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Rubrique Haltes Estivales

Naït Mazi, Rezzoug et les autres…

A la lecture de cette vieille chronique, j’ai ressenti une profonde tristesse. Quatre des anciennes figures de la presse nationale évoquées ici ne sont plus de ce monde. Kamel Belkacem, Belaïd Ahmed, Bachir Rezzoug et Nourredine Naït Mazi — des hommes que j’ai eus comme directeurs ou rédacteurs en chef — laissent l’immense héritage de leur talent et le souvenir impérissable d’une forte présence dans ces salles de rédaction vivantes et bruyantes, bien avant le silence insupportable des PAO immaculées et des bureaux vidés par le journalisme à distance…

Ce n’est pas nous qui le disons mais Reporters sans frontières : «M. Hafnaoui Ghoul, journaliste algérien du quotidien El Youm , a été détenu pendant six mois pour “diffamation” pour avoir dénoncé la corruption et les abus des autorités locales.» Le hasard a voulu que je rencontre Hafnaoui, il y a quelques jours seulement, dans les couloirs de la rédaction centrale du Soir d’Algérie, à Alger. Il était accompagné d’un oncle de Mohammed Benchicou. Ghoul était venu de Djelfa pour remercier la presse nationale, et particulièrement le Soir, de l’avoir soutenu au cours de la pénible épreuve qu’il vient de traverser.

Emu et bouleversé, il voulait tout simplement dire «merci» à ceux qui, en français dans le texte et loin de Djelfa, ont porté le message de ce prisonnier pas comme les autres aux quatre coins du monde ; à ceux qui ont martelé, presque tous les jours, des mots d’espoir pour que la flamme portée par Ghoul et Benchicou ne s’éteigne pas ! Hafnaoui parlait à Hakim Laâlam dans un arabe exact et notre chroniqueur lui répondait dans un arabe tout autant châtié. Hafnaoui disait à Hakim qu’il n’oubliera jamais les prises de position courageuses du Soir d’Algérie et Hakim répondait simplement que le courage et la bravoure étaient d’abord et avant tout la marque personnelle de ceux qui n’ont pas eu peur d’affronter les menaces et la prison pour mener jusqu’au bout leur mission d’éclaireur de l’opinion publique, afin que la démocratie et la liberté ne restent pas de simples slogans dans notre pays ! Ghoul, les yeux baissés, le visage rougi jusqu’aux tempes, n’en pouvait manifestement plus de recevoir autant d’éloges, lui, l’enfant timide des Hauts-Plateaux propulsé malgré lui dans les hautes sphères de la notoriété. Dans un coin du bureau, l’oncle de Mohammed Benchicou qui avait les traits tirés et semblait harassé par les efforts et les démarches en vue d’obtenir la libération de son neveu, rendait le même hommage au Soir d’Algérie pour le soutien apporté au célèbre prisonnier d’El-Harrach. Il me disait, avec les mots du cœur et la sincérité du proche parent éprouvé, que la famille n’en pouvait plus, que la mère, âgée et malade, était au bord de la débâcle physique, que les enfants et l’épouse étaient marqués à vie, que le détenu lui-même courait plusieurs risques sur le plan santé.

Que pouvais-je répondre ? Que peut dire le petit journaliste qui, depuis bientôt 35 années, écrit et publie des articles lus par de petits écoliers et lycéens qui sont devenus ministres et ambassadeurs, directeurs et milliardaires, fonctionnaires et chômeurs ? Ira-t-il jusqu’à dire à ces lecteurs devenus grands qu’ils ont tout perdu en grimpant dans la politique ou dans les affaires ? Se peut-il que tout le monde se taise, ait peur de dire la vérité ? Et vous qui défendez Mohammed Benchicou en privé, en avouant qu’il est victime d’une cabale, pourquoi vous ne le dites pas à vos supérieurs ? Levez-vous, demandez la permission et dites ce que vous avez sur le cœur. Non, vous ne pouvez pas : il y a le poste, les honneurs, les villas, les appartements, les euros et tout le reste… Au fond, des biens matériels, des privilèges, des avantages ! Mais tout cela est éphémère, bon sang !

Vivons-nous réellement dans la démocratie que leurs journaux vantent quotidiennement ? Cette justice qui alimente discours et éditoriaux complaisants existe-t-elle réellement ? Se peut-il que le cœur de ceux qui dirigent soit aussi desséché ? L’esprit de revanche a-t-il tué chez eux la bonté, la générosité, la solidarité dont ils se prévalaient il n’y a pas si longtemps ? Qui apportera des réponses claires à ces questions ? La presse, jadis aventure intellectuelle, est menacée par l’argent et pratiquement tous les titres de ce que l’on appelait presse indépendante se rangent dans la douce quiétude du confort éditorial qui ne leur fait courir aucun risque ! Que sont devenus les anciens révolutionnaires, les trouble-fêtes, les Pagsistes, les communistes, les socialistes, les militants du FLN de gauche ? Ainsi meurent les héros sur les terrains vagues de la déloyauté, aux aurores de cette Algérie nouvelle, plus capitaliste que le capitalisme et royaume des affairistes et des affaires ! (…)
A contre-courant de cette course effrénée aux sous, Nourredine Naït Mazi, ancien directeur du quotidien El Moudjahid et bâtisseur infatigable de ses infrastructures techniques, porteur des nobles idéaux de progrès et de justice de la révolution de Novembre, l’homme que j’ai connu droit et fier durant plus de vingt années de travail à ses côtés, est resté fidèle à lui-même ! Oui, ce directeur qui était affublé de tous les qualificatifs — censeur, bourgeois, de droite, opportuniste —n’a pas vendu son âme ! Impassible témoin des turpitudes des uns et des autres, il regarde, avec une pointe de dédain, mais toujours avec la lucidité du juste, les «changements» intervenus chez ceux qui lui donnaient, hier, des leçons sur la «lutte des classes» ! Lui, qui compte les sous d’une retraite pas toujours au niveau des exigences de la vie d’aujourd’hui, possède ce que beaucoup n’arriveront jamais à avoir : la dignité ! Combien sont-ils comme lui, ces anciens cadres de la Nation, jetés dans les dédales de l’oubli, eux qui ont édifié ce pays et donné à l’Algérie le rang de pays stable et puissant au milieu des années 1970 ! Ils n’ont pas besoin d’argent ! Ils ont besoin de la reconnaissance de la Nation pour tout ce qu’ils ont fait, durant et après la guerre de Libération.

L’Algérie qui sait élever des statues aux puissants du moment est-elle devenue si ingrate qu’elle ignore et dédaigne ses anciens serviteurs ? Pour ce qui me concerne, j’ai fait le minimum : rendre visite à cette illustre figure de la presse algérienne, pour lui dire «merci» ! J’aurais voulu revoir Kamel Belkacem, Belaïd Ahmed, et tant d’autres encore, pour leur faire part des mêmes sentiments, mais je n’ai pas eu de chance cette fois-ci. Par contre, mon ami et frère Zoubir Souissi m’a conduit chez un autre monument da la presse nationale, durement frappé par la maladie, mais qui se bat courageusement, avec une hargne et une détermination que je voudrais saluer ici. Il s’agit de notre ami Bachir Rezzoug, l’ancien directeur du grand quotidien progressiste La République d’Oran où nous comptions de nombreux amis. Toujours fidèle à son poste, malgré le mal qui l’empêche de se donner totalement à sa passion, Bachir continue de nous étonner avec de merveilleuses œuvres journalistiques dont la dernière est une revue économique «Investir» qui n’a rien à envier aux plus huppées des productions internationales. Bon vent, Bachir, et courage !

Sur les traces de Ghoul, le chemin des hommes dignes de ma profession m’a conduit chez les aînés, dans cet Alger infernal des bouchons et du surpeuplement. Mais il y a tellement de belles choses à voir pour celui qui sait chasser les nuages de l’oubli et de la capitulation.

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