Paru dernièrement chez Casbah Éditions, Prodigieuse fortune est un passionnant roman historique de l’écrivaine et historienne algérienne Corinne Chevallier.
«Il était, ce jour-là, à la recherche d’une dizaine de captifs espagnols qui, sous la conduite d’un certain Miguel Saavedra, s’étaient évadés du bagne du raïs Dali Mami. Ses espions lui avaient appris que les fugitifs se cachaient dans une grotte du côté du Hamma, là où s’était jadis engloutie la flotte chrétienne. Ils projetaient de s’enfuir à bord d’une fuste que le frère de Miguel armait pour eux à Majorque et le mezzouar voulait les surprendre avant l’arrivée du bateau », écrit Corinne Chevallier dans Prodigieuse fortune.
Ce Miguel Saavedra est bien entendu l’écrivain Miguel Cervantès qui avait passé cinq années à Alger, entre 1575 et 1580, avant de retourner en Espagne et d’écrire L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, publié en 1605 et reconnu comme le premier roman moderne.
«En ce milieu du seizième siècle, la petite ville d’El Djezaïr, que ses habitants appelaient plus simplement Dzaïr et que les Européens appelaient Argel ou Alger, arrivait au sommet de la rapide ascension qui allait en faire, au cours des siècles suivants, ‘’la plus redoutable des villes neuves de la Méditerranée’’. En quelques années, elle avait pris un essor prodigieux», écrit encore Corinne Chevallier au début de son livre. Alger à cette époque était à l’apogée de ce que l’historien français Fernand Braudel (1902- 1985) avait appelé sa «prodigieuse fortune ».
En ces temps-là, la redoutable Alger poursuivait les Espagnols, menaçait les Américains et défiait les flottes chrétiennes qui par trois fois avaient tenté de l’assiéger et de la conquérir. L’histoire dans le roman de Corinne Chevallier se déroule principalement vers le milieu du XVIe siècle. En 1556, l’épidémie de peste qui s’abat sur la ville d’Alger et la mort du Pacha ont donné l’occasion aux janissaires de s’opposer au raïs et de se rebeller pour la première fois contre l’autorité de Constantinople. Des religieux espagnols viennent racheter des captifs. Une fille est assassinée et le mezzouar poursuit inlassablement son enquête sur un étrange collier. Ces événements influent négativement sur la reconquête de la ville d’Oran occupée par les Espagnols. Mais il n’y a pas que la guerre, les intrigues ou la politique dans ce roman. Il y a aussi de belles histoires de tolérance, de mysticisme (soufisme), d’amour et de paix.
«On ne saura jamais assez l’étonnante succession d’événements qui ont émaillé, pendant près de trois siècles, l’histoire d’Alger et contribué à ce que Fernand Braudel a pu appeler sa ‘’prodigieuse fortune’’. Ceci est un roman. Mais tout ce qu’il raconte est vrai ou aurait pu l’être, excepté, peut- être, l’histoire du collier. Et encore, je n’en suis pas sûre…», fait remarquer Corinne Chevallier dans l’«Avertissement» de son ouvrage. Corinne Chevallier vit à Alger, ville où elle est née le 5 juillet 1935.
Elle est l’auteure de l’essai Les trente premières années de l’État d’Alger -1510-1541, paru en 1985 chez les Éditions OPU. Les années suivantes, elle publie chez Casbah Éditions, La petite fille du Tassili, La Nuit du Corsaire , ainsi que plusieurs romans et contes pour la jeunesse.
Prisonnier de Barberousse (Hatier, 1992) a reçu le Prix du roman historique pour la jeunesse de la ville de Nancy en France. L’écrivaine est la fille de Jacques Chevallier (1911-1971), ancien maire d'Alger. De son mariage en 1954 avec Michel Brac de La Perrière (1925) sont nés six enfants dont Virginie Brac de La Perrière (1955), romancière et scénariste.
Passionnée par l’histoire de sa ville natale, Corinne Chevallier continue ses recherches sur le passé d’Alger, au XVIe siècle.
Kader B.
