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Rubrique Culture

Grâce à la paix entre les deux pays Des artistes érythréens s'épanouissent en Ethiopie

Quand l'artiste peintre érythréen Noah Mulubrhan s'est rendu en Ethiopie l'année dernière, il n'avait pas vraiment l'intention de s'y installer et jamais il n'aurait imaginé que sa carrière puisse y prendre son essor.
Agé de 35 ans à présent, Noah a profité en 2018 du soudain rapprochement entre les deux pays pour aller se recueillir sur la tombe de son père à Addis-Abeba, un voyage impensable et impossible depuis le conflit meurtrier ayant opposé l'Ethiopie à l'Erythrée entre 1998 et 2000.
Un an après son arrivée, Noah s'est imposé comme l'une des figures montantes d'une scène artistique bouillonnante dans la capitale éthiopienne, une ascension récemment couronnée par une exposition de 35 de ses peintures acryliques : des scènes de rue mais aussi des méditations abstraites sur des concepts comme l'espoir. Plus d'une dizaine d'artistes et musiciens érythréens se sont installés à Addis-Abeba depuis que leur président Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont annoncé en juillet 2018 la fin de «l'état de guerre» entre leurs deux pays. En exposant leurs œuvres à Addis-Abeba et en collaborant avec leurs homologues éthiopiens, ces artistes offrent un contrepoint saisissant au discours prédominant selon lequel la paix conclue l'année dernière n'a eu que peu de retombées pour le citoyen lambda. L'art peut être un moyen pour les Erythréens et les Ethiopiens de célébrer ce qu'ils ont en commun, de la langue à la religion en passant par la culture, estime Noah dans un entretien à l'AFP. «Vous vivez en partageant les idées. Vous vivez en prêchant pour la paix. Vous vivez en prêchant l'amour. Et donc vous pouvez recourir à l'art pour réunir tout le monde», affirme-t-il.
Le Premier ministre éthiopien va recevoir mardi le prix Nobel de la paix, décerné en octobre en grande partie pour avoir initié, à la surprise générale, le rapprochement avec l'Erythrée en 2018. Les dividendes de la paix retrouvée avaient été remarquables dans un premier temps : les deux pays rouvrent leurs ambassades, une liaison aérienne directe est rétablie entre Asmara et Addis-Abeba et les deux dirigeants étalent leur réconciliation en public lors de plusieurs déplacements dans la région. Mais progressivement, l'optimisme s'estompe : le régime d'Issaias Afeworki, considéré comme l'un des plus fermés et répressifs au monde, ne montre guère de signe d'ouverture. Ainsi, un service national obligatoire et à durée indéterminée y est toujours en vigueur.
La démarcation de la frontière commune — un des points de discorde ayant débouché sur la guerre de 1998-2000 — n'a enregistré aucun progrès tangible. Et quelques mois après la réouverture de plusieurs postes-frontière, dont celui emprunté par Noah pour retrouver son père défunt, ces derniers ont été fermés, sans explication des autorités.
Mais pour Nebay Abraha, artiste érythréen de 23 ans, la paix demeure une bénédiction. Après être entré en Ethiopie par la ville frontalière de Zalambessa il y a plus d'un an, il a gagné Addis-Abeba où il est entré en contact avec des peintres éthiopiens avec qui il échangeait déjà sur les réseaux sociaux. Ces derniers l'ont aidé à placer ses collages et portraits dans deux expositions collectives, offrant à son travail une visibilité et une valeur marchande qu'il n'aurait espérées en restant à Asmara. «Sans la paix, je n'aurai pas eu cette chance. J'aurai été contraint de rester au pays», se félicite-t-il. Le quotidien n'est pourtant pas rose pour les artistes érythréens installés à Addis-Abeba.
A Asmara, Nebay vivait dans un appartement et peignait dans un atelier contigu. Désormais, il occupe un minuscule studio dans une banlieue d'Addis-Abeba. Son chevalet est posé juste à côté de son matelas et d'un panier dans lequel cohabitent ses couleurs et de maigres provisions.
Il explique que la vie est encore plus difficile pour les artistes plus âgés qui ont laissé une famille derrière eux à Asmara. Mais les opportunités offertes par Addis-Abeba valent les sacrifices, selon lui.«Je ne regrette rien car j'ai pu montrer mon travail ici», dit-il. Comme la plupart des autres artistes érythréens installés à Addis-Abeba, Noah et Nebay produisent des œuvres apolitiques et se montrent réticents à commenter la situation politique en Erythrée, où ils espèrent tous deux vivre à nouveau, un jour. Mais il espèrent que leur travail contribuera au succès de la paix entre les deux voisins. Noah est ainsi à la recherche de financements pour une exposition qui réunirait des artistes des deux pays.
«J'aimerais partager mon expérience ici. Je voudrais la partager avec mes amis d'Asmara», explique-t-il.
Quant au prix Nobel décerné à Abiy Ahmed, Noah veut croire que la paix entre les deux pays finira par se concrétiser à tous les niveaux. «Tout n'est pas terminé. Nous attendons. Je sais que c'est un processus». Mais, veut-il croire, «tout finit par arriver».
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