Les archives personnelles de l'amiral Alexandre Koltchak, dernier chef suprême de la Russie pendant la période trouble de 1918 à 1920 précédant l'avènement de l'URSS, ont été mises en vente jeudi à Paris, où un expert n'excluait pas une «commande d'Etat russe par personnes interposées». Figure majeure de l'armée blanche et de l'histoire russe, l'amiral Koltchak correspondait assidûment avec son épouse installée à Paris dès 1918 et lui avait envoyé ses archives (documents officiels, photographies, manuscrits) avant d'être fusillé par les bolchéviques le 7 février 1920. La vente, qui a démarré dans l'après-midi chez Drouot, organisée par la maison Tessier et Sarrou, fait suite au décès du petit-fils d'Alexandre Koltchak en 2018. Cet ensemble inédit de 391 lots, conservé en France par la famille depuis un siècle, comprend, notamment, le manuscrit autographe de la proclamation du gouvernement d'Omsk.
Ce document original, inconnu des historiens, est estimé entre 30 000 et 40 000 euros. Selon Ivan Birr, expert pour cette vente avec son épouse Alice, «l'Etat russe ne rachète généralement jamais, mais il demande à des personnes fortunées, par exemple des oligarques, d'acquérir pour lui.
Un coup de théâtre qui serait une commande d'Etat par personnes interposées ne peut donc être exclue». La vente a suscité en amont, a observé M. Birr, une forte polémique dans les médias russes, plusieurs personnalités politiques demandant que l'Etat rachète l'ensemble de la collection. Vladimir Medinski, ministre russe de la Culture, aurait fait savoir que l'Etat ne serait pas acquéreur, mais prêt à recueillir des dons. Quelques institutions russes ont, par ailleurs, exprimé un grand intérêt pour la vente Koltchak, selon M. Birr. Dans le texte le plus précieux, la Proclamation d'Omsk, Koltschak y imagine une Russie unifiée, rangée dans le cercle des démocraties, opposée au système bolchévique qui «rejette tous les principes du devoir moral et patriotique». Il déclare «provisoire» ce gouvernement d'Omsk qui «durera jusqu'à ce que le peuple russe, libéré du bolchevisme, choisisse la forme du gouvernement qui lui convient». Il aborde la question agraire qui «devra être résolue en accord avec le peuple», ainsi que des questions sociales et économiques. Parmi les autres documents, une lettre poignante, envoyée à son épouse par un témoin, décrit son exécution et indique qu'aucun soldat du peloton n'accepta de tirer sur Alexandre Koltchak et qu'il fallut trouver un individu, condamné à être fusillé quelques jours plus tard, pour tirer.
