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Rubrique Haltes Estivales

Que faire ?

Octobre 2007 : dans ce maussade après second mandat où l'autocratie renforce peu à peu son pouvoir, les regards se tournent vers la presse dont les titres majeurs continuent de représenter le seul contre-pouvoir de poids, au moment où les journalistes redécouvrent les commissariats et les tribunaux... Cette presse qui a été aux premières lignes du combat pour la survie de la République, tient à garder sa liberté et son authenticité... Réponse à un lecteur qui nous reprochait de défoncer des «portes ouvertes».
Un lecteur me fait le reproche, pas seulement à moi, mais à Madame Leïla Aslaoui, à Mohamed Bouhamidi, Boubekeur Hamidechi, Ahmed Halli, Hakim Laâlam, etc. de « défoncer des portes ouvertes ». Il écrit que nous nous contentons d’exposer des situations que tout le monde connaît, sans proposer de solutions ! Sur un ton amical et respectueux, il nous dit, cependant, qu’il continue de nous lire et d'attendre beaucoup de nous.
La presse n’a-t-elle pas déjà, et dans un passé récent, accompli des missions pour lesquelles elle n’était pas désignée ? N’a-t-elle pas, à force de jouer un rôle politique, empiété sur les plates bandes des partis et des élites ? Quant à défoncer des portes ouvertes, ce n’est pas si sûr ! Si les choses étaient aussi simples et claires pour tout le monde, nous ne serions pas trois ou quatre quotidiens, sur les quarante que compte le pays, à nous compliquer l’existence ! Parce qu’il n’est pas facile, de nos jours, d’aller à contre-sens de l’unanimisme ambiant et il est plus commode d’applaudir les seigneurs du moment : on y gagne à tous les coups et la publicité institutionnelle ne nous ferait pas la tête ! Au lieu d’être considérés comme des pestiférés, nous serions invités sur tous les plateaux de l’ENTV !
Critiquer ouvertement ce pouvoir autocratique nous impose d’être irréprochables dans notre vie quotidienne. Cela nous coûte d’imposer à nos familles des restrictions dans tous les domaines. Nos enfants vivent et étudient ici et quand il leur arrive de suivre des cours ailleurs, c'est avec nos propres moyens, jamais avec ceux de l'Etat ! Cela nous coûte de ne pas taper à toutes les portes – amies ou hostiles – pour régler nos problèmes de citoyens ordinaires dans un pays rongé par la bureaucratie, et nos lecteurs en savent quelque chose ! Cela nous coûte de laisser moisir nos malades dans les hôpitaux-mouroirs et ne pas nous abaisser à demander des prises en charge qui sont généreusement attribuées pour des petits bobos lorsqu’il s’agit de la nomenklatura et des amis, ou simplement les lèche-bottes ! Cela nous impose de faire la queue pour n’importe quel papier, alors que des confrères futés agissent par coups de fil ! En fin de compte, cela nous impose de vivre simplement comme vivent tous les citoyens de ce pays et c’est magnifique pour les journalistes que nous sommes ! Car cela nous permet surtout de garder la tête froide et de ne pas oublier qui nous sommes : des citoyens, pas plus. Il y a toujours un prix à payer pour rester debout et libre. Mais que sont nos « privations » insignifiantes par rapport au sacrifice d’un Mohamed Benchicou dont je retiens la phrase victorieuse qui a orné la « Une » du Soir d’Algérie, le jour de sa libération : « N’ayez pas peur de leur prison ! »
Dire que nous défonçons des portes ouvertes n’est pas juste. Il y a un minimum de courage à dire les vérités. Quant aux solutions, elles me paraissent évidentes à la lecture de nos articles. Lorsque nous disons que le syndicat UGTA n’est plus représentatif, qu’il a trahi les travailleurs et que sa direction est moralement douteuse après l’affaire Khalifa, nous ne faisons pas que « décrire » une situation. Nous appelons à une réflexion sur le rôle du syndicat dans un pays livré à l’appétit féroce des nouveaux bourgeois trabendistes. Aïssat Idir et Abdelhak Benhamouda sont-ils morts pour que M. Sidi Saïd envoie des messages mielleux au président de la République, le remerciant d’avoir été « généreux » avec les travailleurs ? N’est-ce pas là notre devoir de dénoncer ces courbettes ?
Les solutions existent, mais le terrain de la politique n’est pas celui du journalisme. Nous ne pouvons, en aucun cas, nous substituer aux militants des partis ou aux élus. C’est à eux qu’il appartient de forger des programmes politiques, de les présenter à l’opinion publique, de les faire voter et de contrôler leurs applications. Dans la situation actuelle, nous ne voyons rien venir de la classe politique parce que tous les chefs de la mouvance khobziste se sont découvert des dons de propagateurs du programme présidentiel ! Il n’y a plus de partis, plus de Parlement, plus de Sénat : il n’y a que le programme du Président ! Le jour où l’on reviendra à des normes, c’est-à-dire à un fonctionnement normal du système politique, avec une vraie concurrence entre les partis, une implication réelle et désintéressée de la société civile, le jour où les élections seront libres et honnêtes, où les députés ne feront plus de la figuration, où le poste de magistrat suprême sera ramené à ses justes proportions, dans le cadre d’une vraie république ; ce jour-là, la presse pourra jouer son rôle tel qu’il est compris dans toutes les démocraties du monde.
Il serait hypocrite et totalement farfelu de prétendre jouer ce rôle aujourd’hui, alors que nous vivons à l’ère de la non-république et de la non-démocratie. Par contre, la presse peut apporter beaucoup en ouvrant ses colonnes aux citoyens. Ces derniers, il ne faut plus se le cacher, sont au bord du désespoir. S’il est normal qu’ils attendent de la presse qu’elle leur montre le bout du tunnel, il reste qu’ils ont, eux aussi, leur mot à dire. Ouvrons nos colonnes à cette bouffée d’air frais qui fera beaucoup de bien à nos rédactions, souvent renfermées sur elles-mêmes. La décennie de terrorisme et les mesures strictes de sécurité qu’elle a imposées laissent des traces : le journaliste n’est pas toujours là où il faut et la tendance au « rewriting » derrière un bureau l’emporte souvent sur le reportage, source d’informations authentiques et véritable baromètre de la vie du peuple.
Ce que nous recommandons – mais, encore une fois, est-ce notre rôle ? – est une mobilisation pacifique des citoyens dont la force majeure est dans l’unité et la clarté des objectifs. Lorsque nous revenons à la Kabylie, ce n’est pas pour faire du « régionalisme à rebours », comme nous le reproche un lecteur, pas content que « nous aimions les Kabyles », c’est parce que, pour des raisons objectives qui tiennent à l’Histoire et à la nature de la population locale, dont la conscience politique s’est enrichie au contact de la diaspora, cette région a toujours été à l’avant-garde des luttes populaires pour l’émancipation et la démocratie. Aussi, est-il impératif que le mouvement citoyen reprenne l’initiative et qu’il fasse la jonction avec les partis républicains encore debout.
Nous ne pensons pas que la violence réglera le problème. La mobilisation pacifique des citoyens conscients et des syndicats libres est à même de donner des résultats immédiats, à la mesure des espoirs du peuple algérien. Le jour où les forces de progrès seront majoritaires dans ce pays et qu’elles pourront, à nouveau, s’imposer, il sera alors possible de parler de solutions : instaurer une vraie démocratie représentative, rétablir la liberté de pensée et de réunions, bannir le « zaïmisme », lancer un vrai plan Marshall en direction des jeunes, réformer la justice, combattre la corruption, bâtir, partout, des salles de cinéma et de théâtre, des écoles de musique et de danse, édifier des temples du savoir moderne, privilégier la connaissance scientifique et le savoir universel, promouvoir la pensée rationnelle, revoir totalement le programme de nos écoles, en allant très vite vers la normalisation des programmes de mathématiques et de sciences (à quoi cela sert-il d’étudier les sciences naturelles en arabe lorsqu’on sait que les cours de médecine, par exemple, sont en français !), lutter contre les idées obscurantistes, réduire le rôle des marabouts, revoir totalement l’urbanisme de nos villes, lancer mille parcs de loisirs et mille jardins zoologiques, etc.
Il y a tant de chantiers qui nous attendent. Mais, pour les réaliser, il faut que ceux qui ont la charge de mener le développement de ce pays choisissent de vivre en Algérie ! Qu’ils cessent d’utiliser ce pays juste pour s’enrichir. Lorsque je vois les villes vertes tunisiennes ou marocaines, quelque chose me dit que les responsables de ces deux pays ont déjà choisi le lieu de leur retraite. Quand ils ne sont plus au pouvoir, nous pouvons les rencontrer dans les jardins fleuris de Rabat, Marrakech ou Sousse et Monastir ! Les nôtres finissent toujours dans un château suisse ou, lorsqu’ils n’ont pas cette chance, à la tête d’un hôtel parisien ou d'une... boucherie halal !
M. F.
4 octobre 2007

P. S. : élire un Président sans changer la Constitution au préalable va nous mettre devant le risque d'avoir un autre Bouteflika et peut-être même un autre Saïd sous une forme nouvelle. Attendre de ce « Godot » à venir qu'il fasse tout le boulot pour démocratiser le régime et changer les pratiques autocratiques en un tour de main est tout simplement chimérique ! N'est-ce pas, d'abord et avant tout, le rôle des élites patriotiques portées par la vague populaire du 22 février ? Croire qu'ils en sont incapables pour je ne sais quelle raison et attendre le changement via ce « Mehdi montadhar » est une méthode à gros risques !
Novembre n'a été possible que parce que l'ordre partisan sclérosé a été cassé et le père fondateur remis en cause ! Une démocratie se bâtit par des élites républicaines et démocratiques et la grande masse des citoyens conscients. Non par une seule personne, et surtout pas un futur Président intronisé d'emblée « roi » par la Constitution de Bouteflika !
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