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Rubrique Culture

Entretien avec l’écrivaine Djamila Abdelli Labiod : «Survivre pour Ibiza, une fiction qui prend l’aspect d’une réalité»

Algérienne née en France et qui vit aujourd’hui au pays de ses origines, Djamila Abdelli Labiod est l’auteure de La réglisse de mon enfance, un délicieux roman apprécié ici et ailleurs. Dans Survivre pour Ibiza (Aframed Éditions), son nouveau roman, le lecteur décèle plusieurs thèmes, notamment celui des harraga, ces jeunes et aussi moins jeunes qui bravent la mer afin de rejoindre les côtes espagnoles et européennes en général. Vivre sa vie comme il l’entend est certainement la principale motivation de Mourad qui cherche à vivre et à survivre à Ibiza. 

Le Soir d’Algérie : Sur la couverture de Survivre pour Ibiza, votre nouveau roman, on ne voit pas une plage paradisiaque des Baléares, mais une hideuse décharge publique. Pourquoi ?           
Djamila Abdelli Labiod : Mon personnage principal, nommé Mourad, est en décrochage scolaire et il passe le plus clair de son temps dans une décharge publique située à la bordure d’un bois, d’une laideur tranchant cruellement avec la beauté sylvestre des grands arbres, centenaires pour la plupart. 
Et dans cette montagne d’immondices, Mourad fait de la récupération de matériaux tels que le fer et le plastique, qu’il revend à une unité de recyclage pour se faire un peu d’argent. C’est donc en adéquation avec la situation de mon personnage.

Le titre Survivre pour Ibiza donne l’impression d’une histoire d’amour dans laquelle la femme s’appelle Ibiza.
Survivre pour Ibiza. Le premier mot a pour sens la survie, et c’est de cela dont la jeunesse se préoccupe, cette frange qui, bien que diplômée, est au chômage, comment peut-elle survivre dans une telle condition ? Et pour ceux qui, comme Mourad, sont en décrochage scolaire, c’est encore plus hypothétique de trouver un travail. Le second mot, Ibiza, qui est une ville balnéaire, fait référence au rêve, à défaut d’un travail, le rêve lui redonne l’espoir en l’avenir. Une destination où il croit pouvoir réaliser ses rêves, ses aspirations, ses choix de vie. J’aurais pu imaginer une autre destination, mais pour plus de réalisme, j’ai porté mon choix sur une ville de l’Espagne par rapport à la proximité géographique de ce pays avec l’Algérie. L’Espagne étant également une destination privilégiée des harraga.

Votre nouveau roman est-il quelque part dans la continuité de La réglisse de mon enfance ?
Absolument pas ! Ce sont deux thématiques totalement différentes. La réglisse de mon enfance est une autofiction, la fiction et l’autobiographie s’entremêlent, tandis que ce second roman ayant pour titre Survivre pour Ibiza est une fiction qui prend l’aspect d’une réalité, inspirée par des faits réels, dans des situations ou conditions vraisemblables.

On y retrouve le thème du voyage, du départ et de l’exil dans l’espace ou dans l’exil affectif...
 Deux exils qui se confondent. Car la décision de se rendre sur une terre qui nous est étrangère, ce qu’envisage Mourad, aura pour conséquence un exil dans l’espace. Et en parallèle, c’est également un déchirement de se séparer des siens, de ses proches, des gens qu’il aime pour se retrouver dans ce lointain, coupé de ses racines générant, obligatoirement, un exil affectif.

Vivre aujourd’hui au Canada est-il une autre forme d’exil (et de nostalgie) par rapport à la France de votre enfance et par rapport à l’Algérie ?
 Je ne vis pas au Canada. J’y vais tous les ans pour une certaine durée, rendre visite à ma fille qui réside là-bas. Donc, je ne puis l’appréhender comme un exil. Cependant, j’adore ce pays, que je considère come une terre d’hospitalité, car là-bas, tous les citoyens sont égaux, sans discrimination ou distinction par rapport à leurs origines, religion ou croyances. Seules comptent les valeurs républicaines, qui sont le dénominateur commun de tous les citoyens pour le bien-vivre ensemble. La France, mon pays natal, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de onze ans, ne peut être considérée comme l’exil, me dénier ce droit à aimer mon pays natal serait comme m’amputer d’une partie de ma personnalité et de mon affectivité. 
Je l’aime comme n’importe quelle personne aurait de l’attachement ou de l’affection pour le pays qui l’a vue naître. Quant à l’Algérie, à notre retour définitif, je la voyais comme un exil, car m’étant construite avec d’autres paradigmes sociaux que ceux qui subsistent en Algérie, c’était pour moi difficile. Puis avec le temps, c’est devenu une histoire d’amour avec un pays magnifique, mon pays d’origine. Aimer mon pays natal ne m’empêche pas, cependant, d’être fidèle et d’aimer mon pays d’origine : l’Algérie. En conclusion, j’aimerais rajouter que l’Algérie est un pays envoûtant qu’on aime malgré soi et ça ne s’explique pas.

A un certain moment, Mourad et Arezki parlent chacun de leur conception de la vie et du «péché». Un message ?
Question pertinente. Les deux personnages, anciens camarades de lycée, ont tous deux eu le même système scolaire et pourtant leur conception de la vie est divergente. En l’occurrence, Arezki a une conception de la vie avec ses notions du bien et du mal, le péché, qui est subordonné à son apprentissage des valeurs religieuses dogmatiques, ainsi que des tabous et préjugés qui lui ont été inculqués. Par ailleurs, Mourad se gausse de son camarade en lui reprochant l’acquisition de ses connaissances par cette méthode qu’on surnomme le «parcœurisme».
Mourad, quant à lui, fort en maths, donc rodé pour le raisonnement, a un esprit critique sur les choses de l’existence. Le fait d’avoir vu cet ailleurs lointain de l’autre côté de la Méditerranée par l’entremise des chaînes satellitaires ou d’autres moyens technologiques lui a donné cette possibilité de découvrir des sociétés où les libertés individuelles sont totales dans le respect des lois du pays. Et grâce à son esprit de discernement, il déduit que les citoyens de ces pays vivent selon les normes sociales qui leur conviennent. Si message il y a, c’est au lecteur de le déceler ou de le décoder.

Y a-t-il toujours une part d’autobiographie dans vos œuvres ?
Non. Comme je l’ai souligné dans ma réponse à votre troisième question.

Les voyages forment-ils l’écrivain ?
 Je peux l’exprimer selon mon point de vue uniquement, et c’est subjectif. Je répondrai, non ! Les voyages alimentent notre imaginaire, cela est évident, car nous découvrons de nouvelles choses. Je pense que l’écrivain a un penchant naturel pour un moyen d’expression qui est l’écriture et a aussi la passion de la lecture. Ils vont de pair.
 
Ecrivain, un métier, un hobby, une passion ? 
 C’est plus un hobby, à la limite de la passion, dirai-je, car comme je n’écris pas de façon régulière, je ne me sens pas en droit d’évoquer la passion. Cependant, s’il y a passion, elle est tapie en moi, et se manifeste au gré de mes envies. Permettez-moi une petite digression au sujet de mon style d’écriture. Je me suis rendu compte que le style d’écriture de mon premier roman par rapport au second était un peu différent. En essayant d’analyser pourquoi, j’ai découvert que les personnages que je campe dans mes récits ont une influence probante sur mon style d’écriture. C’est ainsi que je me découvre au fur et à mesure de mes écrits.

Un autre roman en projet ?
Oui, j’ai commencé un recueil de nouvelles, que j’ai abandonné, mais que j’ai l’intention de reprendre en temps opportun. Et pour être franche, le Covid m’empêche de me projeter dans l’avenir et mon élan créatif est en berne. J’ai donc pris la décision de faire un break. Je n’écris pas par obligation, j’écris surtout lorsque j’en ressens le besoin. C’est comme une fièvre qui me prend d’un coup, la fièvre créatrice pour être plus précise. Je vous remercie vivement de l’intérêt que vous avez porté à mon roman Survivre pour Ibiza.
Entretien réalisé par 
Kader B.

 

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