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Rubrique Contribution

ÉCOLE Sauver l’année scolaire ? L’énigme

Par Ahmed Tessa
C’est à juste titre que toute la société algérienne s’inquiète du devenir d’une année scolaire 2019-2020 parasitée par l’épidémie en cours. Nous ne sommes pas les seuls au monde à vivre dans une attente angoissante généralisée. Certains pays ont déjà annoncé la couleur en reportant la reprise au mois de septembre. D’autres s’apprêtent à le faire dans le courant de ce mois de mai. Toutefois, là  où il y a des annonces de reprise, les autorités sanitaires, politiques et scolaires  déploient des trésors de sensibilisation et les préparatifs vont bon train. Tous leurs médias lourds sont mobilisés autour d’éditions spéciales animées par des experts du monde médical.  

Les ministres montent au créneau pour expliquer, rassurer. On y assiste à  des débats, des témoignages, des reportages in-vivo, des conseils donnés aux citoyens et aux enfants, des simulations de reprise, des comparatifs entre pays, etc. Tout est fait pour rassurer et surtout offrir aux personnels de l’éducation et aux enfants les meilleures garanties de sécurité sanitaire. Et ce n’est pas gagné d’avance. Des doutes persistent – y compris chez d’éminents scientifiques qui privilégient la logique sanitaire à la logique économique. Mais en ultime arbitrage, c’est le politique qui décide. Et réalité, pour les responsables politiques au pouvoir, ce sont les raisons économiques qui impriment le tempo pour la reprise scolaire. Par exemple, en France, l’argument avancé est le suivant : rouvrir les maternelles et les écoles primaires en priorité afin de permettre aux parents d’aller au travail. On aura remarqué que dans la plupart des pays, la formule «année blanche» n’est jamais évoquée. D’aucuns diront que grâce au télé-enseignement, les cours du 3e trimestre y sont assurés. Nullement ! Ce type d’enseignement est loin d’être généralisé, créant ainsi des inégalités entre élèves. Si l’année blanche n’est pas à l’ordre du jour, c’est pour la simple raison que dans ces pays, la souplesse des dispositifs pédagogiques (programmes, méthodes, horaires, évaluations) permet de réguler et de moduler selon les circonstances. Nulle place à  l’épée de Damoclès des examens de fin de cycle.

Quid de l’Algérie ?
A l’exception de certains quotidiens, les médias algériens lourds sont braqués sur les actions de «charité», la disponibilité de la semoule et de la zlabia et les images protocolaires longues comme un jour sans fin. Vieux réflexes ! A croire que le citoyen est uniquement un système œsophagique.  
Ignorés nos spécialistes du corps médical ! Passées sous silence les scènes d’inconscience collective ! Cette vente concomitante où un kilo de zlabia est automatiquement accompagné d’une poignée de virus. Rien n’est offert aux parents et aux enfants pour apaiser leurs angoisses – si ce n’est des cours de «soutien» télévisés nocifs, d’un autre siècle. Dans un tel contexte d’insouciance et de déni médiatiques, il est évident que le spectre de l’année blanche soit évoqué. Qu’est-il en réalité ?
De prime abord, il y a lieu de souligner que l’année blanche n’aura pas lieu. Les élèves algériens ont réalisé les deux-tiers de l’année scolaire – tant bien que mal il est vrai : certaines wilayas ont connu des grèves perlées dans le sillage du Hirak. Il s’agit donc de rattraper le retard d’un trimestre plein – le troisième. Atout majeur pour l’inévitable rattrapage, c’est que ce trimestre est le plus court quoiqu’il comporte les leçons les plus difficiles et décisives du programme. Que faire et comment faire pour sauver l’année scolaire et garantir la continuité de la scolarité de nos enfants ? Trois hypothèses et des propositions.

Hypothèses
• La plus optimiste – quasi impossible -  est que d’ici la fin mai au maximum, l’épidémie sera terrassée. Aucun danger sanitaire en vue et la reprise scolaire  se fera normalement. On aura ainsi tout le mois de juin (avec une première semaine consacrée aux révisions) et éventuellement une semaine de juillet pour boucler le troisième trimestre de la meilleure façon qui soit. Il va sans dire que les trois examens passeront à la trappe : ils sont chronophages. En effet, de tout temps, sur une année scolaire, ces trois examens «bouffent» plus de six semaines et quelques centaines de milliards de centimes chaque année. Ce sont autant de leçons dispensées (quand elles le sont) à la va-vite et un programme tronqué. Il faudra les reporter au mois de septembre en revoyant à la baisse le calendrier des vacances scolaires de l’année 2020-2021.
• Hypothèse pessimiste, mais sage. Les autorités sanitaires et politiques fixent la reprise des cours à la rentrée de septembre. Et là, deux mesures sont  à prendre dans l’immédiat : 
- assurer la prise en charge intelligente des élèves d’ici septembre ( voir propositions)
- élaborer deux  protocoles, l’un sanitaire qui est du ressort des spécialistes ;  l’autre pédagogique (voir propositions).
• Hypothèse intermédiaire mais risquée.  Pour des raisons qu’il aura à expliquer, le gouvernement opte pour la reprise des cours au lendemain du 14 mai. Dans ces conditions, la bataille de la sensibilisation sera dure à gagner. Les parents et les enseignants auront leur mot à dire. Et le silence radio du ministère de l’Education nationale  n’arrange pas les choses en matière de mise en confiance/sécurité. Il ne communique que par communiqués inaccessibles lexicalement pour la majorité des parents et des élèves. A lire la contribution publiée par Le Soir d’Algérie du 25 avril («Équation à deux inconnues : l’école du post-confinement»).

Propositions
Dans les trois hypothèses citées, les examens et l’état psychologique des enfants poseront problème. Que faire ?
• Les examens. Dans toute difficulté vécue, l’être humain doué d’intelligence pourra tirer des leçons utiles. A nous de faire en sorte que cette crise sanitaire soit une opportunité de mise à plat de notre système scolaire (et éducatif global). La problématique de la reprise des cours nous invite à repenser les examens scolaires ; revoir leur finalité/utilité et leur impact multiforme, tant psychologique que pédagogique, sociétal et financier. D’autres formes d’évaluation du travail des élèves existent en dehors de cette pratique moyenâgeuse des examens – particulièrement pour le primaaire et le collège. Il va sans dire que ces deux examens méritent d’être remplacés de façon plus efficace et «rentable». Pour le bac, son report à septembre sera l’occasion d’accélérer sa réforme en associant le ministère de l’Enseignement supérieur qui décerne l’admission définitive. Le lycée étant redevable du quitus d’admissibilité.
• Prise en charge des élèves d’ici septembre. Le temps est trop long et les dangers d’un décrochage scolaire planent sur une certaine catégorie de nos élèves. Nous avons en mémoire l’épisode du boycott de l’école en 1994-1995. Que faire ?
• A défaut d’une chaîne TV éducative, pourtant prévue en 2010 en pleine «boustifaille» des 1 000 milliards de dollars, l’État peut réquisitionner à temps plein une chaîne publique. Elle sera dédiée à des séances de révision des leçons (devoirs et compositions) du 1er et 2e trimestres, à des jeux éducatifs, des émissions avec des spécialistes du monde de l’enfance… une chaîne qui attire plus qu’elle ne rebute. Bien entendu, les émissions ne seront pas du même tonneau que les cours diffusés actuellement.
- Mettre sur place, à côté du Comité scientifique national  chargé du Covid-19, un panel d’experts pour donner des conseils pratiques, des orientations et des recommandations aux parents et aux enfants. Un panel composé de spécialistes en psy, en neurosciences, de pédiatres, de pédagogues….
- Dans le cas d’une reprise en mai ou en septembre. Réguler et moduler le protocole pédagogique pour qu’il s’intègre au protocole sanitaire. Revoir les horaires des séances, cibler les leçons-pivots, prioriser les matières dites de spécialité (ou essentielles selon le vocable discriminant en usage). 
- Réfléchir à reprendre le dossier des rythmes scolaires ouvert et abandonné en 2010, pour des raisons infondées. Les rythmes scolaires basés sur les données scientifiques de la chronobiologie pourront servir de stimulant à une remise en cause d’idées reçues jusque-là et appliquées dans notre système scolaire depuis 1962. Un autre débat.
En conclusion, à quelque chose malheur est bon. Les vertus pédagogiques de cette épidémie ne concernent pas seulement la nature qui respire enfin, dépolluée qu’elle est par la peur des humains à vaquer à leurs occupations polluantes. On peut aussi dépolluer nos esprits et notre système éducatif pour lui donner souplesse et efficacité. Le rendre adaptable à toutes les circonstances imposées par l’énigme de la vie sur terre. D’où l’inévitable refondation de l’école et de l’université : deux institutions dont les paradigmes de fonctionnement et d’organisation sont dépassés et archaïques.
A. T.

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