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Rubrique Culture

LIVRES Les amis des frères(+) ou le devoir de mémoire

Préfacé par Nils Andersson, auteur de De la décolonisation au déclin de l’Occident, Les amis des frères, un opus qui se décline en 481 pages, fait suite à Frères et compagnons qui tente de sérier les Algériens d’origine européenne qui ont pris fait et cause, au risque de leur vie, pour la lutte de libération du peuple algérien du joug du colonialisme français. 

Rachid Khettab, l’auteur, présente ces deux copieux ouvrages sous forme de dictionnaire. Dans le second, c’est un rappel classifié des soutiens internationaux à la lutte pour l’indépendance algérienne. Œuvre de mémoire s’il en faut, cet ouvrage, très bien documenté, est une nouvelle édition revue et enrichie. Il intéresse aussi bien les chercheurs, les étudiants que le grand public car il n’est pas exagéré d’affirmer que le lecteur aura sa curiosité largement satisfaite. Mais pas seulement car ce «dico» nous ouvre grandes des pages entières sur des noms, des associations et des institutions engagées dans un contexte où le combat contre le colonialisme n’était pas clairement compris. Les hommes de bonne volonté épris de justice et de liberté pouvaient passer pour des renégats et, au pire, des traîtres à leur patrie. C’est particulièrement le cas en France, directement impliquée dans des répressions des plus horribles, des crimes contre l’humanité du fait même des assassinats de masse. Aujourd’hui encore, les comptes ne sont pas soldés — la France se doit d’assumer le devoir de repentance, tôt ou tard au demeurant. La nuit de la Toussaint (le 1er Novembre 1954) allait être le prélude à la fin d’une époque, la fin des empires, dans le sang et les larmes. 
Pour Nils Andersson, ce dictionnaire qui vaut un livre d’histoire précieux a une double importance : c’est «un travail de recherche le plus complet sur ceux qui, de par le monde, ont soutenu la révolution algérienne» et «un travail d’un Algérien sur l’histoire française de la guerre d’Algérie». 
Au premier rang de ces soutiens, nous retrouvons bien évidemment l’intelligentsia française à travers des noms prestigieux du monde politique, littéraire, artistique, du cinéma, du théâtre, etc. Même si leur engagement pouvait être empreint de romantisme compte tenu des valeurs de liberté parce qu’il ne faut pas oublier le contexte de l’après-guerre mondiale, un temps dominé par le nazisme et le fascisme. 
Cet élan de soutien dans ses premiers balbutiements, les premières années du déclenchement de Novembre 1954, allait crescendo pour se manifester un peu partout dans le monde. Ce livre «répertorie des membres des réseaux anticolonialistes belges, allemands, suisses, hollandais, italiens et des personnalités engagées avec les Algériens en lutte de Suède, Yougoslavie,  Etats-Unis,  Japon, Canada, Brésil… Il va sans dire que ces soutiens avaient des implications pratiques en matière de logistique diverses, allant de la collecte d’argent, aux appuis politiques et diplomatiques dans les différents forums, car  «la lutte du peuple algérien est un événement majeur de l’histoire du XXe siècle», est-il précisé dans la préface de Les amis des frères. Il faut reconnaître à l’auteur le souci de sources crédibles pour «ce dictionnaire à caractère biographique basé sur des recherches dans les institutions, les partis, les syndicats, les associations, la presse» qui peut se lire comme un livre d’histoire. Ainsi l’on apprend par exemple que sur instigation d’Henri Curiel, juif égyptien, dit Youcef, un comité israélien pour une Algérie libre a été créé à Tel-Aviv le 28 décembre 1960». Voire… Beaucoup de détails sur le célèbre réseau Jeanson, sa genèse, ses membres. Ce dictionnaire nous accompagne dans la découverte-redécouverte des prêtres-soldats, membres du réseau Jeanson, à l’exemple de l’Abbé Pierre, l’Abbé Bobichon, l’Abbé Carteron, dit Albert, et de bien d’autres. A relever aussi que des familles entières en France s’étaient engagées en faveur de l’indépendance à l’image de la famille Georges Batailles, sa fille Laurence, sa sœur Judith. 
Des personnalités littéraires ou philosophiques qui font autorité ont joint leur voix (et par la plume !) au mouvement de dénonciation de la torture systématique pratiquée sur les Algériens. Nous retrouvons ainsi Jean-Paul Sartre, Simone Signoret, Marina Vladi, Laurent Swartz, Francis Jeanson, Aimé Césaire  (signataire de la lettre des 357 qui dénonçait la répression en Algérie), l’Italien Enrico Mattei (qui sera assassiné par les services français et dont le film qui lui sera consacré obtiendra la Palme d’or). C’est que la France voulait pour elle seule le pétrole algérien. Signé par 185 personnalités, le «Manifeste des 121» qui appelle à l’insoumission et à apporter aide et soutien aux Algériens» aura un immense écho et fera date. Nous retrouvons les noms d’André Breton, Marguerite Duras, François Maspero, Claude Roy, René Dumont, l’orientaliste Maxime Rodinson, Françoise Sagan, Tim, François Truffaux, Anne et Daniel Guérin, Simone de Beauvoir, Djamila Boupacha, Gisèle Halimi. Roger Martin du Gard, prix Nobel de littérature 1937, signe l’appel du comité contre la poursuite de la guerre d’Algérie ainsi que Gilles Martinet, Maurice Tarik Maschino** qui qualifiera  Bernard-Henri Lévy, le fossoyeur de Kadhafi, «d’être malfaisant». 
Il est fastidieux et inapproprié de citer ici tous ceux qui ont apporté une pierre à cet édifice qui est une Algérie libre, nous n’omettrons cependant pas de souligner l’apport de John Fitzgerald Kennedy, président des Etats-Unis, Olaf Palme de Suède, Zbigniew Brezinski, alors jeune étudiant qui aidera la délégation algérienne au Festival international de la jeunesse à Vienne, en Autriche, en 1959. Nous n’irons pas sans rappeler Albert Chatelet, mathématicien et homme politique français (1883-1960) qui fut le premier à avoir présidé le comité Maurice-Audin, assassiné par l’armée française, crime enfin reconnu aujourd’hui par la France officielle. On est loin du «qui-tue-qui ?» cher à une certaine élite française à propos des douloureux événements de la décennie noire… Ou rouge, c’est selon ! L’ouvrage est disponible au 23e Sila à la Safex - Pins Maritimes.
B. T.

(+) Rachid Khettab, Les amis des frères. Dictionnaire biographique des soutiens internationaux à la lutte de Libération nationale algérienne - 481 pages. Éditions Dar Khettab - 1 500 DA.

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