspiration des eaux usées laissées à proximité du joint non étanche ou de la fêlure de celle-ci. Nos prétentions modernistes seraient-elles l’otage de l’archaïsme qui sommeille en chacun de nous ? Un de nos anciens collègues du ministère de la Santé nous confiait, un jour, qu’au milieu des années 1980, sur l’ensemble du territoire national, une seule wilaya n’était pas touchée par les maladies à transmission hydrique. Il s’agissait d'Illizi qui ne disposait pas encore de réseau d’assainissement. La fosse septique traditionnelle serait-elle moins nocive que le réseau moderne de par son caractère unitaire et limité ? Ou bien avons-nous occulté la rigueur requise dans la maintenance de l’ouvrage moderne ? Par ailleurs, la désinfection de l’eau potable, qui est passée depuis longtemps dans les mœurs, souffre de lacunes qu’il faudra combler à brève échéance. Il nous est loisible d’en citer quelques-unes : 
- le matériel de chloration (javellisateur) est parfois confié au seul gardien du réservoir d’eau, d’où le risque de défaut d’entretien et un arrêt prolongé du fonctionnement ; 
- la chloration n’est souvent pas en rapport avec le débit distribué ; 
- l’eau de Javel livrée par certains commerces est mal dosée ou carrément inefficiente ; 
- le personnel en charge de la javellisation n’est pas doté de comparateur, simple appareil permettant le calcul du taux de chlore dans l’eau. 
L’opération qu’il ne faut jamais perdre de vue, au moins annuelle, des ouvrages de stockage et de distribution de l’eau potable. Il s’agit du curage et du lessivage fortement chloré du réseau. Cette opération doit débuter du réservoir pour se terminer au robinet du dernier consommateur. Les vannes d’évacuation, qui n’existent pas partout, sont prévues à l’effet de vidanger le réseau. Le réseau d’assainissement de gestion, plus complexe que le premier, nécessite des moyens autrement plus importants. 
Dans certaines villes situées en contre-bas du niveau de l’exutoire, on a recours aux stations de relevage, au process lourd. L’agglomération de Ouargla en compterait plusieurs. Il suffit de jeter un coup d’œil dans un regard de visite de réseau d’assainissement pour comprendre qu’il est fait de telle sorte que son entretien régulier ne peut être qu’impératif. Sa dénomination explicite, si besoin est, sa fonction. La conduite d’arrivée dans le sens de l’écoulement est plus basse que la conduite de départ, cette configuration, sciemment prévue, est le réceptacle d’éventuels corps solides, détritus et boue qui participent à l’obstruction de l’ouvrage. Sa fréquence et sa proximité permettent aux foyers de se raccorder aisément. Ce caractère le soumet à de multiples agressions, destruction du tampon de fermeture, comblement par des gravats ou cadavres d’animaux.
Par défaut d’écoulement, la fermentation des produits organiques, contenus dans les eaux usées, produira des émanations de gaz toxiques. Peu de réseaux, à notre connaissance, font l’objet d’entretien régulier. Les moyens à mobiliser peuvent être simples : brouette, curette et saupoudrage de chlorure de chaux. 
Ce dernier produit a l’avantage de réduire la dangerosité des eaux usées, en cas de cross-connexion (terminologie technique, pour dire que l’eau potable est spoliée par les matières fécales). Ces petits gestes de cantonnier ont été perdus, au bénéfice de la benne tasseuse et de la pompe suceuse, équipements souvent indisponibles car très coûteux. 
Quant à nos oueds pollués par les eaux usées et dans l’expectative, il est envisageable de construire des bassins de décantation à l’embouchure de l’exutoire. Les eaux usées subiront ainsi un traitement par la chaux vive, disponible dans nos campagnes. Même grossier, ce traitement a donné des preuves d’efficacité. Ce procédé rudimentaire réduira la charge microbienne des eaux usées et dissuadera les éventuels utilisateurs à des fins agricoles. Il est bien entendu que seules les agglomérations de petite ou moyenne importance sont justiciables de tels procédés. Il se trouvera des technicistes orthodoxes pour qualifier cette démarche d’archaïque et n’ont d’autre alternative que de proposer l’inscription d’une hypothétique opération planifiée, pour régler définitivement le problème. 
En attendant, ils n’ont pas de solution de rechange. Dans les années 1970, face à l’indisponibilité d’appareils de javellisation, le jerrican de 30 litres muni d’une tubulure permettant de régler le débit d’eau de Javel goutte à goutte a suppléé à cet équipement. Ce système ingénieux, «inventé» par des techniciens de santé, a eu le mérite de fonctionner et de combler l’insuffisance de l’époque. 
En Occident, la pression des milieux écologistes a contraint les gouvernements à préserver les ressources hydriques des diverses pollutions. C’est ainsi que la campagne française réalise annuellement près de 200 000 fosses septiques collectives, regroupant une vingtaine de foyers chacune. 
Le méthane produit et récupéré aurait remplacé les autres sources d’énergie à utilisation domestique. Les produits solides, quant à eux, seraient utilisés à des fins agricoles. L’archaïsme médiéval de nos aïeux prévenait ces maladies par des gestes simples : enfouissement de cadavres d’animaux, chaulage printanier des maisonnettes, chloration de l’eau du puits par de la chaux vive. 
D’ailleurs, le mortier destiné à la construction est fait de sable et de chaux, ce qui n’incite pas la vermine et autres acariens à y gîter. Les ressources hydriques, notamment celles des puits, ont longtemps été traitées par la brique céramique poreuse contenant du chlorure de chaux et colmatée par du ciment. 
Les turbulences qu’a connues le pays ont quelque peu fait abandonner cette méthode. Néanmoins, ses détracteurs ont parfois apporté la preuve de son inefficacité. Il est vrai qu’une certaine brique de qualité médiocre n’est pas poreuse. Aussi, toute brique préparée pour la désinfection de l’eau doit être d’abord testée avant son utilisation. Il suffit de l’immerger dans un récipient et de tester l’eau d’immersion après 3 ou 4 heures. Son efficacité est probante si l’eau du récipient contient du chlore au bout du délai de l’épreuve. Il a fallu beaucoup de persévérance aux services de santé pour institutionnaliser ce procédé, œuvre d’un épidémiologiste de Sétif. Dans certaines régions, la ruse paysanne a fait courir la rumeur que le produit de la brique est un contraceptif que la «houkouma» donnait à la population pour limiter les naissances. Les agriculteurs pensaient d’abord à protéger leurs produits agricoles de la nocivité du chlore. L’on nous dira alors que tout cela est bien beau, mais quel serait l’organisme en charge de toute cette activité de contrôle et de supervision ? Ce sera tout simplement ce qui est appelé le Bureau communal d’hygiène (BCH). Créé par décret exécutif de 1987 et au risque de froisser un ami qui a été un de ses initiateurs, ce texte réglementaire pèche par sa tendance idéaliste. Placé sous l’autorité du président de l’Assemblée populaire communale, il ne pouvait être que sa chambre de résonance. On ne peut être juge et partie. 
La barre a été placée trop haut dans son organigramme, c’est ainsi que l’on trouve le médecin, le vétérinaire, le biologiste le plus souvent de sexe féminin. Les missions de cette structure sont avant tout d’ordre opérationnel, en tout temps et en tout lieu. La dénomination de bureau confine à la sédentarité administrative. Sa composante «blanche» devrait tendre vers «la bleue». Cette entité a beaucoup plus besoin de techniciens et d’ouvriers qualifiés que de spécialistes. Elle devrait être érigée en brigade mobile, dotée d’un véhicule utilitaire tout-terrain et équipée de kits d’analyses, disponibles sur le marché national. 
Les analyses extemporanées sur les lieux de l’infraction impressionnent le ou les auteurs. Elles apportent la preuve matérielle de l’incrimination. Cette brigade gagnerait à être flanquée d’au moins un élément de la sécurité publique, les agressions humaine et canine ne sont pas à écarter dans certaines missions. 
Cette équipe, dont l’émanation est de puissance publique, serait placée sous l’autorité du chef de daïra ou du wali délégué. Nous ne mésestimons pas l’admirable travail de ce médecin, de ce vétérinaire ou biologiste, loin s’en faut. Mais placés dans l’œil du cyclone, ils ne peuvent qu’abdiquer devant la machine administrative, citadelle inexpugnable. 
Ils sont parfois chargés de tâches qui ne sont pas les leurs. Il s’est trouvé dans les années 1990, un médecin qui assurait la permanence du standard téléphonique à l’instar du personnel administratif, d’une commune de l’intérieur du pays. Il nous souvient de situation ubuesque où les services de santé organisaient des cycles de sensibilisation ou d’évaluation en direction des élus. Ces derniers déléguaient le médecin ou le technicien du secteur, placé en activité au Bureau d’hygiène de la même collectivité. Ils ne se sentaient pas concernés. C’est dire les situations tragi-comiques de ce que peuvent générer le chevauchement d’attributions et l’interférence des prérogatives. 
En conclusion, il ne s’agit plus de théoriser sur la lutte contre ces fléaux d’un autre âge, le temps des commissions et de la sensibilisation est à notre humble avis dépassé. Il faut pouvoir débusquer et identifier les attentistes par la formule : qui fait quoi, où, quand et comment ? Pénaliser tout manquement aux règles de salubrité publique, il y va de l’intégrité physique des personnes. L’enfance plus vulnérable y paie le plus lourd tribut, la diarrhée est la première cause de mortalité infantile. Sans intention délibérée  de jeter l’anathème sur quiconque, l’honnêteté intellectuelle nous oblige à dire que les secteurs concernés par ce problème font défection le plus souvent. Lors de la dernière épidémie de typhoïde que nous avons eue à gérer quelque part dans le Tidikelt en juillet 2001, seuls le jeune chef de daïra, l’équipe sanitaire et quelques agents communaux étaient sur le terrain pendant une dizaine de jours, sous des pointes de température avoisinant les 50°C. Nous n’avons pas déploré de décès, mais c’était une épidémie de trop. 
F. Z.

 

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