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Rubrique Culture

Le seuil du moment de Leila Hamoutene Un seul héros, le peuple

L’héroïne du dernier roman de Leila Hamoutene s’appelle Warda. Journaliste de formation, la jeune femme  travaille comme correctrice dans une maison d’édition.

Le lecteur suit Warda durant deux moments charnières de sa vie : en 1993, en pleine décennie noire, puis en 2019, au début des marches populaires et pacifistes à Alger. Une trentaine d’années sépare les deux époques. Toutefois, les revendications ne changent pas : soif de liberté et de démocratie. 
Le roman s’ouvre sur Warda, regardant par la fenêtre de son appartement situé en  plein cœur de la capitale, en ce 22 février 2019. «De sa fenêtre, Warda aperçoit la Grande-Poste, les toits de l’université, l’alignement des ficus de la ville de chaque côté de la rue aujourd’hui grouillante de monde. L’immeuble fait l’angle entre la rue Didouche-Mourad et le boulevard Mohammed V... La prière de vendredi a pris fin depuis longtemps, la foule grossit, elle scande des slogans qui réclament l’arrêt du cinquième mandat et la fin de ce régime exécré. Aux premières lignes, des jeunes gens, filles et garçons, portent des pancartes.» 
Flashback souvenir. Retour trente ans en arrière. Warda a une relation compliquée avec sa maman. Cette dernière la néglige complètement. La fillette est livrée à elle-même passant le plus clair de son temps dans la cage d’escalier de l’immeuble. Du côté de sa fratrie, ce  n’est pas la joie non plus, du moins avec deux de ses frères, intégristes (Kamel et Brahim). Deux monstres qui la kidnappent dans le but de la donner en mariage à un imam. Séquestrée dans une maison à proximité de la mer, Warda réussira à s’échapper.
Seul Saif, son plus jeune frère, handicapé moteur, se montre gentil et tendre avec elle. Une belle complicité les unit. Kamel et Brahim multiplient les larcins avec la bénédiction de leur mère. «Non contente de couvrir leurs méfaits, de prendre  leur parti contre les voisins, elle était leur complice, cachant les fruits de leur rapine qu’elle vendait autour d’elle, prenant au passage sa part du recel.» Quant au père, peintre en bâtiment, il est complètement effacé et vampirisé par sa femme.
 Petit rayon de soleil dans ce ciel sombre : un couple de voisins va se prendre d’affection pour Warda. Amel et Bel l’accueillent très souvent dans leur appartement. Warda trouve aide et réconfort chez ce couple d’enseignants. Ils s’inquiètent de son bien-être et de son épanouissement. Le couple lui achète livres et cahiers afin qu’elle puisse poursuivre sa scolarité. 
 Les amis et voisins débattent de l’actualité sanglante qui secoue le pays. Juin 1993 :  les assassinats s’enchaînent.  «Ce mois s’étire en longueur... Anniversaire de l’assassinat du Président Boudiaf, souvenir douloureux. Mais depuis, combien de morts? Il y a à peine une semaine, Boukhobza ; huit jours avant, Boucebci et avant lui Djaout et tant d’autres, moins médiatisés.» Pourtant, le ciel est toujours aussi bleu, les arbres du Jardin d’essai s’éventent sous une douce brise, l’air est parfumé, les mimosas de la cité sont en fleurs et le rire des enfants se mêle à la voix de Hasni qui chante Mazal kayen l’espoir.
L’amour débarque dans la vie de Warda. Il s’appelle Zinedine. Il est étudiant en journalisme. «Depuis que je connaissais Zinedine, c’était lui que je voyais près de moi, notre complicité nous aiderait à supporter les difficultés de la vie et j’apprendrai l’insouciance.» A la fin de leurs études, le couple se marie. Mais leur bonheur sera de courte durée.
Retour dans cet appartement d’Alger-Centre en ce vendredi 8 mars 2019 où la rue gronde. Les voix des manifestants réclamant liberté, dignité et changement radical montent crescendo.  Warda observe la rue par sa fenêtre. Les souvenirs du passé l’assaillent. Zinedine, son époux, n’est plus de ce monde. Il a rejoint son père et sa mère assassinés en 1995 dans un faux barrage dressé par le GIA. En ce vendredi du Hirak, elle hésite à rejoindre les manifestants. «Au fur et à mesure que la foule grossit, elle a du mal à contrôler son impatience, elle balance entre l’envie frénétique de descendre dans la rue et le réflexe maintenant si bien installé de par ces années de claustration... Elle aperçoit les portraits de Larbi Ben M’hidi, de Ali la Pointe et de Hassiba Ben Bouali à côté d’une immense banderole qui affiche : «Un seul héros, le peuple»... 
Finalement, la liesse populaire va agir sur elle comme un déclic.  «Warda entend un chant patriotique que la foule a entonné, elle n’en peut plus, elle court vers sa chambre, enfile son jeans, un pull, prend une veste au passage et une paire de chaussettes, enfile ses baskets...Vite, elle sort... Sur les trottoirs et au milieu de la rue Didouche-Mourad, des slogans pleins d’humour font référence à des films comme Star Wars ou Retour vers le futur, des marques de produits connus subissent le même traitement, «Marlboro» devient «Mal Barré» et décrète que «Le système en place nuit à la santé des Algériens». Ce nouveau pas franchi constitue le seuil du moment. Warda saute à pieds joints dans ce présent avec l’espoir d’oublier ses vieux démons.
Professeur de langue, Leila Hamoutene a publié des nouvelles, de la poésie et des romans. Elle a aussi écrit pour les jeunes. Le châle de Zeineb a remporté le prix «Escale littéraire» d’Alger en 2015.
Soraya Naili

Le seuil du moment. 
Leila Hamoutene. Casbah éditions. 170 p. 750 da. 2021

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