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Rubrique Culture

FRANCE Une affaire îMeToo à l'opéra donne de la voix contre «l'omerta»

La soprano Chloé Briot est l'une des rares cantatrices à avoir osé porter plainte pour agression sexuelle en France, dans un milieu feutré où le risque de perdre un rôle pèse sur la prise de parole. 
Ces trois dernières années, le mouvement îMeToo a rattrapé le monde lyrique et musical en France : l'affaire la plus retentissante à ce jour concerne la légende Placido Domingo. Des chefs d'orchestre influents, comme James Levine (du Metropolitan Opera de New York) ou Charles Dutoit (à la tête de plusieurs formations prestigieuses), ont été suspendus ou licenciés à la suite d'accusations de harcèlement.
En France, les langues commencent à se délier. Fait marquant dans l'affaire Chloé Briot, le ministère de la Culture a procédé, début septembre, à un signalement auprès du procureur de la République et annoncé qu'un «travail d'alerte, de prévention et d'accompagnement» serait mené, avec des résultats attendus fin 2020. 
   
Ne pas mettre le bazar
Le 17 août, dans la revue    La lettre du musicien, la soprano a accusé d'attouchements sexuels répétés un baryton qui tenait le rôle principal masculin dans l'opéra L'inondation de Joël Pommerat, créé en octobre 2019 à l'Opéra-Comique et repris à l'Opéra de Rennes (ouest) puis à l'Opéra de Nantes (ouest). 
La soprano affirme n'avoir rien dit, à Paris, pour ne pas «mettre le bazar dans la production», avant de, finalement, s'exprimer à Rennes.
La chanteuse soutient que dans deux scènes intimes, le chanteur est allé au-delà des propositions du metteur en scène. Elle a déposé une plainte en mars à Besançon (est) et une enquête préliminaire pour agression sexuelle a été ouverte le 15 mai. L'affaire a mis en lumière ce que la soprano qualifie d'«omerta» dans le milieu lyrique.
Le chanteur, lui, a porté plainte pour dénonciation calomnieuse, selon ses conseils, Me Anna Branellec et Sophie Soubiran.
Pour le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux, la plainte de Mme Briot a «besoin d'être explicitée pour comprendre dans quelle mesure le jeu de l'acteur sur scène a pu constituer des faits d'agression sexuelle». Interviewée le 8 septembre par l'AFP, Chloé Briot a finalement demandé à ne pas être citée.  
   
C'est le métier qui rentre
Une autre soprano, trentenaire, qui a souhaité garder l'anonymat, évoque auprès de l'AFP la difficulté de la prise de parole. «On veut travailler. C'est extrêmement courageux de la part de Chloé Briot, mais j'ai aussi peur pour elle car c'est un peu suicidaire.»
Elle raconte avoir été, à 15 ans, harcelée sexuellement par un professeur de chant. «Quand j'en ai parlé à une professeure, elle m'a dit : ‘‘C'est le métier qui rentre’’.»  Et «à 19 ans, il y avait un chef d'orchestre qui, à chaque fois qu'il me croisait, me collait au mur pour m'embrasser».
Elle souligne que la plupart de ses partenaires masculins se comportent avec le plus grand respect sur scène, «surtout dans la nouvelle génération». Mais elle pointe «une zone grise» en début de carrière. «C'est extrêmement ambigü car la jeune chanteuse que j'étais était flattée qu'on s'intéresse à elle.»  «Un chef qui vous dit ‘‘tu chantes bien, tu es jolie, j'ai des entrées dans ce festival, il suffit juste d'être gentil avec moi’’. Il y a les messages qu'on reçoit en soirée. On ne veut pas prendre le risque de repousser une personne influente», ajoute-t-elle. «Sans compter qu'on peut se faire virer sans explication.» «La pression est énorme dans ce milieu», affirme Chloé Bégou, metteure en scène et responsable au sein de l'association HF qui milite pour l'égalité homme-femme. «Quand l'artiste est agressé et qu'il doit jouer, il doit assurer. On n'arrête pas une répétition avec 80 personnes aussi facilement.» 
Ne souhaitant pas s'exprimer sur le fond de l'affaire en raison de l'enquête en cours, les maisons d'opéra où se sont produits les faits présumés disent vouloir redoubler d'efforts en termes de prévention.
«Nous avons sensibilisé et formé nos équipes depuis deux ans», affirme à l'AFP Olivier Mantei, directeur de l'Opéra-Comique. «Mais il faut le faire savoir à tous les artistes pour qu'au moment d'une production, il n'y ait pas de débordements et qu'aucun risque ne pèse sur la parole d'une victime.» 
Sitôt informé, il a écarté la personne mise en cause des reprises de L'Inondation en 2023 et maintenu Chloé Briot. «Je ne peux pas me substituer à la justice, mais on doit être réactif et protéger les chanteurs», déclare-t-il.
Interrogé par l'AFP, le directeur de l'Opéra de Rennes, Matthieu Rietzler, a salué «le courage» de Chloé Briot, «tout en respectant la présomption d'innocence de l'artiste mis en cause». «Son témoignage nous oblige à questionner nos protocoles et à regarder comment, à l'échelle de toute la profession, nous pouvons les améliorer.»
 

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