Placeholder

Rubrique Culture

LE BLANCHIMENT D’ARGENT DE KAMEL FENNICHE Des techniques de criminalité de plus en plus sophistiquées

Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ? Quels sont les éléments constitutifs, les techniques, les sources ou les coûts de ce genre de criminalité financière ? Quel est le dispositif de lutte mis en place par les Etats, dont l’Algérie ? L’ouvrage explicatif de Kamel Fenniche dit tout ce qu’il faut savoir sur ce phénomène en expansion.

Le livre a pour but de décortiquer, d’interpréter et de rendre visibles les mécanismes de ce segment de la criminalité économique et financière. Pour le lecteur, c’est l’occasion de se familiariser avec le concept de blanchiment d’argent, d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Le sujet est donc d’un grand intérêt pour qui tente de distinguer entre corruption, détournement de fonds, fuite de capitaux, blanchiment de fonds d’origine frauduleuse, etc. 
Dans la jungle du crime organisé, cette étude que présente Kamel Fenniche et destinée au grand public, peut aider celui-ci à s’informer et à avoir des repères. L’initiative est louable, elle est une importante contribution à défricher un terrain jusque-là ignoré par l’édition, par les enquêtes de spécialistes ou par les travaux des économistes. Dans un texte de présentation de l’ouvrage, intitulé «Recommandation», le professeur Abdelhamid Berchiche souligne tout l’intérêt de pareille étude, qui se veut aussi détaillée et aussi complète que possible sur ce sujet précis qu’est le blanchiment d’argent. «L’auteur de l’ouvrage s’est efforcé de nous établir une monographie relative au blanchiment d’argent, retraçant les étapes de la mise en place des instruments conventionnels et tentant de mesurer les conséquences désastreuses de ce phénomène criminel au plan financier sur l’ordre économique mondial et celui interne», écrit-il. Cette étude exhaustive et large s’intéresse, en effet, au «blanchiment d’argent et son impact sur l’économie nationale et internationale» (c’est le titre intégral de l’ouvrage). Et, comme le rappelle à propos le professeur Berbiche, «c’est le volume considérable et toujours en augmentation des fonds non comptabilisés par les statistiques du commerce international qui a fait prendre conscience du phénomène de blanchiment de l’argent illicite résultant de la criminalité organisée et internationale. Cette prise de conscience est relativement récente, à peine une trentaine d’années, et coïncide avec la consommation de la drogue par des couches de plus en plus jeunes de tous pays».
Le blanchiment d’argent n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est, par contre, c’est que les gouvernements des pays du monde ont commencé à mettre en place de nombreux organismes afin de lutter contre le blanchiment de l’argent sale au niveau mondial. «La loi punit désormais sévèrement le blanchiment d’argent sale : c’est la première fois qu’une démarche visant à la propreté constitue un délit», ironisait déjà Philippe Bouvard. Ce qui explique la prise de conscience du fléau, c’est qu’il a pris de l’ampleur depuis les années 1970, mais surtout avec l’avènement de la mondialisation des flux financiers. Kamel Fenniche revient d’abord à l’historique et au concept de blanchiment : «Le terme blanchiment d’argent a été défini pour la première fois aux Etats-Unis. A l’époque de la Prohibition, la mafia investissait ses revenus dans une chaîne de laveries automatiques, leurs bénéfices étaient en monnaie fiduciaire, les chiffres d’affaires réalisés étaient incontrôlables, ces derniers étaient illicites et réinvestis dans des entreprises reconnues légales. A la fin des années 1920, le gangster Al Capone (chef de la famille de la mafia de Chicago) rachète une chaîne entière de laveries automatiques, les «Sanitary Cleaning Shops» pour couvrir ses activités illicites. L’argent sale récolté du trafic d’alcool est mélangé à l’argent propre des blanchisseries pour rendre le tout légal. Le terme de blanchiment d’argent est utilisé dans le cadre juridique à partir de 1982 pour la confiscation de fonds provenant de la cocaïne colombienne». Le système financier étant l’un des plus importants circuits empruntés par les blanchisseurs, «le blanchiment d’argent désigne d’une manière générale le recyclage des fonds sales par le canal bancaire pour les rendre soi-disant propres aux yeux de tout le monde et principalement de la justice». Car, tout simplement, «le blanchiment, contrairement à l’escroquerie, n’a pas pour but de gagner de l’argent, mais uniquement de lui rendre une apparence respectable». C’est ainsi que les fonds acquis dans des activités mafieuses, dans le trafic de drogue et d’armes, la prostitution, etc, sont réinvestis, par exemple, dans la construction immobilière, le commerce, les casinos... Avant de récapituler et dans le détail, les sources du blanchiment des capitaux, l’auteur invite à faire la distinction «entre l’argent sale et l’argent noir, le premier étant le fruit d’activités criminelles et illégales, le second le fruit d’une activité légale, mais non déclarée». Il fait ensuite l’inventaire des sources du blanchiment, qu’il classe en trois catégories. Ainsi, dans la source première on trouve l’argent noir, la fraude fiscale, l’argent «sale», la corruption sous ses différentes formes... 
La deuxième source du blanchiment englobe, elle, les infractions à la législation sur les valeurs mobilières. Enfin, la troisième source a rapport au crime organisé et à la mondialisation criminelle. L’auteur rappelle «que la notion de crime transnational (...) recouvre différentes infractions qui relèvent essentiellement de la criminalité organisée, de la criminalité des entreprises, de la criminalité en col blanc et du crime politique». Tous ces concepts sont, bien sûr, passés en revue, expliqués, illustrés et argumentés par des faits et des chiffres. Par exemple, «le crime organisé réalise au niveau mondial un chiffre d’affaires annuel égal à 500 milliards de dollars.
Les groupes criminels utilisent les moyens technologiques les plus avancés pour blanchir leur argent sale en recourant à l’internet avec les banques qui sont reliées aux réseaux internet. L’internationalisation des flux financiers a permis à l’argent sale de développer ses filières de retraitement et de mieux les rendre opaques à toute investigation en faisant circuler les fonds criminels de manière transnationale et ultrarapide». De même que l’auteur fait nettement ressortir «le lien entre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes», notamment par le «transfert d’argent à l’extérieur du système financier traditionnel» (au moyen du système Hawala par exemple).
Dans la pratique, le blanchiment d’argent s’effectue généralement en trois étapes : «le placement prélavage» («stroumphage») dans un premier temps ; la seconde étape est consacrée au «lavage, empilage ou dispersion» (il s’agit de cacher toute identification de l’origine illicite des fonds sales) ; la dernière phase, enfin, consiste en «l’essorage, recyclage ou intégration» (réinjection des sommes blanchies dans l’économie légale).
Quant aux techniques du blanchiment, elles sont diverses, les procédés allant des plus classiques aux plus sophistiqués (techniques mécaniques, commerciales, financières, marchés financiers). Tout cela est détaillé par l’auteur qui s’attarde ensuite sur «les plates-formes du blanchiment» que sont les banques, les bureaux de change, les assureurs, les systèmes financiers parallèles et les établissements de jeux de hasard. Les criminels utilisent aussi à leur profit les services et autres instruments que sont le secret bancaire, les sociétés off-shores ou les trusts.
Les dégâts sur l’économie formelle sont souvent considérables : «Le blanchiment des capitaux a un effet néfaste sur l’économie. Il fausse les décisions des entreprises, accroît le risque de faillite des banques, prive le gouvernement du contrôle de sa politique, de son économie, déteint la réputation d’un pays et met sa population au trafic des stupéfiants, à la contrebande et à d’autres activités criminelles». Et c’est pourquoi «au vu des moyens technologiques les plus modernes utilisés par les blanchisseurs de capitaux pour dissimuler ces derniers, une coopération internationale est nécessaire pour anéantir les différentes activités criminelles». Kamel Fenniche consacre justement la deuxième partie de son ouvrage à la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Pour commencer, ces chiffres qui alertent sur l’ampleur du phénomène : «Le Fonds monétaire international a estimé que le volume annuel des opérations de blanchiment dans le monde représente un pourcentage qui varie entre 2 et 5% du PIB mondial, soit une somme comprise entre 600 et 1500 milliards d’euros. (...) Après les évènements du 11 septembre 2001, une guerre contre le blanchiment d’argent a été déclarée par les Etats-Unis. L’opération s’est vite généralisée dans tous les pays du monde». L’approche globale de lutte contre le blanchiment se manifeste au double plan multilatéral et interne. L’arsenal normatif est jeune et en perpétuelle évolution : les diverses conventions élaborées dans l’enceinte des Nations unies (ONU) depuis la fin des années 1980 ; la convention contre le terrorisme élaborée par la Ligue arabe (1998) et par l’OUA (1999) ; les initiatives de la Banque des règlements internationaux (BRI) ; la déclaration de Wolfsburg (2002) ; le rôle moteur que joue le Gafi (Groupe d’action financière) en matière de lutte anti-blanchiment. Au plan interne, de nombreux pays ont adopté ou révisé leur législation. Par exemple, «l’Algérie a adopté une loi pour la lutte contre le blanchiment de capitaux le 6 février 2005».
Le dernier chapitre du livre aborde, d’ailleurs dans le détail, «l’arsenal juridique algérien contre le blanchiment d’argent». A la fin de l’ouvrage (annexes), l’auteur compile tous les textes y afférents : les conventions régionales et internationales de lutte contre la corruption auxquelles l’Algérie a adhéré ; le dispositif législatif et réglementaire anti-corruption de l’Algérie ; le dispositif législatif et réglementaire de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; les organes chargés de la prévention et de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF).
Un livre complet, en somme. En conclusion, l’auteur estime que «notre pays s’est doté très tôt d’une législation qui incrimine le blanchiment» et avec un engagement ferme à lutter contre la criminalité économique et financière. Néanmoins, «en Algérie, une masse très importante de capitaux circule en dehors des circuits bancaires, soit un taux de bancarisation très faible, ce qui rend difficile le contrôle de l’origine douteuse des capitaux, en plus du marché informel qui paralyse notre économie. En outre, l’Algérie, étant un pays émergent, les textes réglementaires existants sont appelés à être réformés pour qu’ils s’adaptent aux nouvelles règles de l’économie de marché».
Hocine Tamou

Kamel Fenniche, Le blanchiment d’argent et son impact sur l’économie nationale et internationale, Necib éditions, Alger 2019, 108 pages, 1200 DA.

 

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Coupe du monde de gymnastique L'Algérienne Kaylia Nemour s'offre l'or à Doha

  2. Affaire USM Alger - RS Berkane La décision de la CAF tombe !

  3. Demi-finale aller de la Coupe de la CAF Le match USM Alger - RS Berkane compromis, Lekdjaâ principal instigateur

  4. Le stade Hocine-Aït-Ahmed de Tizi-Ouzou pourrait abriter le rendez-vous La finale se jouera le 4 mai

  5. Coupe de la CAF, le match USMA-RS Berkane ne s’est pas joué Les Usmistes n’ont pas cédé au chantage

  6. Temps d’arrêt Lekdjaâ, la provocation de trop !

Placeholder