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Rubrique Ici mieux que là-bas

Chronique de l’Algérie optimiste

Quelque part, dans un de ses spectacles, Fellag se gausse : «Partout ailleurs, quand on touche le fond, on remonte. Nous, on creuse !» C’est une façon de mesurer l’insondable masochisme qui nous fait renvoyer un reflet haineux de nous-mêmes. La haine de soi, c’est connu, ne laisse pas de répit. Et on ne se punit jamais assez. Par l’autodérision, du moins !
Mais pour talentueux qu’il soit à condenser en une facétie le sentiment diffus d’un peuple, peut-être que l’ami Fellag n’a pas raison. L’Algérie n’atteindra jamais le fond. Pourquoi ? Eh bien, c’est qu’il n’y a pas de fond. La vertigineuse dégringolade du pays ne rencontre pas de seuil pour l’arrêter ou, au moins, la ralentir. Expéditif, ce constat n’admet pas de nuance. Il n’ouvre sur aucune espérance. Apparemment, aucun indicateur ne permet d’entrevoir une lueur d’espoir. La chute se poursuit inexorablement.
Viable ou  pas, le bilan calamiteux est copieusement partagé. On n’y déroge pas. Et il s’aggrave de jour en jour.
L’année 2019, celle de l’élection présidentielle, semble encore plus mal barrée que les précédentes depuis 20 ans. L’échéance du mois de mai aurait pu, envisagée dans une dynamique de salut patriotique, constituer l’occasion d’une sortie de crise pacifique et honorable pour les tenants du pouvoir actuels. C’est en ouvrant le jeu à une réelle élection pluraliste, telle que prévue par la Constitution, loyale et sincère, après toutes ces années de blocage politique mortifère et onéreux dans toutes les monnaies, qu’un homme peut entrer dans l’Histoire. La hauteur du minaret n’a rien à voir là-dedans.
L’année décisive commence sur des appels médiatiques au bruit de bottes au nom de l’intérêt de la Nation, ce  qui donne lieu à des polémiques entre des institutions vitales et des individus qui assumèrent des charges importantes dans l’armée. Ce dialogue est absolument incompréhensible pour quiconque se souvient quand même qu’il existe dans ce pays une classe politique, une opposition même, et que tout ce qui se discute là est de son ressort. En faisant la sourde oreille à l’opposition, en ignorant le malaise des Algériens face à cette lente dégradation, le pouvoir politique, entité hybride, homologue de fait que le destin du pays se débat dans le huis clos des guérites.
Autre élément de naufrage : l’offensive du néo-libéralisme adossé à la rente pétrolière, transformant toute activité économique en emballement de bazar, a achevé de délabrer le peu qui restait de compétence et de respectabilité de l’autorité politique et administrative. Tout se vend et s’achète. C’est le règne des débrouillards, des sans-scrupules, de ceux qui donnent et de ceux qui prennent le bakchich. La dignité elle-même se monnaye.
Si ce chaos régulé s’est aggravé depuis que le sommet de l’Etat ne répond plus, il faut dire que les prémices sont là depuis fort longtemps.
Pourtant, en dépit de ce trouble chronique, le pays fonctionne. De travers, certes, mais il y va ! Avec le boulet des dysfonctionnements, des aberrations et le charme du surréalisme, les institutions continuent de tourner. C’est la particularité de ce pouvoir nationaliste, au substrat putschiste, que d’avoir depuis l’indépendance fait face à toutes les turbulences, en s’adaptant constamment aux nouvelles conditions d’exercice du pouvoir, changeant d’hommes, de clans, de tactiques sans jamais abandonner les deux pieds sur lesquels il se dresse: l’exploitation populiste et sans vergogne de la rente symbolique, et de la rente tout court, et l’usage de la force comme médiation dans le contrat politique et la gestion de la société.
La prégnance grandissante du salafisme, injecté visiblement à fortes doses dans le cortex social fragilise davantage les défenses immunitaires de la société algérienne face à l’épidémie de la régression.
La crise économique y ajoute une couche en élargissant les inégalités, aggravant les injustices, renforçant l’arbitraire. Les partis d’opposition qui ont une vision, la presse indépendante qui possède une éthique sont, dans la diversité de leur efficacité, justiciables de la  démoniaque alternance de la carotte et du bâton.
Bref, on a là le tableau clinique complet pour que la chute soit fatale. Pour beaucoup moins que ca, des régimes pourtant puissants sont tombés à travers le monde et des pays ont sombré. Pas l’Algérie, pas ce pouvoir !
Ce n’est évidemment pas par la grâce divine que le pays tient. Il y a quelque chose qui ressort de l’ordre du miracle, mais du miracle qui s’explique. Le pays tient car partout, dans toutes les institutions de l’Etat, dans l’éducation nationale, dans tous les secteurs d’activités, à l’université, dans les quartiers, il y a des Algériens intègres, soucieux seulement de l’intérêt national. Invisibles car cachés par l’écran de fumée des luttes politiciennes pour le pouvoir emplissant de bruit et de fureur tout l’espace national, ils font honnêtement leur travail. Et si le pays reste même aléatoirement dans ses rails, ce n’est pas parce qu’ils existent, mais parce qu’ils sont nombreux. C’est même la majorité.
Cette Algérie qui résiste a jusque-là empêché, en dépit des apparences, que le pays coule avec les soubresauts politiciens du pouvoir et l’absence de vision. Il nous faut la découvrir car, avec sa persistance à entretenir les idéaux qui ont mené à l’indépendance, ses aspirations à la démocratie, la liberté et la modernité, ses initiatives citoyennes, sa créativité, sa lucidité, sa grandeur, sa volonté à ne pas écouter les sirènes du désespoir, elle peut transformer le sentiment d’échec collectif qui nous fracasse en lueur d’optimisme. 
A. M.

 

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