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Rubrique Ici mieux que là-bas

La fabrique du mal-être

Tu le remarqueras, j’ai vraiment le blues. Et j’ai envie de crier : arrêtez de chercher ! Je balance. Oui, je connais les fauteurs de la déglingue nationale, les bâtisseurs des ruines qui nous servent d’habitus, les Huns qui laissent la désolation sur leur passage chez les autres. Je les situe parfaitement. Je les profile net. C’est qui donc ? Ce sont eux, houma, ceux d’En Haut, les bailleurs du pinacle, les squatters de la terrasse, les juchés du minaret suprême, el houkouma, eçolta, el qayada, el… Si tout est chaotique, étrange, bizarre, surréaliste, de guingois et relativement invivable dans ce pays, c’est de leur responsabilité unique et entière, pour ne pas dire de leur faute intégrale. Personne et rien d’autre ne peut ni ne doit être incriminé pour ce chef-d’œuvre de destruction mémorable qui est, quoi qu’on puisse en penser, par beaucoup d’aspects méthodique. Qui ? Le fautif est là, bien visible, à portée du pouce renversé. Il n’a nulle part où se cacher. Donc, ne cherche pas loin le coupable si le boulon foire, le boulot itou, la soudure lâche, le lâche soude, le robinet déblatère, la vis s’enfonce dans le vide, le vice fonce à tout berzingue, la peinture s’écaille, la télé privée couine d’autosatisfaction orgasmique, la chasse d’eau aboie mais ne mord pas, la locomotive s’essouffle, le souffle se démotive, la cocaïne passe les doigts dans le nez, le wagon se détache, le trottoir se creuse plus facilement que la question de fond, le train est traintrain, la chaussée se couvre de cyber-détritus, le général dégringole en simple particulier, le mental s’affaisse jusqu’aux chaussettes à fausses griffes, le temps se dilate en particules hégiriennes, l’administration se gangrène de laxisme et d’incompétence et de gentille petite corruption-pas-méchante-du-tout, le fric géologique puisé du naphte souterrain se dilapide en frasques surérogatoires de surface, le pétrole fuit par les jointures off shore, les canalisations d’eau sont remplies de boue et les regards obstrués de peaux de mouton du dernier Aïd en date, les inondations redoublent de férocité, le choléra marque des buts plus et mieux que les buteurs patentés de l’équipe nationale payés à prix d’or, les paradis fiscaux deviennent un enfer pour leurs locataires illicites, les conducteurs se muent en chauffards, les plantons en propriétaires de plantations, les promoteurs immobiliers en bouchers, les maîtresses des maîtres en potentats de service, les bourreaux en victimes et tout le monde aspire de concert à prendre le large, la diagonale du fou, à un flamboyant destin de harraga affrontant, comme Ulysse, la furie des éléments sans désespérer de retrouver l’introuvable Pénélope… Tu parles d’un gâchis ! (Prononcer à la Nourredine Boukrouh !) Si cette merveille de dérèglement multi-sectoriel, comme dit mon copain chargé de l’inventaire dans une quincaillerie du secteur public, est devenue une hideuse et pénible réalité quotidienne, c’est uniquement de la faute des décideurs, des instances mafieuses et népotiques, des terminator dissimulés en bons fonctionnaires par leurs costumes à la coupe de gendre idéal qui nous gouvernent ? En vertu de ce principe de physique hygiénique selon lequel un escalier se balaie par le haut, le bas est exonéré de toute responsabilité ? On ne peut pas le dire comme ça. Chacun de nous, de bas en haut, apporte malheureusement son petit écot à la tache gigantesque. Détruire matériellement et moralement ce pays semble une œuvre collective que certains d’entre nous exécutent avec enthousiasme, et beaucoup avec inconscience et le reste peut-être à dessein. Mieux : empiriquement parlant, on peut constater que dégommer ce pays semble le seul projet de société adopté sans avoir été discuté par quiconque. Pas besoin de débats genre de celui autour de la Charte nationale de 1976, ni de référendum tarabiscoté, ni de joutes à coloration byzantine à l’APN, ni d’absconses et frelatées polémiques autour de la sécurité du perchoir de Bouhadja, ni de consultations électorales de quelque nature que ce soit… On se réveille le matin et on va au boulot avec l’instinctive détermination à réussir à apporter sa contribution patriotique au fabuleux projet de fabriquer un peu plus de mal-être pour tous. Dans la plupart des pays du monde, on travaille à chaque instant du jour pour améliorer le bien-être collectif et individuel. Chez nous, c’est tout le contraire. On croirait qu’aggraver le mal-être n’est pas considéré comme un acte négatif mais l’application d’une directive horizontale. Et ce mal-être est une création collective que nous ne cessons de parfaire. Jeter des ordures n’importe où, ne pas respecter les règles du code de la route, faire insuffisamment et mal son travail, tricher avec la législation, les règles, le législateur, tricher avec Dieu lui-même, et massivement, se bousculer partout comme si c’était obligatoire, ne pas faire la chaîne mais s’amasser de façon informe devant les guichets de sorte à ce que personne ne passe, laisser la mairie, la recette des impôts, la banque, dans un état de délabrement repoussant, accepter que personne parmi le personnel pléthorique qui devise tranquillement derrière le comptoir ne vous demande quel est l’objet de votre visite, négliger sa propre hygiène physique, s’insulter et se bagarrer pour des enjeux futiles voire infantiles, ne rien respecter, ni les autres, ni la nature, ni les lois, ni les règles, sauf le bâton et l’argent, truffer ses mensonges de citations coraniques, exhiber la médiocrité et l’incompétence comme des vertus antiélitistes, cultiver les pires défauts comme des vertus, se repaître d'un univers incompréhensiblement dénué d’hygiène, de civisme et de volonté – naturelle — de construire n’est évidemment pas l’apanage des gouvernants. Tous, nous y apportons notre précieuse contribution. Ce mal-être dans lequel nous nous trouvons est certainement le fruit conjugué de nos petites lâchetés, oublis, dérobades, égoïsmes, courte-vue, démobilisation, abdications diverses… Mais tout cela, il ne faut pas le dire. Pourquoi ? Pardi, tu joues le jeu de l’ennemi.
A. M.
P.S. :
Ma chère Aïda Lazib, quand tu m'as dit la dernière fois, il faut bien qu'un jour on se pose pour déjeuner ensemble, j'aurais dû te dire : maintenant. Après trois ratages consécutifs, j'aurais dû insister. Maintenant, c'est trop tard. Ton départ me déchire le cœur. Condoléances à tes filles et aux tiens. On ne peut pas t’oublier.

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